Espaces Stratégiques Agricoles

La carte du Padduc définitivement validée

La bataille judiciaire du Padduc dure depuis près de 10 ans ! Elle vient de se terminer avec l’un de ses épisodes : la cartographie des Espaces Stratégiques Agricoles a été définitivement validée par le Conseil d’État le 30 mai 2024. Une bonne chose, mais qui ne règle pas tout.

 

 

La cartographie des ESA (et non pas de leurs critères de définition parfaitement applicables) avait été une première fois annulée en 2018, deux cartes ayant circulé durant l’enquête publique sans que l’on n’ait jamais élucidé pourquoi. La CdC avait alors décidé de la remettre à jour avant de la représenter au vote de l’Assemblée de Corse en 2020, en supprimant quelques 3000 hectares qui avaient entre-temps été artificialisés… Une vingtaine de communes, de promoteurs immobiliers et de propriétaires mécontents l’avaient quand même attaquée devant le tribunal administratif. Une seconde fois annulée en 2022, elle avait été rétablie en Cour d’Appel, excepté sur trois parcelles de quelques dizaines d’hectares sur les communes de Petrusella, Bonifaziu et Calvi, estimées être des erreurs de classement.

Le Conseil d’État était alors saisi par les communes de Petrusella et Albitreccia, et par des particuliers sur la commune de Castellare di Casinca, pour réclamer une nouvelle annulation, mais aussi par la CdC qui estimait ne pas avoir fait d’erreur sur les trois parcelles en question.

Le Conseil d’État a débouté tout le monde et maintient le jugement de la Cour administrative d’appel de Marseille. La cartographie n’est plus attaquable. Elle ne peut plus être un prétexte aux communes, aux promoteurs, comme au contrôle de légalité pour ne pas faire appliquer la protection des ESA.

Espérons que cela soit définitivement entré dans toutes les têtes.

 

Le Padduc est une Directive Territoriale d’Aménagement, à la fois Plan de développement, Schéma d’aménagement, cartographies, charte des valeurs aussi en bien des domaines… bref, disons-le tout net, puisque c’était sa vocation première : un projet de société qui va peut-être enfin pouvoir s’appliquer correctement. Du moins on l’espère.

Ceci dit, les différents épisodes judiciaires provoqués par ses détracteurs, n’étaient pas des entraves à son application. Le principal problème du Padduc, ce n’est pas ceux qui ne l’aiment pas, mais c’est la foi et la volonté que mettent les décideurs à vouloir bien en tenir compte. Les communes et les promoteurs, en premier lieu, tenus de respecter ce document-cadre, les différents services de la Collectivité de Corse ou de l’État, tenus de le faire respecter. Le président de l’Agence d’Aménagement, d’Urbanisme et d’Énergie, Julien Paolini, s’exprimait il y a peu en relevant « une forme de fragilité juridique des dispositions du Padduc qui doit être renforcé dans le cas notamment du processus d’autonomie ». Certes, mais autonomie ou pas, quelles que soient les lois, les directives, les délibérations prises, une vigilance est indispensable pour veiller à ce que celles-ci soient respectées pour éviter une situation « catastrophique » si ces espaces devaient encore être urbanisés. Julien Paolini prône un « renforcement des prérogatives de la Collectivité de Corse et des capacités réglementaires du Padduc en matière d’aménagement du territoire et en matière d’urbanisme », mais il est nécessaire d’envisager surtout de la part de la CdC un service juridique et de contrôle prompt à réagir à la moindre atteinte. Car des atteintes il y en aura encore, et beaucoup.

Aujourd’hui, le Padduc compte 100.000 hectares d’espaces stratégiques agricoles (contre 105.000 à son adoption en 2015). Il est vital pour l’avenir que ces espaces soient préservés et mis en valeur pour bâtir l’autonomie alimentaire de notre île. •

Fabiana Giovannini.