Cette crise du coronavirus illustrera, parmi les nombreux enseignements que nous pourrons en tirer, combien la Collectivité de Corse est brimée dans ses initiatives. Et combien manque un véritable pouvoir législatif face à ces contraintes. Le statut de la Corse n’a pas de compétences en matière de santé, ni même en matière de négociation internationale. Résultat, toutes les mesures que le Conseil Exécutif souhaitait prendre sont bloquées et il en est réduit à renouveler inlassablement au gouvernement ses demandes d’interventions.
Depuis le début de cette crise sanitaire, le Conseil Exécutif a été en avance sur les services de l’État et a cherché à anticiper sur toutes les grandes décisions qui auraient pu ralentir la propagation du virus.
Le contrôle aux frontières, la fermeture de l’ensemble des établissements d’enseignement, le confinement plus tôt, le report des élections municipales, le besoin de dépistage systématique, la commande de masques et gel hydroalcoolique, la prescription d’hydroxychloroquine pour les personnes atteintes par le Covid19… autant de mesures qu’une autonomie de plein exercice et de plein droit aurait permis de mettre en application.
Mais à chaque fois, la réponse du gouvernement a été de relativiser ou de tergiverser, avant parfois de rejoindre les demandes pressantes du président du Conseil Exécutif. Combien toutes ces tergiversations, ces retards, coûteront en malades ? En décès ?
Ce samedi 4 avril, le Président du Conseil Exécutif a adressé une lettre ouverte au Premier Ministre Edouard Philippe pour « faire de la Corse un territoire pilote pour le lancement d’un essai clinique relatif à l’utilisation de l’hydroxychloroquine associée à l’azithromycine contre le Covid19 et l’intégrer à d’autres essais cliniques du même type ».
Pour convaincre, Gilles Simeoni s’appuie sur des analyses médicales bien évidemment, sur les protocoles exigeants du système de santé en France et sur les décrets du 25 et 26 mars 2020, complétant ceux du 23 mars 2020 pour faire face à l’épidémie.
Invoquant le « caractère historiquement et structurellement plus contraint » de la Corse, « y compris du fait de l’insularité, des centres hospitaliers et de leurs capacités d’accueil », et donc du besoin d’anticiper sur « l’aggravation de la maladie par un traitement adapté, [évitant] ainsi le risque de saturation des structures hospitalières et de leurs personnels déjà sous tension et affaiblis », Gilles Simeoni, parle au nom de «nombreux élus de la Corse, dans la diversité de leurs mandats et de leurs opinions politiques, mais également de la communauté médicale insulaire unanime ». Ainsi, il interpelle le Premier Ministre sur le traitement particulier qui doit être réservé à la Corse, et demande :
– « d’une part, l’accroissement conséquent des tests de dépistage jusqu’à la généralisation pour toute la population corse, dans le cadre d’une stratégie de déploiement des dits tests validée par le corps médical ;
– d’autre part, la possibilité pour les médecins, y compris non hospitaliers et dans le cadre d’un protocole strict avec l’accord préalable des patients testés positifs au Covid19, de leur prescrire de l’hydrochloroquine associée à l’azithromycine dès les premiers symptômes, et ce sans devoir attendre l’aggravation de leur état de santé ».
De tels essais cliniques existent au CHU d’Angers impliquant 1300 patients de 33 hôpitaux en France. Gilles Simeoni souhaite faire ce même test à l’échelle de tout un territoire :
«Nous demandons solennellement que la Corse soit érigée en territoire pilote pour l’essai clinique du traitement à base d’hydrochloroquine et d’azithromycine, au profit de patients contaminés par le Covid19 mais ne présentant pas encore les symptômes d’aggravation de la maladie, et que cet essai clinique puisse contribuer aux autres essais déjà en cours en France et en Europe».
Un essai clinique renforcerait son intérêt à une telle échelle, et contribuerait à faire en sorte que le peuple corse bénéficie de ce traitement médical prometteur. Il pourrait être prescrit non seulement par les hôpitaux de Corse, «mais également par les médecins libéraux » insiste le Président du Conseil Exécutif, qui argumente sa demande par « le fait que la Corse soit un milieu insulaire, globalement clos, mais aussi le maillage du territoire par les Centres médicaux avancés de lutte contre le Covid19, avec, au sein de ceux-ci des protocoles de sécurisation d’ores et déjà mis en oeuvre par les praticiens libéraux ».
Ce plan impliquerait bien sûr les autorités, dans le respect des préconisations de l’Agence Nationale de Santé, ses représentants locaux de l’ARS, des hôpitaux, des Ordres de médecins et acteurs privés de la santé, l’université de Corse, mais aussi tous les centres médicaux avancés contre le Covid19. Un encadrement strict au niveau médical, mais une couverture large à l’échelle de la population. «Nous insistons particulièrement sur le fait que nous considérons que la proposition contenue dans la présente lettre est la stratégie thérapeutique et de santé publique qui, en l’état des données actuelles de la science, nous paraît le mieux préserver la santé de la population de la Corse » affirme encore Gilles Simeoni.
Pour le Président du Conseil Exécutif, interrogé sur BFMTV par Jean Jacques Bourdin souligne « les bénéfices escomptés, on évite l’aggravation de la maladie, on évite d’aller vers la réanimation et souvent on évite des décès (…) nous sommes dans une logique d’urgence (…) en fait on ne court aucun risque, à mon avis il n’y a que des avantages et ce qui est important c’est que ce soit toute la communauté médicale et scientifique corse qui le dit ».
25 personnalités, professeurs en médecine, médecins et chercheurs de la Diaspora des facultés d’Aix-Marseille, soutiennent cette démarche. Et pourtant, une fois de plus, le gouvernement y répond par la négative, prétextant l’insécurité médicale de la démarche, alors que toutes les assurances sont prises et que le monde médical la revendique comme « légitime » et de « meilleurs choix thérapeutiques » pour les patients.