La réunion de présentation du futur centre dit de tri et de valorisation situé sur la commune de Monte, s’est tenu le 18 janvier dans la salle de la mairie annexe. Une cinquantaine de personnes, administrés de la commune, défenseurs du projet, associations de défense de l’environnement, journalistes, ou simples citoyens, étaient présentes ce soir-là pour prendre connaissance du projet auprès des représentants du Syvadec et des élus de la commune. Une longue soirée où de vifs échanges ont eu lieu.
Lors de la présentation du futur centre de valorisation et de tri, prévu à l’orée 2026, on peut dire que le centre fait rêver. Mieux, il est présenté comme une aubaine non seulement pour la région, qui pourra venir à bout d’une partie de ses 130.000 tonnes de déchets enfouis par an grâce à ce centre de tri pouvant en traiter 98.000 tonnes, soit la majorité des déchets de Haute-Corse, mais également pour la commune. Tout est pensé en termes d’efficacité et d’adaptation au territoire : une chaîne de tri millimétrée, comprenant des secteurs dédiés aux matériaux organiques, au bois, aux matériaux habituellement non-recyclables, qui sera entièrement recouverte pour éviter tout désagrément concernant les odeurs et les fuites, obligation car situé à côté de l’aéroport international de Poretta. Ce centre doit être l’un des maillons de la chaîne qui permettra à la Corse de rentrer dans les clous de réglementation européenne, à savoir limiter l’enfouissement à 10 % d’ici à 2035 (contre 60 % aujourd’hui) et amener le taux de tri dans la population à 60 % d’ici à 2030 (celui-ci étant estimé être entre 29 et 40 % actuellement). Coût total de l’opération : 68 millions d’euros, pris en charge à 80 % par l’État par le biais du PTIC et de l’Ademe. C’est toute la mise en place du projet qui a été présenté ce soir-là par Don Georges Gianni, Président du Syvadec, et Jean-François Mattei, maire de Monte et Vice-Président du Syvadec.
Des collectifs, comme Corsica Pulita, créé dans l’objectif de faire reculer l’exécutif sur la mise en place du plan déchets de la Collectivité de Corse, Zeru Frazu ou encore Eculugia Sulidaria étaient présents ce 18 janvier. Les militants écologistes étaient venus ce soir-là pour souligner les nombreux manquements et contradictions des centres de tri. Parmi les sujets brûlants, la filière Combustibles Solides de Récupération (CSR), destinés à être envoyés sur le continent, dont les fumées lors de la fabrication seront totalement dépolluées d’après les porteurs du projet. « Ils ont quand même réussi à inventer les fumées qui ne font pas de rejets toxiques, c’est du génie ! » ironise Jérôme Mondoloni, venu représenter le collectif Corsica Pulita. En effet, la fabrication des CSR nécessite une grande énergie, mais c’est avant tout la pollution aux fumées toxiques (Résidus d’épuration des fumées d’incinération des ordures ménagères) qui sont pointées, ainsi que les mâchefers (un résidu de la combustion du charbon).
Accompagné, entre autres, de Jean-Toussaint Plasenzotti, fondateur du collectif anti-mafia Massimu Susini, le militant a été l’une des voix de la contradiction ce soir-là. Avec les aspects techniques sur le centre, c’est le sujet beaucoup plus délicat des intérêts privés auxquels est lié le projet qui est soulevé par J.T. Plasenzotti. « Le traitement va être en partie privé, pendant 8 à 10 ans sur l’exploitation du site. Comment le Syvadec va garantir qu’une emprise mafieuse n’aura pas lieu sur le projet ? » et la réponse : « il y a des marchés qui sont bien plus sales ! […] Personnellement, je n’ai jamais reçu de pressions » déclare J.F. Mattei.
« Pour penser que des mafieux ne vont pas s’intéresser à un marché à 248 millions d’euros, il faut vivre sur Mars ! » rétorque J. Mondoloni, dont l’affirmation rappelle que le marché des déchets est le marché plébiscité par les groupes mafieux en Corse.
L’un des soutiens affichés de ce centre, représenté par François Filoni et Nathaly Antona, est le Rassemblement National. « Nous sommes venus apporter notre soutien au projet qui doit faciliter la vie des corses » assène cette dernière. « Les gens qui travaillent et ont des enfants, ne peuvent pas trier le soir ! Et les cancers apparaissent dans la nature également. »
Au-delà de l’installation de ce centre de tri, c’est la feuille de route générale du plan déchet qui est critiquée. En effet, quasiment aucune incitation globale à la réduction à la source, au tri en porte-à-porte, et à l’éducation des citoyens pour un avenir plus durable. « À 95 %, le projet va se faire, affirme Jean-François Mattei, […] et il a intérêt à se faire. »
Rappelons que ces centres, longtemps appelés « usines de tri mécano-biologique » sont fortement décriées au point que la loi de Transition énergétique les a qualifiées de « non pertinentes ». Du fait de la difficulté à les rentabiliser, de la nécessité d’une course à toujours plus de déchets à traiter pour compenser leur coût exorbitant, des CSR contenant énormément de particules plastiques et autres composants polluants, et surtout de l’incitation à se détourner de la vraie solution pour le traitement des déchets : le tri.
Zero Waste France a enquêté sur lesdits Centres de tri et de valorisation énergétique. Selon l’ONG représenté en Corse par le Collectif Zeru Frazu, « le moins que l’on puisse dire, c’est que le recyclage ne sort toujours pas gagnant. Aujourd’hui les tentatives de légitimation de cette technologie passent avant tout par la production de combustibles solides de récupération, des déchets broyés et séchés destinés à l’incinération ». Un centre donc qui ne dit pas son nom sur ce qu’il est réellement : une porte ouverte sur l’incinération, polluante et dangereuse pour la santé, projet hélas mentionné sur le plan Déchets de la CdC, véritable retour en arrière pour la Corse ! •