Créée en 1975, la réserve de Scàndula est toujours régie par un décret aujourd’hui totalement obsolète. Après avoir traîné de façon irresponsable durant des années avant de procéder aux modifications nécessaires, l’État a fini par pondre un projet sorti de nulle part, jamais débattu, avec une proposition iconoclaste de mise sous cloche totale de la zone centrale, douze mois sur douze, ce que les institutions locales, Parc naturel régional et Office de l’environnement, les acteurs concernés, les populations locales et les professionnels, les scientifiques impliqués depuis des décennies dans le suivi scientifique des espèces, ou même les associations, n’avaient jamais évoqué jusque-là. Or, la mise sous cloche de la partie centrale de la réserve met en péril la sécurité de la navigation dans la zone. Et cela avec des interdictions sur toute l’année, y compris en plein hiver, quand aucune fréquentation n’existe à l’exception de celle de quelques locaux à qui on va rendre la vie impossible sans qu’aucun enjeu écologique ne soit impacté. L’art et la manière de faire capoter un projet !
L’article 18 du précédent décret stipulait que la navigation dans la réserve restait totalement libre. Cela empêchait de prendre des mesures de protection indispensables pour les espèces qui s’y trouvent, sur mer et aussi, et surtout, sous la mer, les herbiers de posidonies, notamment, restant soumis à l’arrachage par les ancres des bateaux qui y mouillent librement durant l’été. En surface le principal souci est le dérangement des nids de balbuzards pendant le période de reproduction. Outre l’interdiction de mouillage, indispensable car l’herbier initialement remarquable dans la réserve se dégrade chaque année, l’article 18 de l’actuel décret empêche de réguler la fréquentation et le nombre de visites journalières par la mise en place d’un nombre limité de licences, nombre qui serait fixé par la préfecture maritime.
Durant les cinq dernières années, un travail de concertation a permis de valider des mesures de protection des nids de balbuzards à travers une zone de quiétude de 250 mètres où est interdite toute fréquentation. Dans ce périmètre protégé, durant la période de reproduction qui va de mars jusqu’à juillet/août, la pêche est interdite, de façon à réserver la ressource halieutique à la nourriture de l’oiseau, et le passage des embarcations interdite de façon à éviter les perturbations qui peuvent gêner sa fixation sur le nid, puis la ponte des œufs jusqu’à l’envol des juvéniles.
Pour les pêcheurs, l’effort consiste à repousser la période de pêche dans ces zones en fin de saison. Pour les visites touristiques et la plaisance, la surveillance quotidienne du respect de l’interdiction s’est mise en place avec l’accord de la grande majorité des professionnels. Elle est basée sur l’observation de la fréquentation effective de chaque nid effectuée chaque année en mars-avril par le gestionnaire de la réserve. En décrétant une interdiction totale douze mois sur douze, et quelle que soit l’occupation du nid, l’État promeut une mesure manifestement excessive dont l’effet est de ruiner les progrès enregistrés depuis quelques années pour protéger la réserve et pour favoriser la mise en place dans le secteur d’Ouest-Corse et de ses pointes, Scàndula bien sûr, mais aussi Capu Rossu, Revellata, Tòpiti-Carghjese et d’autres, un projet de Parc marin global inspiré de celui qui existe déjà dans e Bocchi di Bunifaziu. Ce qui permettrait d’étendre cette protection à la presque totalités des nids de Corse.
Le vendredi 17 janvier à Galeria, dans le cadre de l’enquête publique lancée autour de ce nouveau décret, un débat s’est instauré avec les services de l’État. Serein et argumenté, il a débouché sur la création d’un groupe de travail, piloté par l’Office de l’environnement et son président Guy Armanet, pour réviser le projet de décret, et l’État s’est déclaré disposé à faire évoluer sa position.
La véritable concertation ne fait donc que commencer. Pour l’avenir, il est important qu’elle réussisse et que le dossier Scàndula, emblématique pour la Corse, ne sombre pas à nouveau dans les postures faciles et contre-productives qui, au final, ne feront qu’entraver un plan global de protection de tout l’espace remarquable que constituent les côtes accidentées de l’Ouest Corse. •