Particulièrement investie sur le terrain social, Paula Mosca est élue Femu a Corsica. Enseignante auprès de jeunes enfants, bénévole auprès d’associations caritatives, elle oeuvre avec d’autres au chevet des plus démunis. Elle siège dans plusieurs organismes de la Collectivité de Corse et fait le point pour nos lecteurs de son action dans sa région de Cervioni.
Le contexte de crise aggrave les inégalités, quelles sont les besoins sur le terrain?
Le caractère inédit de cette pandémie a été extrêmement violent, nous n’étions pas préparés.
Le manque de réactivité de l’État et la brutalité de la communication du confinement a mis la population dans la peur et l’incertitude vis-à-vis d’un événement qui semblait irréel.
Dès que l’on a compris que le confinement allait durer plus de quinze jours, il est apparu de manière certaine que la situation allait aggraver les inégalités. Les besoins sont énormes, qu’ils soient alimentaires ou psychologiques.
À l’issue du confinement, il faut avant tout réaliser que si une catastrophe a été évitée d’un point de vue sanitaire, la Corse a été durement touchée d’un point de vue social et économique et que les jours, mois et peut-être années à venir vont être très difficiles.
Quelles initiatives avez-vous prises pour soutenir les personnes les plus en difficultés?
J’ai essayé de répondre aux inquiétudes des acteurs économiques qui me sollicitaient en les dirigeant vers les mesures exceptionnelles mises en place par la CdC au travers du rapport «Vince contr’à u Covid-19».
Sur le terrain, il a fallu être très réactif malgré les mesures de confinement qui limitaient nos actions. Dès les premiers jours, nous avons, avec l’association dans laquelle je suis membre à Cervioni, participé aux différentes cagnottes organisées pour venir en aide aux hôpitaux de Corse. Parallèlement, je me suis investie en tant que bénévole dans la banque alimentaire agricole de Corse (la seule de France) à l’initiative de François-Xavier Ciccoli, que je voudrais ici féliciter sans oublier les nombreux bénévoles qui ont oeuvré à la réussite de l’opération.
Saluons également l’élan de générosité de tous les agriculteurs donateurs sans qui rien n’aurait été possible et l’Odarc à leurs côtés au travers d’opérations de rachats de bovins et de fromages.
J’ai participé à la distribution des paniers alimentaires avec les restos du coeur et là aussi je voudrais remercier Denise Pallini pour son engagement auprès des plus démunis, son dynamisme, sa disponibilité, sa réactivité et sa joie de vivre. Enfin, Maria Petra et Lauretta ont réalisé des centaines de masques que l’on a distribués dans la microrégion aux personnes âgées et aux personnes les plus vulnérables.
Deux mots du plan d’urgence du président du Conseil Exécutif?
Le Conseil Exécutif de Corse a immédiatement pris en considération la gravité de la situation et a été à la hauteur des attentes de la population. Sur le plan sanitaire et social, les services de la Collectivité sous la présidence de Bianca Fazi ont permis la continuité des missions et paré les situations d’urgence avec une réactivité qu’il faut saluer.
Le conseil Exécutif dans son ensemble a répondu de manière adaptée aux spécificités de notre tissu économique, social et agricole.
Les différents offices et agences ont élaboré des dispositifs d’urgence en les adaptant aux spécificités du territoire, dans le droit fil de notre politique depuis des années. Cela montre notre capacité à innover à l’échelle d’un territoire.
C’est à cette échelle qu’il faut repenser la production alimentaire et la production des biens nécessaires à la vie.
Comme enseignante, il a fallu aussi s’organiser pour maintenir un suivi pédagogique?
Il a fallu réinventer un fonctionnement. Là aussi, je voudrais saluer mes collègues et amis enseignants, l’engagement des professeurs, des équipes pédagogiques, des personnels des écoles, collèges et lycées et des parents qui ont répondu à la gravité de la situation et ont mis en place de manière exceptionnelle des dispositifs innovants pour assurer un minimum de continuité pédagogique. Il a fallu réadapter l’école, l’enseignement, les relations, rassurer les enfants et leurs parents, permettre de garder le lien.
Fallait-il ou pas ouvrir les écoles au 11 mai?
Le Conseil scientifique préconisait la réouverture des écoles et des établissements en septembre. On ignore encore beaucoup de choses de ce virus, cette vague de contamination inquiétante a touché de jeunes enfants, en France, et dans d’autres pays européens. Le gouvernement, en prenant cette décision de rouvrir au 11 mai prends indéniablement le risque qu’elle soit à l’origine d’une nouvelle vague épidémique.
Sans parler de logique capitaliste, il ne doit pas privilégier l’économie à la santé publique. La décision du Conseil exécutif de Corse est rassurante à ce niveau. Le protocole sanitaire très contraint et surtout la situation très incertaine font que la décision de la CdC est la mieux adaptée. D’autant qu’il ne reste plus qu’un mois et demi d’école, et que l’on connaît l’impossibilité de faire respecter à des enfants les gestes barrières.
Votre regard de nationaliste, comment se remettre d’une telle crise?
Le peuple corse a montré dans cette période difficile qu’il était capable du meilleur. Les petits producteurs ont démontré une capacité d’auto-organisation, de mise en réseaux, on a vu que les circuits courts étaient possibles, de nouvelles façons de consommer sont apparues, consommer «nustrale» et les nombreuses initiatives prises en ce sens n’en sont que plus remarquables, cela va laisser des traces pour l’après. Il faut travailler à ce que cela perdure. Espérer également que les valeurs familiales, le respect manifesté envers la population la plus âgée, la solidarité, resteront ancrées dans notre façon de vivre.
Cela démontre que nous sommes dans le vrai, que les ESA ne révèlent pas de l’utopie, que tendre vers un modèle nous rapprochant de l’autonomie alimentaire est une nécessité. Le tourisme doit être repensé, en Corse mais dans le monde aussi.
Cela donne raison aux territoires, à l’encontre du centralisme de l’État. On a vu le poids prépondérant de la CdC, c’est la preuve que l’autonomie que nous réclamons n’est pas une chimère, mais une nécessité pour répondre aux besoins de notre peuple. Enfin, j’espère qu’à l’issue de cette crise, nous réapprendrons à vivre collectivement, sans oublier l’essentiel, en tenant compte de ce que nous sommes et où nous voulons aller. En passant d’une logique de consommation à une logique de production.
Per ammaistrà u nostru destinu.