A force d’enfiler les tweets, Donald Trump va finir par pulvériser tous les records d’inconséquence. Menteur, provocateur, et irresponsable : à la tête de la première puissance mondiale trône le plus dangereux des allumés. Le monde en sortira-t-il indemne ?
La dernière « trumperie » en date est l’annonce du retrait des troupes américaines du Rojava, ce territoire du nord de la Syrie contrôlé par les Kurdes, frontalier sur presque 500 km avec la Turquie. Trump venait d’avoir Erdogan au téléphone et il avait subi la colère du dictateur frustré de ne pouvoir prendre ce territoire d’assaut tant que les troupes américaines y séjournent, et que leur aviation en empêche le survol aérien, condition sine qua non d’une l’invasion par l’armée turque.
Quelques instants plus tard, un dimanche soir, le tweet est parti : « il est temps que nos soldats rentrent à la maison ». Le lundi les premiers mouvements de troupe confirment cet ordre qui livre sans défense les Kurdes aux troupes d’occupation promises par Erdogan. Jusqu’à ce que ce qui reste de raisonnable dans l’administration américaine, y compris dans la majorité républicaine qui a donné son investiture à Donald Trump, n’élève la voix et ne réussisse à se faire entendre. Le lundi, le Pentagone annonce le maintien de la couverture aérienne qui empêche le survol du Rojava par l’armée turque, et donc gèle toute intervention militaire au sol. Jusqu’au rétropédalage de Trump en personne qui le lundi soir menace la Turquie de représailles économiques destructrices « si elle dépasse les bornes ».
Les troupes kurdes ont en effet assuré le succès militaire de la coalition dirigée par les USA contre Daech et l’Etat Islamique. Les américains leur doivent énormément, et abandonner un allié aussi précieux aujourd’hui revient à s’assurer de ne plus avoir aucun allié demain si un nouveau conflit éclate qui amène à nouveau l’implication des forces yankees où que ce soit ailleurs dans le monde. Trahir les Kurdes aujourd’hui au Moyen Orient conduirait inévitablement demain à ne jamais plus trouver aucun allié ailleurs où que ce soit dans le monde. Ce que les stratèges et diplomates américains ne peuvent se permettre sans hypothéquer gravement l’avenir.
Mais si cette dernière « trumperie » semble pouvoir être conjurée, il en est d’autres qui vont beaucoup plus loin, et qui mettent la diplomatie mondiale en émoi. La dénonciation de l’accord sur le nucléaire iranien n’arrête pas de décliner ses conséquences désastreuses au Yemen et dans tout l’espace oriental, jusqu’à la destruction d’une partie de la capacité de production pétrolière de l’Arabie Saoudite au mois d’août dernier.
Le déplacement de l’ambassade des Etats Unis de Tel Aviv à Jerusalem a mis fin au rôle de la diplomatie américaine pour essayer de trouver les conditions d’une paix durable en Palestine, dans la tradition des sommets de Camp David présidés par Jimmy Carter puis par tous les présidents américains qui lui ont succédé jusqu’à Barack Obama.
En Ukraine, les motivations de Trump se résument à une sombre histoire de chantages électoraux pour obtenir du nouveau Président ukrainien, avec pour monnaie d’échange le déblocage de l’aide financière décidée par le Congrès, qu’il diligente des poursuites judiciaires contre le fils de son opposant à la Maison Blanche.
Cet affaire est devenu encombrante pour Donald Trump : solliciter un chef d’Etat étranger pour qu’il influe sur un des choix politiques principaux du pays n’est pas du tout acceptable aux USA ! La procédure visant à le destituer avant la fin de son mandat a été lancée tambour battant par l’opposition démocrate qui est majoritaire au Congrès, mais le Sénat est à majorité républicaine et il décidera en dernier ressort.
Pour plusieurs mois donc, et quatre ans de plus s’il est réélu, ce qui est possible au vu des sondages, Donald Trump continuera de plus belle. Il a été rejoint par Bolsonaro au Brésil. Poutine maintient le rythme sur le flanc est de l’Europe, et le nouveau dirigeant de l’Inde vient de réactiver la machine à provoquer les conflits armés dans les contreforts de l’Himalaya, au Cachemire.
Qu’on l’admette ou pas, le fait est là : le monde a besoin de la diplomatie et des moyens militaires américains pour endiguer ces conflits et empêcher qu’ils ne dégénèrent dangereusement. Avec Donald Trump aux manettes, il y a tout à craindre.
François Alfonsi.