«Comment expliquez-vous ce “divorce” entre la Corse et la France depuis un demi-siècle ? » interrogeait le 7 février 2018 le journaliste Dominique Delpiroux du journal La Dépêche. Edmond Simeoni de toute sa certitude répondait « une main tendue ». Celle que la Corse attend toujours. Et c’est bien là toute l’histoire des rapports entre notre île et Paris depuis plus de 50 ans. Et cela reste vrai en toutes circonstances, a fortiori en période de crise, comme celle sanitaire que nous vivons au niveau mondial, et comme celle économique et sociale terrible qui s’annonce. La Corse aura alors besoin de toutes les compétences d’une autonomie pleine et entière pour résister et se relever.
«Toutes les études historiques montrent que la Corse est un territoire allergique aux agressions extérieures, depuis les Barbaresques du XIVe siècle jusqu’aux nazis, en passant par Pise, Gênes ou la France. Dans les années 50, la Corse est l’île la plus pauvre de la Méditerranée, avec une population qui a été saignée par la Grande guerre, et une partie des forces vives aspirées par la fonction publique sur le continent. En 1957, le gouvernement veut moderniser la Corse par le tourisme et l’agriculture. Le tourisme qui était prévu était de type colonial, avec 250 000 lits qui étaient prévus !
Heureusement que nous nous y sommes opposés. Quant à l’agriculture, c’était l’époque où l’on accueillait les rapatriés, et il n’y avait pas de place pour les Corses. C’est dans ce contexte que nous avons subi le déversement des boues rouges, puis la crise d’Aléria – qui m’a valu d’être condamné à cinq ans de prison –, avec ensuite la naissance du Front de libération nationale de la Corse (FLNC), qui s’est lancé dans la lutte violente, avec près de 10 000 attentats en Corse. (…)
On a essayé dans les années 80 d’aménager un statut pour la Corse, sous Mitterrand. Mais le pouvoir en Corse a été confisqué par les clans, avec un système de fraudes électorales, de corruption généralisée, de népotisme, de HLM contre des votes, de pension contre des votes…
Devant une telle gabegie, le FLNC a recruté, tandis que le pays s’enfonçait dans le sous-développement entre 1980 et 2010 : on compte aujourd’hui 77 000 résidences secondaires, et la seule chose qu’on nous ait proposée, c’est une économie de la « baléarisation ».
(…) Nous avons un certain nombre de revendications : co-officialité de la langue, modification de la constitution, etc. On nous a demandé d’abandonner la violence. Nous, nous y avons toujours été opposés, et le FLNC a annoncé avoir renoncé à toute violence. On nous a demandé de nous soumettre au suffrage universel, c’est fait, et nous avons gagné toutes les dernières élections. On nous a demandé de devenir des acteurs civilisés de la vie politique : c’est fait.
À présent, ce que nous voulons, c’est que l’on discute d’un statut d’autonomie telle qu’il en existe des dizaines en Europe. Nous voulons rester dans une République qui conserve ses pouvoirs régaliens : la monnaie, la Défense, la Police, la Justice, les Affaires étrangères, avec pour le reste une autonomie de gestion. Mais en amont de cette visite du président de la République, nous notons des aspects préoccupants : la présence de Jean-Pierre Chevenement, qui nous avait envoyé le préfet Bonnet qui a mis le feu dans l’île, cette date anniversaire de la mort du préfet Erignac, et un discours d’une tonalité très sévère.
Ce que nous souhaitons, c’est qu’un véritable dialogue s’installe, que la main tendue de notre côté trouve une main tendue de l’autre côté. »