Les Combustibles Solides de Récupération en question

L’incinération n’est pas de la valorisation

L’enquête publique du dit « Centre de tri et de valorisation de Monte » est désormais bouclée. « Valorisation », dans le projet, ce sont les fameux CSR, Combustibles Solides de Récupération destinés à l’incinération. Sur place ou à l’export, ça restera de l’incinération et le mot « valorisation » est ici indéniablement usurpé. Ce n’est pas Arritti qui le dit, ni même les associations de défense de l’environnement à travers notamment le Collectif Corsica Pulita. C’est l’analyse des composants au final et l’expérience de terrain qui fait que ces CSR ne sont pas considérés comme une solution « pertinente » dans la loi de Transition écologique pour la croissance verte. CSR et incinération sont en effet liés. Et l’incinération c’est dangereux pour la santé, polluant pour l’environnement, dissuasif sur la vraie solution de traitement des déchets : le tri à la source !

 

 

Qu’est-ce que les CSR ? Des produits destinés à l’incinération, fabriqués à partir des déchets ménagers reçus en mélange, broyés sous forme de microparticules et rincés. Ils doivent être « non dangereux », et pourtant en comportent forcément, puisque c’est du tout-venant, huiles, pneus, métal et aluminium, plastiques, produits alimentaires, papiers et cartons imprimés, boues d’épuration, bois, textiles, résidus de toutes sortes, restes de peintures et autres détergents… De plus, ils contiennent des déchets alimentaires (fermentescibles) composés essentiellement d’eau, qui souillent l’ensemble provoquant une impossibilité de tri efficace en aval, et qui, mis en présence de métaux et autres déchets nocifs, entraînent des réactions chimiques. On y trouve plomb, mercure, cadnium et autres composants dangereux pour la santé, comme le chlore, entrant dans la formation des dioxines. Et bien sûr énormément de plastiques, dérivés de produits pétroliers…

Au final, ils se présentent sous forme de granulés, de pellets ou de briques, destinés donc à l’incinération appelée « valorisation énergétique » par les industriels qui présentent cette option comme une alternative à l’enfouissement et une façon de recycler le plastique, ainsi que l’assène la multinationale Veolia dans sa communication. Un comble ! Et les Collectivités tombent béatement dans le piège de ce grossier mensonge ! Une fois les investissements colossaux réalisés, il est trop tard pour rétropédaler et on persiste alors dans l’erreur pour des décennies, comme s’y est engagée l’agglomération de Troyes Champagne Métropole…

 

L’incinération est une option chronophage qui détourne de la véritable valorisation : le tri.

L’Unité dite « de valorisation énergétique » de Valaubia, dans l’Aube a été mise en fonction à la Chapelle Saint-Luc en 2021, pour recevoir les déchets ménagers de l’Aube durant 25 ans. Conçue pour brûler 55.000 tonnes par an de déchets ménagers (1) et 5.000 tonnes de déchets industriels banals (source Veolia), elle alimente un réseau de chaleur urbain mis en service depuis 2022 dans l’agglomération de Troyes Champagne Métropole, dont on vantait bien sûr tout l’intérêt aux collectivités !

Pour la petite histoire, l’usine a coûté 78 M d’euros d’investissement et un contrat avec Veolia de 240 M d’euros sur 25 ans. Rien que ça !

Et pourtant, pas même deux ans plus tard, la préfecture de l’Aube vient d’autoriser l’incinération de 6.000 tonnes de déchets supplémentaires du fait des performances trop faibles du site « qui ne produit pas suffisamment d’énergie » à cause de « la présence trop forte de biodéchets » !

Cette autorisation n’a pas le temps de vivre une année supplémentaire que déjà Veolia dépose une nouvelle demande d’augmentation de 20.000 tonnes d’OMR (2) cette fois, soit au total 81.000 tonnes de déchets à incinérer par an ! Toujours pour les mêmes raisons : « compenser la trop forte proportion de biodéchets (et le mauvais pouvoir calorifique qui en résulte) en augmentant la quantité des ordures à brûler » déplore l’association Aube Durable rattaché à France Nature Environnement. Pourquoi ? Parce que la solution de facilité de l’incinération vendue aux collectivités de l’Aube a eu pour effet d’abandonner le tri et particulièrement le tri à la source !

« On s’apprête à gaver un peu plus la bête. Les collectivités ont une responsabilité lourde (pour ne pas dire totale) dans cette situation puisque ce sont elles qui n’ont rien fait pour sortir les biodéchets de la poubelle grise » commente Aube Durable comme un avertissement à la Corse…

« Ces demandes répétées d’augmentation de capacité montrent que l’incinérateur perd sa raison d’être initiale (éliminer les déchets). Il est devenu une usine où le principal objectif (le seul) est de produire toujours plus, pour en vendre toujours plus et gagner toujours plus… Cette situation condamne également les habitants à une double peine : n’avoir toujours aucune solution de tri des biodéchets et devoir payer très cher l’élimination de déchets qui n’ont rien à faire dans l’incinérateur. »

Et l’on ne parle pas ici du désastre que représentent ces incinérateurs qui génèrent des mâchefers (résidus imbrulables hautement toxiques), la pollution de l’air, donc du sol alentour comme l’a démontré l’incinérateur de Lunel-Viel (3) dans l’Hérault, ou le déni démocratique qu’imposent les industriels : Monte s’impose à la Corse avant même que le plan Déchets PRPGD ne soit adopté par les élus, tout comme dans l’Aube ! •

Fabiana Giovannini.

 

  1. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit une augmentation de 32 % des énergies renouvelables en 2030 et la réduction de 50 % du volume du stockage d’ici 2025 (sources loi TECV).
  2. Ordures ménagères résiduelles issues des poubelles grises de chaque habitant, c’est-à-dire non triés.
  3. Des surincidences ont été observées entre 5 et 15 km autour de l’incinérateur, des cas de tumeurs, lymphomes, lymphomes malins non hodgkiniens, sarcomes des tissus mous, leucémies… ont été relevés (source Aura Environnement).