Europe Écologie Les Verts est troisième du scrutin général. Sur l’île, les commentateurs et les partis compétiteurs sont en KO techniques. Bref, déconfiture pour les organismes de sondages qui donnaient peut-être tout au plus neuf élus à la liste Jadot. Elle arrive en deuxième position en Corse.
La liste Europe Écologie Les Verts de Yannick Jadot a plus de 12 élus au Parlement Européen. 13 lorsque le Brexit sera effectif. Plus de 70 au total pour le groupe européen Verts- ALE. François Alfonsi est en situation d’agir. Il pourra enfoncer d’avantage le clou qu’il a planté pour les langues régionales et accentuer la pression pour les droits des Peuples sans États sans compter les dossiers de la PAC, de la pollution, du développement durable, etc. L’émancipation du Peuple Corse passe par le préalable de sa reconnaissance et de ses droits avec les moyens d’assurer son avenir sur sa terre par une autonomie de plein exercice.
Alors pourra commencer la phase de sa reconstruction.
Deux problèmes connexes devront être pris en compte.
– Quelles que soient ses institutions, il faudra garantir que la Corse ne puisse pas être de par sa position géopolitique une menace pour la sécurité de l’hexagone et aussi aujourd’hui pour le sud de l’Europe.
– La mise en place de l’autonomie devra se faire progressivement et avec l’aide de la France.
On amènera la République jacobine à y consentir que dans un rapport de force politique démocratique de qualité intense et tenace. Son jacobinisme lui est consubstantiel. Il fonctionne comme une religion universelle.
Son égalitarisme n’est pas l’égalité.
Il n’est pas l’équité, il nie les différences de l’Histoire, des cultures, il est le modèle, le meilleur, il est totalitaire et quand on le remet en question démocratiquement il répond par une logique de guerre et tous les moyens sont bons, barbouzes y compris. Il a justifié ses colonisations.
Elles étaient travesties en généreuses missions civilisatrices pour le bien des peuplades « archaïques ».
C’est dire si les natios doivent se battre sur tous les fronts et comme on ne sauve pas un Peuple par procuration, ils doivent gagner assez de Corses conscients des données du drame historique et déterminés à le sauver. Gagner des élections ne peut suffire. Sans cette prise de conscience précise des mécanismes constants destructeurs que le colonialisme jacobin utilise et sans une volonté de Peuple de les neutraliser, il n’y a pas d’issue et, aux actions revendicatives l’Etat jacobin ne répondra que par des leurres (bilinguisme à sa main mais pas de coofficialité indispensable, Padduc mis en avant pour polémiquer mais marée de résidences secondaires à «valeurs locatives » par défiscalisation).
Quand Macron se dresse sur ses étriers lors du cérémonial Erignac, c’est sans doute son tempérament qui le pousse mais c’est surtout par conviction politique de jacobin. Il est le premier Président qui se trouve devoir parler et traiter avec une majorité absolue de natios.
C’est laisser croire que leurs demandes de Peuple reconnu ou de coofficialité de leur langue pourraient être acceptées un jour. Ils les confinent donc dans un statut d’élus locaux qui ne font pas la loi. Il veut les enfermer dans une cellule blindée de la Constitution, dans un article 72 sous prétexte de bien amarrer la Corse à la République et d’y mettre plus facilement ce dont elle a besoin. Cela revient à ce que le pouvoir central voudra bien et à sa guise y jeter des os à ronger puisqu’il est maître des maillons de la chaîne parlementaire (calendrier, ordre du jour, des deux Chambres et de leurs commissions, avec les consultations du Conseil d’État où les recours au Conseil Constitutionnel).
Il suffit de survoler les deux siècles et demi depuis Ponte Novu sous l’égide de la France pour voir la continuité de cette politique coloniale jacobine.
– Une loi douanière de 1818 à 1913 suivie de la Première Guerre Mondiale de 1914 à 1918. Au bout d’un siècle la Corse voit sa production agricole étranglée et sa démographie amputée de 12.000 hommes de 20 à 30 ans sans compter les milliers de blessés graves. Elle manquera de bras et de procréateurs.
– La République puise dans le réservoir d’hommes pour son Empire colonial, pour la guerre de 1940-45 (des pères de familles nombreuses de 50 ans seront mobilisés, traitement spécifique pour l’île…).
– Mais après 1950 l’Empire croule, la Communauté franco-africaine de 1958 s’évapore, l’Indochine (après Diên Biên Phû les Accords de Genève de Mendès France en 1960, ceux d’Evian De Gaule avec le FLNA en 1962). Le repli sur l’hexagone et en 1958 les Plans d’actions régionales pour l’Europe à faire (3 sociétés d’économies mixtes : Somivac, Setco et la société Sylvo-pastorale qui, elle, n’a pas vu le jour). La première servira dans l’urgence à accueillir 18.000 rapatriés. Dans l’urgence l’épisode des langoustes radioactives avec les essais atomiques à l’Argentella.
Dans ce nouveau contexte, le réservoir vidé, la terre insulaire est à développer dans l’intérêt de l’hexagone. On la destine au tout tourisme. La Datar directement rattachée au Premier Ministre choisit parmis les options, celle mortelle à court terme du Peuple Corse du Rapport secret de l’Hudson Institut (250 à 300.000 lits à créer en dix ans et 70.000 techniciens) alors qu’il préconisait la préservation de la nature et de la culture Corse. À La divulgation de ce Rapport par l’ARC, on n’en parle plus mais la même politique coloniale flagrante continue.
On n’a plus besoin des hommes, la terre dépeuplée peut rapporter.
C’est l’idée de la cage vidée puis remplie d’oiseaux venues d’ailleurs.
– En 1982 l’arrivée de Mitterand, une trentaine d’années après la Seconde Guerre Mondiale commence le ballet des statuts spéciaux et spécieux (Defferre, Joxe, Jospin et le dernier Cazeneuve hérité par Macron l’Assemblée Unique…). Des avortons.
S’il est crucial de résister pour sauver les meubles, les murs maîtres ne pourront s’édifier qu’avec l’autonomie et les habitants d’origine.
Les natios les plus motivés inquiètent. Ils déçoivent quand ils se disputent des mandats comme des pierres précieuses alors qu’ils ramassent la verroterie que laisse traîner les jacobins. Ils faillissent par inconséquence quand ils ne créent pas l’outil utile capable d’augmenter la confiance et l’estime du Peuple dont l’implication maximale est incontournable pour un combat historique de survie. Et pourtant des signes encourageants semblent apparaître : ce groupe Libertés et Territoires composés d’élus venant de partis différents avec nos trois députés ainsi que la percée d’Europe Écologie Les Verts.
C’est la première fois qu’un regroupement transversal a lieu au Parlement français. Le système ne correspond plus aux besoins d’une ère nouvelle. Il en est de même au Parlement européen où sociale démocratie et conservateurs ne sont plus en état d’alterner.
Ils doivent composer avec d’autres force politiques qui sont au portillon pour faire l’Europe des Peuples et des Régions.
Dans cette nouvelle espérance, nos natios vont-ils s’inscrire en liste d’attente ?
Max Simeoni.
