« Avant même la promulgation du Plan Déchets par l’Assemblée de Corse, avant même l’enquête publique préalable, le Syvadec et le Préfet s’entendent, dans la plus grande discrétion, sur un centre de Tri mécano biologique (TMB) à Monte et s’apprêtent à signer les marchés avec les entreprises ; pour 68 millions d’€ en investissement, et 18 M d’€ par an pendant 10 ans en fonctionnement ! Livrant ainsi l’ensemble de nos déchets aux mains des opérateurs privés… mais avec une subvention de l’État (notre argent) à hauteur de 80 % de l’investissement…
Pourtant, la Loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015 est particulièrement claire : « La généralisation du tri à la source des biodéchets, en orientant ces déchets vers des filières de valorisation matière de qualité, rend non pertinente la création de nouvelles installations de tri mécano-biologique d’ordures ménagères résiduelles n’ayant pas fait l’objet d’un tri à la source des biodéchets, qui doit donc être évitée et ne fait, en conséquence, plus l’objet d’aides des pouvoirs publics (LTECV, Article 70) ».
La Loi précise bien que l’État et les collectivités ne peuvent plus les subventionner. Au vu des tonnages entrants prévus à Monte, nous constatons, avec 60.000 tonnes d’Ordures Ménagères brutes (en vrac non triées) sur 97.000 tonnes, qu’il s’agit bien d’un TMB, et non d’un centre de « surtri » comme annoncé.
Ces prévisions ne respectent pas non plus les objectifs de tri de la Directive européenne (55 % de réemploi / recyclage des déchets municipaux en 2025, 60 % en 2030, puis 65 % en 2035).
Le tri à la source des biodéchets est désormais obligatoire : où en sommes-nous en Corse ? À 4.000 tonnes écartées de l’enfouissement (données Syvadec), alors que le gisement directement captable dépasse 40.000 tonnes ! Un retard considérable et désastreux, qui s’explique sans doute par la puissance des transporteurs et maintenant des opérateurs prévus pour ces TMB, qui pèsent de tout leur poids dans la gestion corse des déchets.
À cet égard, il faut rappeler la note du SIRASCO (Service spécialisé dans la criminalité organisée) du 26 avril dernier, attirant une fois de plus l’attention sur les risques de dérive mafieuse dans ce secteur sensible.
Quel est le risque de ces usines (celle de Monte et potentiellement celle de Sàrula) présentées comme le « miracle attendu pour nos déchets » ? Leur performance de tri est bien inférieure au tri manuel, le compost qui en sort est de très mauvaise qualité, et elles conduisent à brûler les résidus (les CSR, combustibles solides de récupération) ; et ce sont bien deux « chaudières », en fait deux incinérateurs de plastiques, qui sont prévues ensuite, pour la somme annoncée de 118 millions d’euros !*
Un pactole pour les opérateurs, la ruine pour les contribuables, qui verront les taxes s’envoler ; ils paieront deux fois la note, celle du tri à la source (maintenu car obligatoire), et celles des TMB / chaudières. En plus de supporter une pollution supplémentaire, celle des émanations dangereuses pour la santé, et celle des résidus de combustion, les mâchefers et Refiom toxiques pour l’environnement.
Comment accepter ce choix fait en toute opacité, sans information de la population, alors même que certaines intercommunalités parviennent à 58 % de tri à la source – c’est donc possible ! Tandis que d’autres continuent à se débarrasser de leurs déchets vers des centres de stockage bientôt saturés ?
Nous demandons l’annulation immédiate des délibérations illégales du Syvadec, la remise à plats des collectes à la source pour qu’enfin la Corse, comme toutes les régions qui l’entourent, s’oriente vers des choix transparents, respectueux de notre santé, de notre environnement, du portefeuille des contribuables, et de la loi, évidemment. » •
Ecologìa Sulidaria.
*Attention danger incinération !
Ces deux chaudières (en fait incinérateurs) brûleraient les 70.000 tonnes de Combustibles Solides de Récupération (CSR) mais, affirme encore Ecologìa Sulidaria, « le Plan qui sera soumis à enquête publique en a acté 154.000 tonnes ! Sans que soient évoqués les risques pour la population et l’environnement ». Alors que l’OEC de son côté parle de 35.000 tonnes.
La combustion de CSR dégage dans l’air des dioxines, furanes, brome, polluants organiques persistants… Et que faire des résidus d’incinération dits mâchefers, refiom à hauteur de 25 % minimum du tonnage entrant, soit près de 20.000 à 40.000 tonnes par an suivant le gisement envisagé, s’inquiète encore le mouvement écologiste. Le tout pour un contrat de 10 ans et une durée de vie des installations de 25 ans. Autant dire que l’objectif « tri à la source » est voué à l’échec avec ce TMB doublé de chaudières CSR qui annihilent tout effort de tri, de même que toute gestion publique des déchets qui est pourtant une priorité des nationalistes.
Toute la chaîne de traitement est en effet déjà aux mains d’opérateurs privés, fait remarquer Ecologìa Sulidaria : transports en vrac des quais de transfert vers les sites de stockage, enfouissement par le biais des STOC (Fium’Orbu, Vighjaneddu), future construction des centres dits de surtri, en réalité de Tri Mécano Biologique avec incinération… dont les appels d’offres ont été lancés.
Comment un tel retour en arrière est-il possible par une majorité qui a combattu farouchement aux côtés des écologistes l’incinération des déchets et fait de la maîtrise publique de ce secteur un leitmotiv ?
Dangereux pour l’environnement et la santé, coûteux, exposé aux dérives mafieuses, contraires à toute recherche d’indépendance économique sur ce secteur sensible, à l’heure où l’on parle d’autonomie, l’incinération n’est pas la solution pour le traitement de nos déchets. Seule solution en Corse, comme ailleurs où il a fait ses preuves (Nord Italie, Sardaigne, Slovénie…) : le tri à la source par la responsabilisation de tous, pouvoirs publics, collectivités et citoyens, dans une gestion publique, organisée, volontaire et dynamique. L’expérience de toutes ces dernières années nous l’enseigne : toute solution même annoncée comme intermédiaire ne fait que reculer cet indispensable geste de tri à la source. • F.G.