Attaquée devant le Tribunal administratif par la commune de Peri, au motif que deux cartographies présentées lors de l’enquête publique étaient discordantes, la carte des Espaces Stratégiques Agricoles du Plan d’Aménagement et de Développement Durable de la Corse (Padduc) est annulée. Pour autant, sur le fond, les ESA, tels que répertoriés sur cette cartographie, ne sont pas remis en cause. Explications….
Le Padduc, Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse a été attaqué devant le Tribunal administratif par la commune de Peri, se disant lésée du fait de la présentation de deux cartes différentes durant l’enquête publique. Le tribunal a estimé, en toute logique, que tous les citoyens n’ont pas eu accès à la même information et il a donc annulé, pour ce problème de forme, et non pas sur le fond, la cartographie représentant les Espaces stratégiques agricoles.
D’autres décisions du même type devraient suivre pour les mêmes raisons.
Ceci dit, rappelons (car des personnes mal intentionnées dans la presse ou sur les réseaux sociaux exploitent l’affaire) que l’élaboration du Padduc s’est déroulée durant les années 2011 à 2015 sous la présidence de Paul Giacobbi, lequel a confié à Maria Guidicelli l’élaboration du document. Les groupes nationalistes ont décidé de participer pleinement aux travaux et ont été très actifs par de multiples amendements et l’investissement dans un débat public intense, notamment sur cette question des espaces agricoles. Ils ne sauraient pour autant endosser les anomalies constatées lors de l’enquête publique et on peut encore moins imputer aujourd’hui à la majorité nationaliste la fourniture de cartographies discordantes !
1 La carte des ESA du Padduc est parfaitement valable
Ceci dit, revenons au fond du dossier.
Les Espaces stratégiques agricoles tels que répertoriés sur la cartographie du padduc adoptée par l’Assemblée de Corse le 2 octobre 2015 est-elle valable ? Oui. Le Tribunal ne la remet pas en cause. Sa décision d’annulation relève d’un simple problème d’information du public.
De plus, il faut savoir que le Padduc comporte plusieurs documents et annexes et pas moins de seize cartographies, dont celle des ESA. Or ces mêmes ESA sont répertoriées à l’identique, même si c’est à une échelle plus large, dans au moins trois autres cartes, que le tribunal n’a pas annulées. Ce qui veut bien dire que la représentation cartographique des ESA du Padduc n’est pas remise en cause.
2 La carte des ESA du Padduc n’a pas vocation à être précise
Le Padduc est un document cadre qui s’applique en compatibilité, et non pas en conformité. Ce qui veut, dire que sa cartographie est indicative, c’est d’ailleurs pour cela qu’elle ne trace pas de contours, mais est représentée par un aplat de couleur jaune. Et c’est pour cela aussi qu’il fixe une échelle de 1/150000e pour la cartographie générale et de 1/50000e pour la cartographie des ESA. C’est-à-dire, à une échelle volontairement imprécise.
Par contre, il comprend un livret règlementaire dans lequel il rappelle les règles d’urbanisme, édicte des préconisations, précise des définitions.
Lors de l’élaboration des documents d’urbanisme locaux (Carte communale ou PLU), le maire doit élaborer son projet agricole par l’établissement d’un Docobas (document d’objectifs agricoles et sylvicoles) et tracer son zonage en fonction de ces définitions. Il se repère pour cela avec la carte des ESA du Padduc et s’il constate des erreurs au moment de descendre à l’échelle de la parcelle, il corrige celles-ci. Il extrait dans le même temps du quota d’ESA qui a été attribué à sa commune, la zone en question.
Le problème d’une discordance de cartographies n’est donc pas rédhibitoire.
3 Les espaces stratégiques agricoles sont vitaux pour bâtir une économie productive
Pour construire l’autonomie alimentaire de la Corse, outre les espaces voués au pastoralisme, le Padduc a identifié un besoin de 105000 ha de terres à fort potentiel agricole.
Les critères de définition de ces ESA reposent notamment sur une pente inférieure à 15% et une bonne irrigabilité des sols. Or il est évident que la Corse dispose de bien plus que 105000 hectares d’un tel potentiel agronomique.
C’est bien le besoin qui a été chiffré dans le Padduc et non la richesse des sols.
La solidarité qui est demandée à chaque commune pour garantir l’objectif territorial de 105000 hectares de mise en valeur agricole est donc raisonnable. Et elle est déterminante pour bâtir une économie productive.
4 Les ESA ne sont pas une entrave au développement
La cartographie du Padduc est exacte. Il peut se trouver de petites zones où il faut corriger mais c’est à la marge, et le maire peut le faire sans problème, on l’a dit. Et sans nécessité de réviser le Padduc sur ce point.
Il peut arriver aussi que élus ou résidents expriment un besoin de bâtir sur des ESA un outil structurant (crèche, école…) ou même des logements. Là encore, le maire doit justifier de ce besoin et de la pertinence du site choisi, à condition que cela soit en continuité de l’existant, qu’il n’y ait pas d’autres possibilités sur la commune, et surtout que soit garanti le quota d’ESA qui a été attribué à la commune en proposant des terres qui répondent à la définition des ESA. Les ESA ne sont donc pas une entrave au développement.
Bien au contraire, c’est un patrimoine productif à protéger. Or bien des communes ne respectent pas cette obligation et c’est bien là qu’est le problème.
5 Il faut appliquer correctement le Padduc
Certaines communes veulent consommer des terres agricoles au-delà de la marge de manoeuvre déjà souple qui leur est octroyée pour transcrire les ESA sur leur zonage.
Pourquoi ? Parce que TOUT LE MONDE veut que sa parcelle soit constructible ! Et que donc le contribuable va taper à la porte du maire… Or l’avenir de la Corse ne peut pas se bâtir sur la somme d’intérêts privés. Il n’est plus possible de construire où bon nous semble comme cela a été fait ces 40-50 dernières années, produisant le mitage et l’étalement urbain que l’on déplore aujourd’hui !
Les ennemis du Padduc, qui sont les tenants d’une « économie résidentielle », prônant le tourisme de masse et se révoltant notamment de la réserve de terres agricoles prévue dans le Padduc, n’ont de cesse de fabriquer de faux débats sur la question des terres agricoles pour ouvrir ces espaces à la constructibilité. Or la mise en valeur agricole est une des clés du développement durable à bâtir. Les maires, aidés de la Collectivité de Corse, doivent relever ce pari du développement agricole.
L’objectif n’est pas de « sanctuariser » mais de mettre en valeur pour y installer des agriculteurs et faire que ces terres produisent. C’est à dire y amener entre autre l’eau agricole, former les jeunes, soutenir leur installation. Une véritable feuille de route ! C’est pourquoi il est important de décliner le Padduc dans toutes nos politiques publiques et nos règlements d’aides. Et c’est pourquoi aussi, le contrôle de légalité doit s’exercer avec une extrême vigilance pour faire respecter le Padduc.
Fabiana Giovannini.