34 ans presque jour pour jour après la terrible catastrophe… Tchernobyl se rappelle à notre souvenir… On ne le sait pas vraiment, mais chaque année des incendies se déclarent dans la « zone interdite » aujourd’hui appelée « zone d’exclusion ». Cette fois-ci, pendant une quinzaine de jours, les pompiers ont dû lutter contre plusieurs foyers pour éviter le pire… le front le plus dangereux (22.000 hectares, auquel se sont ajoutés 12.000 autres hectares) s’est arrêté à moins d’un kilomètre de la Centrale nucléaire et de son sarcophage déjà bien abîmé par les ans…
La « Zone interdite » est une zone qui reste très contaminée malgré les années. On ne l’appelle plus trop ainsi aujourd’hui, car la pression populaire s’est relâchée et bon nombre de personnes y pénètrent désormais. Quelques habitants sont revenus, certains y font du commerce ou vont jouer à se faire peur, juste pour voir « comment c’est… comme c’était… ». D’autres, carrément, y organisent un certain tourisme, proposant des « visites frissons » à une population – souvent touristes étrangers mais pas que – en mal de sensations fortes. Visites dites sécurisées, qui vous conduisent jusqu’à Prypiat, la ville morte la plus proche de la Centrale parmi les dizaines d’autres qui ont été rayées de la carte après la catastrophe. La Centrale elle-même a fonctionné 14 ans avant qu’elle ne s’arrête définitivement de produire, c’est dire ! L’homme est fou.
Le 4 avril dernier, donc, alors qu’une grande partie du monde est confiné… un jeune adolescent qui se trouvait dans la région (sic), a allumé un feu qui, compte tenu, d’une végétation sèche et de vents forts, a vite pris de l’ampleur et a progressé durant plus de 10 jours vers la Centrale allumant aussi plusieurs foyers en cascade.
Heureusement, les abords de la Centrale avaient été déboisés depuis longtemps et le feu le plus menaçant pour la Centrale a pu être maîtrisé à 1 km du sarcophage censé protéger le réacteur n° 4 toujours menaçant. Ceci dit, le panache de fumées a été très important et continue de voyager en Europe, jusqu’à la pointe de la Bretagne, et descendant au sud jusqu’en Afrique. Mais là où il a été le plus nocif c’est encore en Ukraine et en Biélorussie. Inévitablement, il transporte des matières radioactives. L’épaisse fumée a très vite atteint la capitale ukrainienne, Kiev, 3 millions d’habitants, et « le niveau de pollution enregistré en matinée était classé parmi les pires au monde » déclarait le journal Les Échos le 17 avril dernier. « Fumées anormales : les habitants de Kiev invités à ne pas ouvrir les fenêtres » titrait le 16 avril un journal ukrainien.
« Des fumées radioactives qui ont atteint la France » précise encore Les Echos qui s’appuie sur une modélisation de l’itinéraire du nuage l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) que Qualitair Corse a publié sur son site. Cette cartographie de l’évolution du nuage au-dessus de nos têtes durant plusieurs jours démontre que la pollution a atteint la France dès le 7 avril et persistait encore le 20 avril* au moment de boucler ce présent numéro d’Arritti.
Bien sûr, absolument rien à voir avec le nuage radioactif qui a frappé l’Europe, et particulièrement la Corse, en 1986. Mais il contient des particules radioactives aussi, et il a aussi plu au moment de son passage, notamment sur la Corse ; une pollution radioactive « extrêmement faible » selon l’IRSN…
Peut-on pour autant être rassuré ? L’IRSN relativisait la pollution en 1986 et toutes les années qui ont suivi. Il a fallu près de 20 ans avant que les organismes officiels de protection nucléaire en France « avouent » que quelque chose de grave s’était passé.
L’État paiera longtemps sur la confiance des Français ce « mensonge radioactif » qui a duré près de deux décennies malgré toutes les évidences… et les preuves scientifiques étayés d’organismes indépendants comme la Criirad.
La radioactivité du présent nuage n’est donc pas celle du nuage de 1986, mais il contient des particules radioactives qui, même en petites quantités, restent nocives selon l’exposition. Elles le sont particulièrement en Ukraine, Biélorussie et Russie où la radioactivité perdure. Et, comme en 1986, c’est la durée de l’exposition et la répétition de l’inhalation et/ou l’ingestion de matières polluées qui a un impact sur la santé.
Il faut donc suivre de près l’évolution de ce nuage, éviter de sortir sous la pluie actuellement, bien laver nos légumes surtout dans les régions proches du sinistre, et rester vigilants. D’autant que trois foyers d’incendie ont été réactivés sous l’effet de vents violents, dont l’un d’eux à moins de 2 km de la Centrale…
Fabiana Giovannini.