La seule façon d’affronter « l’ennemi » jacobin est de persuader le plus grand nombre que le Peuple Corse joue ses dernières cartes. Les statuts particuliers ne peuvent rien, il faut les moyens de légiférer, de l’autonomie et la co-officialité pour la langue. L’équation est simple : la reconnaissance du Peuple et de ses droits, ou sa disparition.
Les municipales sont, dit-on, les élections de proximité.
En Corse, cette proximité est maximale. Dans les communes de l’intérieur, dépeuplées, chacun se connaît et connaît le pedigree de l’autre. Il en est presque de même dans les villes où l’homme politique épluche les listes électorales pour les inscriptions, les pointages, pour jauger le potentiel d’éventuelles alliances, pour envisager des coalitions, nécessaires au second tour.
Une véritable science pratique du système électoral s’accompagne d’une expertise psychologique et relationnelle pour garder les siens, débaucher ceux des autres ou capter les nouveaux inscrits.
Aujourd’hui, alors que les clans se sont volatilisés, le virus électoraliste n’a eu besoin que d’une légère mutation pour s’adapter au nouveau système : celui des natios, élus d’une coalition électorale conservatrice, figée, incapable de tirer partie de l’occasion qui se présentait ; incapable de marquer un point capital contre le jacobinisme de l’État français.
Cette coalition majoritaire pourtant, n’avait ni clans ni partis hexagonaux à combattre. Elle aurait dû resserrer les rangs, et impulser le débat au sein du Peuple Corse afin qu’il cautionne l’obtention rapide d’une autonomie pleine et entière ainsi que la co-officialité nécessaire pour stopper sa disparition programmée.
L’ensemble natio était suffisamment dense pour faire reculer l’État jacobin sur la route qui conduit à l’émancipation. Un contrat visant l’entente de toutes les organisations aurait été possible puisque le FNLC avait cessé la clandestinité. On aurait fait l’accord sur l’objectif prioritaire de l’autonomie, laquelle aurait pu être testée. À la suite de quoi, chacune des composantes en aurait tiré la leçon. L’autonomie étant consubstantielle à la démocratie, l’idée d’indépendance pouvait être débattue démocratiquement au sein du Peuple Corse par toute organisation politique estimant que l’autonomie ne suffit pas.
Et qu’ont fait les coalisés natios majoritaires ? Ils n’ont pas changé de véhicule. Ils sont restés sur leur barque qu’ils veulent faire rouler, sans roues, sur une piste caillouteuse ; en espérant atteindre le sommet escarpé de la pyramide.
Avides de légitimité électorale, de postes, de fonctions, ils ont perdu deux ans depuis octobre 2017. Lors, ils avaient voté la fusion des deux composantes autonomistes, PNC et IPC. Si elle avait eu lieu, elle aurait pu donner aux indépendantistes le besoin de s’accorder. Mais, l’absence d’opposition anti nationaliste consistante, leur a fait croire que la ligne d’arrivée était en vue.
Même avec l’absence d’opposition les natios peuvent-ils imaginer que le spectacle électoraliste qu’ils jouent en ce moment soit sans conséquence ?
Ils seront réélus. Presque à coup sûr. ll est probable cependant que le nombre de leurs électeurs stagne, ou régresse. Et, même s’il reste important, leur crédibilité pour la route restant à parcourir, «tamanta strada», sera émousée.
Le danger ne fait que croître. On ne veut pas le voir ou bien on finit par s’y habituer. Deux chiffres sont là qui signent la gravité.
D’une part, le réservoir d’hommes était à l’étiage en 1960. L’île comptait alors 160000 habitants, suite aux 95 ans de loi Douanière (1818- 1913) et aux 12 000 morts et de nombreux estropiés de la guerre de 14-18, suite à l’exil pour rejoindre l’Empire colonial.
Ensuite ? L’Empire perdu, l’Europe en vue, les trente glorieuses , le Plan Marshall, la civilisation des loisirs… En 1972, la République veut rentabiliser la Corse par le tourisme de masse.
Le rapport secret de l’Hudson Institut à la Datar, dévoilé par l’ARC, n’en continue pas moins.
Aujourd’hui l’île détient le record de résidences secondaires construites en quelques années.
Le tocsin oui plutôt : la population de Corse à doublé ces 40 dernières années essentiellement par les venues extérieures. Les résidences secondaires ont explosé par le biais fiscal des «valeurs locatives» (défraiement de 30% des charges pour constructions) entraînant spéculations, fraudes… et inflations mafieuses. L’île aux plus offrants !
Les autonomistes n’ont pas su saisir l’occasion historique, ils n’ont pas su exploiter leur victoire électorale. Ils ont cru que, majoritaires, ils étaient incontournables et que le pouvoir central macronien ne pouvait que discuter avec eux. La sinistre comédie du cérémonial de l’assassinat d’Érignac, une véritable déclaration de guerre, aurait dû les éclairer une fois pour toute.
Non, ils lambinent, ils ne fusionnent pas, ils rêvent d’être élus…
Le temps passant le cycle électoral s’approche, ils s’agitent. Leur esprit est capté par les urnes.
Militants non candidats désenchantés, mécontents à tort ou à raison, les cartes du jeu sont dans les mains des élus en mal d’être réélus, bref d’une nomenclature éligible sans parti organisé à la base et, dans cette conjoncture du tout électoral, il est difficile de le mettre sur des rails.
La seule façon d’affronter « l’ennemi » jacobin est de persuader le plus grand nombre que le Peuple Corse joue ses dernières cartes, que les statuts particuliers ne peuvent pas le sauver, qu’il faut les moyens de légiférer de l’autonomie et la co-officialité pour la langue. Les demi mesures d’un bilinguisme d’État, ou le thème récurrent depuis toujours du développement économique sont des erreurs par ignorance ou des mensonges cyniques. Comment croire à cette économie, il n’y a pas un seul gouvernement de la France qui ne l’a pas promise. La réponse est de savoir pourquoi, le peu qui se fait, se fait si mal et que nous restons en retard de développement.
L’équation est simple en regard de la constante dogmatique. «Un seul Peuple, un seul Pays, une seule langue, un seul État » incompatible avec « Peuple Corse, île terre des Corses, langue Corse ». C’est une alternative posée depuis Ponte Novu qui demeure : La reconnaissance du Peuple et de ses droits ou sa disparition.
Max Simeoni.