Le 1er février, le gouvernement annonçait des mesures pour calmer la colère des agriculteurs, parmi lesquelles la mise en « pause » du plan écophyto 2023. En octobre 2023, l’État s’engageait à maintenir l’objectif de réduction de l’usage des pesticides de 50 % d’ici 2030 par rapport à la période de 2015 à 2017, malgré le désaccord de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA).
Une telle annonce de suspension de cette mesure doit interroger le lecteur avisé. En effet, se pose la question de sa légalité. Le 29 juin 2023, le Tribunal administratif de Paris enjoignait le gouvernement à prendre toutes mesures utiles pour « réparer le préjudice écologique et prévenir l’aggravation des dommages en rétablissant la cohérence du rythme de diminution de l’utilisation des produits phytosanitaires », notamment via les plans Ecophyto. Le juge administratif enjoignait au surplus le gouvernement à prendre toutes mesures utiles pour « restaurer et protéger les eaux souterraines contre les incidences des produits phytopharmaceutiques et en particulier contre les risques de pollution ». Dans la décision, le juge administratif reconnait la carence fautive de l’État résultant du préjudice écologique engendré par la contamination des eaux souterraines des pesticides, autrement appelés « produits phytosanitaires ». Or, le tribunal enjoint au gouvernement d’agir pour réparer ce préjudice écologique de façon effective avant le 30 juin 2024.
À 6 mois de l’échéance fixée par le juge administratif, le gouvernement entend suspendre le plan échophyto et donc renoncer aux objectifs qu’il s’était pourtant lui-même fixé. D’une part, cette annonce va à rebours des principes qui doivent guider les politiques publiques environnementales. Rappelons que l’article 5 de la Charte de l’environnement consacre le principe de précaution et impose aux autorités publiques de prendre des mesures « provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage », même si sa réalisation est incertaine en l’état des connaissances scientifiques. C’est donc le choix inverse qui est fait par cette annonce, le principe de précaution laisse place au principe d’abandon, au profit des revendications d’un syndicat. D’autre part, une telle concession aux revendications de la FNSEA laisse instiller dans l’esprit de l’opinion publique que deux causes s’affrontent : la protection de l’environnement et l’agriculture. Or, les opposer est chose dangereuse, on ne peut imaginer l’un sans l’autre. L’agriculture a besoin d’un environnement sain pour se pérenniser. Si chacun a le « droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé », toute personne a le « devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement ». Le gouvernement n’est pas exempt de l’obligation de respecter ce devoir… •