Edmond Simeoni aura pu vivre l’aboutissement du combat de sa vie: l’accession aux responsabilités du mouvement qui s’est affirmé au cours des 60 dernières années comme « l’aile marchante » du peuple corse. Mais il savait bien que la lutte ne faisait que commencer. Il l’exprimait à sa façon en paraphrasant son fils qui avait lancé cette expression : «Tamanta strada… da fà ! » ajoutait-il. Il était bien conscient en effet de la somme d’obstacles et d’efforts qu’il nous fallait et qu’il nous reste encore à surmonter et à accomplir, toujours aussi convaincu qu’il était de l’impérieuse nécessité d’impliquer l’ensemble du peuple corse dans cette construction. Dès 1992, le 13 mars, il déclarait dans une interview à Arritti : «Certes, en 30 ans, le combat de colonisation a progressé, et la conscience nationale s’est affermie. Mais bâtir une Nation moderne, juste sur le plan social, ouverte sur la Méditerranée et l’Europe, prospère, va nécessiter des efforts majeurs pendant la prochaine décennie où il faudra allier capacité de lutte et réflexion, mobiliser le peuple, afin qu’il devienne le véritable acteur et le bénéficiaire du changement radical dans son destin ».
Un constat qui reste d’actualité.
Le 11 décembre 2015, à la veille de la victoire nationaliste aux élections territoriales, voici le message qu’il lançait pour appuyer les enjeux d’une Nation à construire.
«Nous appartenons, toutes et tous, que nous soyons Corses d’origine ou Corses d’adoption, que nous résidions ici ou ailleurs dans le monde – composante alors de la diaspora – à ce peuple qui est une communauté millénaire, dotée d’une langue, d’un territoire insulaire, d’une histoire commune. Dans sa vie tumultueuse où il a subi des agressions – barbaresques, Romains, Pisans, Génois, et enfin Français –, il a toujours témoigné d’une forte passion pour la liberté, générant, de manière chronique, des luttes de résistance et d’émancipation.
La dimension nationale corse repose sur une base indiscutable: la volonté de vivre un avenir commun, la maîtrise de notre destin et de notre territoire. (…) Plus de cinquante ans de luttes, sur tous les terrains, par des moyens légaux et illégaux – FLNC – ont permis à la société corse de mûrir, de bâtir un consensus fort autour de la démocratie, de l’identité, de la justice sociale, de la nécessaire, rapide et réelle évolution des institutions; les revendications, largement adoptées à l’Assemblée de Corse et en phase avec la société insulaire, en portent témoignage (…) Le seul obstacle à la réalisation de l’intérêt collectif du peuple corse réside dans la dénégation de l’État et dans sa collusion avec le système claniste, à l’agonie, certaine et inévitable. Nous sommes à trois jours du droit d’ouvrir le chemin de la liberté ; les forces conservatrices ne peuvent plus maintenir la Corse en situation de servage, si ce n’est par l’arsenal funeste des fraudes, des pressions ; la poussée progressiste, plurielle, ici et dans la diaspora, se renforce avec la jeunesse qui se lève, sans violence.
Elle doit déboucher sur un choix démocratique, clair, incontestable, qui nous permettra de savourer la liberté puis de construire – avec toutes les forces ouvertes au dialogue – un Pays moderne, développé, plus juste, adossé aux valeurs de l’humanisme et réconcilié avec lui-même.
Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, notre histoire, notre volonté collective poussent notre peuple à accéder à la liberté, dans le cadre d’un contrat d’émancipation avec la France respectueux des intérêts légitimes des parties. C’est inexorable ».