Au fracas du départ de Josette Chevalier sur fond polémique, s’est succédé l’atterrissage tout en douceur du nouveau venu au Palais Lantivy, Franck Robine. Avec, pour les deux préfets un point commun : la prise à témoin de l’hommage annuel au Préfet Erignac.
La Préfète remerciée voulait «marquer le coup » d’un départ manifestement précipité, signal, peut-être, qu’une certaine politique d’inspiration préfectorale, de la base, au Palais Lantivy, jusqu’au sommet, à la Présidence de la République, était remise en cause.
La Préfète avait une feuille de route politique que Macron lui-même était venu fixer lors d’une commémoration précédente qu’il avait présidée en grandes pompes avec Jean Pierre Chevènement pour témoin privilégié.
Josette Chevalier n’a visiblement pas apprécié d’être débarquée. S’emparant d’une polémique abracadabrantesque autour d’un projet de concert avorté lors des cérémonies qu’elle avait envisagées pour la commémoration Erignac 2020, elle a « chargé la barque » d’un courrier outrageant à l’attention de Gilles Simeoni, confirmant de manière indubitable l’adversité à laquelle l’Exécutif de la Corse s’est trouvé confronté de sa part depuis le début de son second mandat en janvier 2018.
Extrait : « je suis profondément choquée du caractère dénué de toute humanité de votre décision (…) Alors que vous prônez la paix, l’apaisement, la bienveillance pour “sortir d’un conflit” qui opposerait la Corse au reste de la France, je constate que pour vous l’exécution sordide d’un préfet apprécié de la population et la douleur infligée à sa famille ne justifient pas ce geste d’humanité qui s’inscrirait dans cette philosophie d’apaisement ».
Après avoir réfuté le prétexte invoqué par la Préfète pour justifier sa diatribe, Gilles Simeoni lui répondait : « chacun des mots utilisés est blessant, méprisant et insultant en ce qu’il vise à remettre en cause la sincérité de mon attachement à des éléments fondateurs de mon engagement public : les valeurs universelles de la démocratie, le respect dû aux morts et la compassion acquise à leurs familles, le refus de toutes les violences, la volonté de tourner la page de la logique de conflit pour enraciner celle de l’apaisement et de la paix ».
Puis, à peine quelques heures plus tard, nouveau Préfet, et nouveau discours adressé à Gilles Simeoni, toujours autour de l’événement marquant la commémoration 2020 à propos de l’assassinat du Préfet Erignac : «Monsieur le Président, chacun sait votre amour et votre engagement pour la Corse dans l’exercice de vos responsabilités et les valeurs d’humanité qui guident votre action. Elles nous sont communes et l’Etat sera votre partenaire ».
Ces propos, en totale rupture avec ceux de la Préfète exfiltrée, « adressés à l’ensemble des Corses et à l’ensemble du peuple corse », Gilles Simeoni en a accusé aussitôt réception : « J’espère que ce discours et l’arrivée de ce nouveau Préfet seront des actes fondateurs pour ouvrir un nouveau cycle entre la Corse et l’État ». Quelles seraient les perspectives de ce « nouveau cycle » ?
Il est certainement beaucoup trop tôt pour tirer des conclusions. L’État est un monstre froid dont les choix sont toujours réglés par des rapports de forces, ou des espoirs de rapports de forces. Celui qui s’est envolé avec Josette Chevalier est sans doute celui d’un « effacement » du vote nationaliste majoritaire de 2017, et de l’émergence d’une nouvelle majorité « légitimiste » issue de la réunion de Cuzzà au printemps dernier. La Préfète a déployé des efforts de séduction tous azimuts, mais Macron a fait salle vide lors de son déplacement en Corse au moment du « grand débat » provoqué par le mouvement des gilets jaunes. Elle a ensuite haussé le ton, attaquant les délibérations de la Collectivité de Corse, et pas seulement, jusque devant les tribunaux, et déployant un activisme partisan sur les différents dossiers. En pure perte. D’où son départ, manifestation patente de son échec. L’État veut-il pour autant d’un dialogue politique et d’un véritable débat constructif sur l’avenir de la Corse ?
De toutes façons, ce n’est qu’en renforçant encore la majorité conduite par Gilles Simeoni, dès les municipales d’Aiacciu (liste Jean André Miniconi), Bastia (liste Pierre Savelli), Portivechju (liste Don Mathieu Santini) et dans les nombreuses communes où Femu a Corsica est engagée, puis aux territoriales qui suivront un an plus tard, que l’on pourra espérer peser sur les choix futurs de l’État, et obtenir de véritables avancées pour le peuple corse.
François Alfonsi.