Comment sauver un minimum de saison touristique ?

La reprise des activités ce onze mai, après deux mois de confinement, se fera sans entraîner de relance de l’activité touristique puisque les transports aériens et maritimes resteront réduits à leur plus simple expression pour au moins trois semaines encore, et ils ne reprendront ensuite que partiellement et progressivement. A condition bien sûr que le recul de la pandémie se confirme, sur l’île et hors de l’île.

 

La saison touristique 2020, même si par miracle la pandémie du Covid-19 s’éteignait soudainement, ne peut plus être sauvée. Sans avant-saison, vu les pertes d’emplois et de revenus subies dans les zones économiques pourvoyeuses de clientèle, ce qui va, mécaniquement et drastiquement, réduire le nombre de touristes potentiels prêts à prendre des vacances, nul ne peut espérer faire mieux que « sauver les meubles ». Encore faudra-t-il que ceux qui viendraient quand même puissent être en situation de la faire, sans limitation sanitaire, et avec des lignes aériennes et maritimes suffisantes pour les acheminer.
Dans un premier temps, les touristes que l’on peut espérer viendraient essentiellement de France, du moins tant que les frontières entre les Etats continueront d’être utilisées comme autant de barrières pour limiter les échanges porteurs de risques pour la propagation du virus.
Dans ce cas, la Corse, dont la clientèle touristique est à 70% française, sera mieux lotie que les Baléares où la clientèle espagnole est très minoritaire alors qu’Angleterre et Allemagne sont les grands bassins de population d’où viennent beaucoup de leurs touristes. Quant aux îles grecques elles seront encore plus impactées.
Une hypothèse qui circule est que la réouverture généralisée des frontières de l’espace Schengen se ferait assez rapidement, au fur et à mesure que l’espace aérien, qui a perdu 95% de son trafic, serait en mesure de rouvrir des lignes.

Dans ce cas, la Corse retrouverait presque 100% de sa clientèle potentielle théorique, tandis que les Baléares et les îles grecques, fortement dépendantes du marché britannique et ouvertes à un tourisme venu de loin, notamment d’Asie, resteront comparativement plus handicapées. Mais, nécessité faisant loi, le Brexit pourrait bien être occulté vu les intérêts économiques en jeu !
Cependant, autoriser à nouveau les transports ne suffira pas : encore faut-il qu’il reste des clients potentiels prêts à prendre l’avion ou le bateau pour venir passer des vacances en Corse. Or cette demande trouvera deux freins colossaux : le risque sanitaire et la crise économique.
Les effets de la crise économique seront les mêmes pour tous. Les Français comme tous les Européens en général, seront davantage casaniers et resteront beaucoup en France. D’ailleurs plusieurs responsables politiques les ont déjà avertis qu’ils ne pourraient probablement pas voyager plus loin. Mais iront-ils jusqu’en Corse aussi facilement ? Psychologiquement prendre une voiture avec les siens est moins angoissant que s’engager dans un voyage vers une destination plus lointaine comme la Corse.
La première condition à remplir pour espérer attirer ceux qui vont pouvoir prendre des vacances cet été, malgré la crise économique générale, c’est que la Corse soit considérée comme une « zone verte », un territoire où le risque de contracter le virus est réduit à zéro ou presque. C’est même une condition sine qua non.
Le paradoxe, si le confinement et le déconfinement progressif sont réussis sur l’île et font disparaître toute circulation du virus au sein de la population résidente, ce que l’on peut raisonnablement espérer, c’est que le danger viendra justement des premiers touristes dont certains pourraient être des porteurs inconscients du virus.

C’est pourquoi l’Assemblée de Corse s’est prononcée pour l’instauration d’un « green pass », une sorte de passeport sanitaire à présenter au moment de prendre le bateau ou l’avion, pour garantir une Corse durablement « Covid free », et donc une destination sans risque sanitaire pour ses visiteurs.
Cette proposition du Président du Conseil Exécutif est âprement discutée, combattue par l’opposition, vilipendée avec virulence par le représentant des hôteliers de l’extrême sud qui lui reproche de mettre une barrière supplémentaire à la venue des touristes.
Mais leur vision est erronée, à tous points de vue. Vu de Corse, refuser cette précaution qui peut empêcher un rebond de l’épidémie, serait d’une imprudence folle. Et vu « côté touristes » elle est aussi nécessaire car assurer un minimum de saison en Corse suppose de renouer avec tous les bassins d’émission de clientèle, notamment le bassin parisien qui est « zone rouge » et dont les touristes ne pourront partir sans avoir rassuré sur le risque qu’ils font courir de relance de l’épidémie là où ils se rendent.

Les temps sont difficiles et il faut gérer des incertitudes. Peut-être l’épidémie sera passagère et on pourra alors lever le dispositif. Mais il est impératif de le mettre en place pour espérer une relance minimum avant que n’arrive la pleine saison.

François Alfonsi.