Tavignanu Vivu

Non à une catastrophe écologique programmée !

L’autorisation d’implanter un Centre d’Enfouissement Technique sur le site de Ghjuncaghju a été confirmée par la Cour d’appel de Marseille le 3 juillet 2020, malgré l’entrée de la Collectivité de Corse et de l’association U Levante dans la procédure aux côtés du Collectif Tavignanu Vivu. 200 personnes se sont rassemblées ce samedi 11 juillet pour protester contre ce projet fou mené par la société Oriente Environnement, sur un site instable, classé par l’État pour partie « zone d’interdictions règlementaires », pour l’autre partie « zone à enjeux environnementaux », au bord du Tavignanu, second fleuve de Corse, irriguant les plaines agricoles du Fium’Orbu… La bataille n’est pas finie.

 

Rappelons qu’il est prévu sur un site de 35 hectares de terres agricoles, deux installations de stockage de déchets dont 1,3 millions tonnes de terres amiantifères (102.000 tonnes par an pendant 13 ans) et 70.000 tonnes de déchets ménagers annuels durant 30 ans.

Rappelons que ce projet est contraire au plan de traitement des déchets adopté à l’unanimité par l’Assemblée de Corse en 2015.

Rappelons qu’après un premier refus d’autoriser un CET sur ce site, prononcé par le Préfet Thirion, l’État – contre toute attente – n’a pas argumenté pour défendre sa position (malgré les promesses du préfet Gavory) devant le Tribunal administratif de Bastia, qui a rejeté la demande du Collectif d’interdire cette implantation le 3 octobre 2019.

Ce 3 juillet 2020, la Cour d’appel de Marseille a suivi ce premier jugement, toujours sans que l’État ne défende son premier avis qui s’appuyait pourtant sur les doutes et les risques présentés par les caractéristiques géologiques du site d’implantation, confirmés d’ailleurs par la ministre de l’Écologie de l’époque, Madame Ségolène Royal.

Le Collectif entend se pourvoir devant le Conseil d’État.

 

« On veut tuer le deuxième fleuve de Corse, U Tavignanu… La Cour administrative d’appel de Marseille a tranché au mépris de la décision préfectorale de novembre 2016, au mépris de l’avis de la Collectivité de Corse, au mépris du vote émis par la Communauté de communes de l’Oriente, contre les intérêts citoyens et ceux de nos enfants, dans une irresponsabilité écologique ahurissante » a dénoncé Jean-François Bernardini pour l’association Umani, dans un long plaidoyer au nom du Tavignu. « Partout sur la planète on s’efforce de préserver l’eau douce, l’eau potable, les nappes phréatiques, qui sont notre première source de vie. Partout sur la planète on s’inquiète des ressources en eau. En Corse, le débit des fleuves a déjà diminué de 20 % à 30 % et ce déclin ne va pas s’arrêter. Face à ces réalités alarmantes, nous ne sommes pas prêts à assister passivement au spectacle révoltant, scandaleux, de tribunaux qui donnent leur aval pour injecter dans le deuxième fleuve de Corse, c’est-à-dire dans le cordon ombilical de notre terre, des milliers de tonnes de déchets et poisons pendant 30 ans ! »

Pour traiter le problème des déchets, « on choisit la solution la plus désastreuse, la plus irresponsable, un remède pire que le mal, mais peut-être aussi la plus profiteuse pour les uns au détriment de tous… Il y a d’autres solutions. Elles fonctionnent ailleurs, il faut les créer chez nous » dit encore Jean-François Bernardini.

Tour à tour, plusieurs représentants d’associations de défense de l’environnement prenaient la parole. Laurence Constantin de l’association Global Earth Keeper, dénonçait « ce massacre » et en appelait à la citoyenneté de tous, dans nos modes de consommation pour éviter la production de déchets. Le Collectif XR, Extinction Rébellion, par la voix de Marie Frasseto, rappelait son soutien pour « lutter contre ce projet comme un symbole pour d’autres projets déjà sous-jacents en Corse, qui sont là pour nuire à la nature… On est là pour défendre la vie. On ne veut pas de ce projet, comme on ne veut pas d’autres projets qui vont polluer la Corse ».

 

Léo Battesti pour le Collectif « A mafia no, A vita iè », très applaudi, rappelait « l’analyse mondiale du système mafieux » et l’attrait juteux que représente le traitement des déchets. « C’est incroyable cette irresponsabilité » a-t-il dénoncé, appelant à une plus large mobilisation : « le pire ce sont tous les dénis, ce sont tous les silences, tous ces gens qui regardent ailleurs, qui ne sont pas là aujourd’hui alors qu’ils devraient être les premiers à se battre pour défendre les intérêts de notre jeunesse. Notre rôle n’est pas facile… parce qu’on est des lanceurs d’alertes, parce que si nous ne le faisons pas, qui va le faire à notre place ? On ne se défend pas par délégation. Je vous invite tous et toutes vraiment, non seulement à soutenir cette action magnifique de ce Collectif Tavignanu Vivu, mais je vous invite aussi à faire front contre le système mafieux qui en Corse aujourd’hui est d’une porosité jamais atteinte. »

L’association Bouge ta Corse rappelait elle aussi : « la solution, elle est toute simple, elle est en nous. Elle est dans notre façon de consommer, pour arrêter de nourrir la mafia qui s’occupe de nos poubelles. Je suis maman de quatre enfants, j’essaie le plus possible de réduire le problème à la source » rappelant que les alternatives existent au consumérisme, du rejet du plastique avec l’achat en vrac, aux couches-lavables aux lessives à fabriquer soi-même, en passant par le recours aux producteurs locaux. « Si on s’y met tous, on peut réussir à appauvrir le problème… il y a plein de solutions pour réduire nos poubelles, nous sommes là pour montrer ce que c’est que le zéro-déchet. »

 

Marie Dominique Loye, du Collectif Zeru Frazu, mais aussi en tant que géologue exprimait à son tour sa colère : « s’il y a un endroit où il ne faut pas faire de centre d’enfouissement en Corse, c’est ici. Ce qui me dégoute au plus haut point, c’est que les services de l’État, en toute connaissance de cause, valident un projet absolument monstrueux. Il est clair que cette zone est complètement instable. Il est probable qu’elle contienne aussi des limons amiantifères, pourquoi s’obstiner alors que l’on est sûr que tout va se casser la figure dans le Tavignanu ? Au moment des travaux, ou dans deux-trois ans. »

« Ça fait 5 ans que la responsabilité des Communautés de Communes et du Syvadec est engagée pour avoir empêché toutes les solutions possibles » dénonce encore Zeru Frazu. « On a un immobilisme coupable… La priorité c’est les bio-déchets. On constate qu’il y a un plan organisé pour ne rien faire. La plateforme de compostage de Francisci est paralysée depuis deux mois pour d’obscures raisons… une plateforme de compostage a été fermée il y a trois ans à Aiacciu… les stations de compostage que devait faire le Syvadec ne marchent pas… on fait tout pour que le problème perdure, qu’il soit tellement insupportable que les gens soient prêts à accepter n’importe quelle solution… que ce soit les usines sur ordures brutes qui permettront à Veolia et consorts, et aux transporteurs, de se faire beaucoup d’argent, ou de l’incinération. »

« Il faut faire pression pour que l’effort soit mis sur les bio-déchets » insiste Marie Dominique Loye.

Julien Paolini, pour le groupe Femu a Corsica à l’Assemblée de Corse, maire d’U Petrosu, rappelle la position de l’Assemblée de Corse et de la majorité territoriale, ses motions, ses interventions. Il propose d’interpeller le nouveau gouvernement et appelle à poursuivre la lutte. « La guerre est loin d’être perdue, parce que cette bataille est juste à trois niveaux. La ressource en eau, tout le monde connaît la problématique. La Collectivité de Corse s’investit pour sécuriser cette ressource… un programme est en cours à l’Office hydraulique… Le deuxième point, bien sûr si on pollue en amont les terres agricoles de cette plaine orientale, ça va à l’encontre du modèle de société que l’on défend d’une agriculture de qualité, exempte de pesticides, avec le développement de la production locale pour l’autonomie alimentaire. Polluer ce fleuve c’est aliéner tout développement de cette plaine agricole, voire l’emmener à la ruine. Dernier point, peut-être le plus important, souligné par Léo Battesti, c’est celui sur le modèle de société. L’artificialisation des sols pour venir stocker les terres amiantifères ici, la destruction des espaces naturels pour construire, notamment en zones littorales avec nos villages qui meurent… Ce projet-là est symbolique pour changer drastiquement le modèle de société que l’on veut pour la Corse. Circuits courts, autonomie alimentaire, sécurisation de la ressource en eau, protection de la biodiversité, limitation de l’artificialisation des sols, etc. »

Fabienne Giovannini, élue à l’Assemblée de Corse, représentant le député européen François Alfonsi, apportait son soutien affiché depuis le début, y compris pour des actions futures, supranationales, saluait l’action du Collectif et l’amplification de la mobilisation, par les présents, comme les absents. Car le combat se mène sur le terrain du Collectif, mais il se mène aussi ailleurs « notamment sur le plan institutionnel. L’Assemblée de Corse bien sûr, mais aussi les intercommunalités, et la présidence du Syvadec. C’est un vrai combat qui peut aussi nous aider… C’est le Syvadec qui est en charge du traitement, ce sont les intercommunalités qui doivent agir sur le plan de la réduction des déchets à la source. La Collectivité de Corse est là pour orienter les politiques, pour les accompagner, notamment financièrement, mais s’il y a les acteurs du terrain, nous autres citoyens, mais aussi les acteurs institutionnels qui doivent tous tirer dans le même sens, ce combat peut être gagné et va être gagné. »

Autre appel à la responsabilité collective, M. Amadei venu de Balagne rappelait « l’urgenza per l’eculugìa ». « Nous avons aujourd’hui la possibilité parce qu’il y a une prise de conscience mondiale, d’être un exemple. Si nous prenons en considération toutes les richesses de notre île. Je vous demanderai de vous intéresser davantage à votre place d’humain sur ce territoire, sur toutes les choses qui sont possibles de faire, et de battre la campagne pour ces choses-là. »

L’association « Un pas en arrière, deux pas en avant » prônait « le travail de la terre et la sauvegarde de notre patrimoine agricole » et déplorait l’action des décideurs sur nos vies, dénonçant le travail du Syvadec et appelant au travail de la terre.

Un autre participant rappelait l’investissement des zaddistes appelant chacun à la mobilisation.

 

Pour Jean-Félix Acquaviva, député de la seconde circonscription, « la planète a vécu une crise sans précédent résumée comme l’équivalent de la deuxième guerre mondiale au sens des conséquences économiques et sociales… cela met en place les conditions d’un débat plus profond peut-être sur le modèle économique et le modèle de société, et donc évidemment pour la Corse avec ses spécificités, mais aussi ses réalités, sa complexité, ses rapports de force, ses lobbies économiques, ces questions-là deviennent plus prégnantes. Je veux parler bien sûr de la gestion et valorisation de l’eau, des déchets, de l’économie circulaire, dans ces domaines là il y a un pan local territorial, de prise en main, où cela dépend de la volonté des hommes et des acteurs, et il y a un pan législatif, ce sera notre rôle d’essayer d’arracher des outils correspondants à nos spécificités. » Lui aussi souligne l’importance du changement de gouvernance politique au sein du Syvadec. Il rappelle le changement de gouvernement, et s’engage à interpeller la nouvelle ministre de l’Écologie, Barbara Pompilli. Il est pour cela largement applaudi, tant le débat aujourd’hui se transporte obligatoirement à Paris.

« Nous avons la main politique » affirmait aussi le député, en n’alimentant plus le centre de Ghjuncaghju, en construisant la convergence entre le travail de terrain et le travail politique.

« Soyez sûrs de notre soutien sans faille, cela a été hier, ça l’est aujourd’hui et ça le sera demain sans ambiguité. »

 

Barbara Andreani présidente de l’association Logis vert, adhérente à de nombreuses associations présentes, apportait aussi sa parole citoyenne. « L’environnement est la victime du mariage entre la cupidité et l’inconséquence. Tous les gens qui ont ces projets-là, c’est derrière on le sait, de l’argent, beaucoup d’argent. » Elle rappelait que les solutions sont possibles, en citant l’exemple de la Communauté de Communes de Calvi-Balagne. « En fait on n’a pas besoin de nouveau centre d’enfouissement. Si on applique la politique de la Collectivité de Corse votée à l’unanimité, ça veut dire qu’on applique la stratégie zeru frazu, zéro déchet, zéro gaspillage… pourquoi ce n’est pas appliqué ?… Il faut ouvrir les consciences de nos élus locaux, nos présidents de com-com, pour qu’ils finissent par comprendre… il y a possibilité de faire des économies, de payer moins cher sa facture, dites-le à vos voisins, si on applique cette stratégie de relevage aux porte-à-porte de flux séparés et la facturation incitative. Celui qui trie bien ne paiera pas cher, et celui qui trie mal paiera plus cher. »

 

Nathalie Fantoni, qui anime le groupe d’aide au tri sélectif en Corse sur Facebook, créatrice avec de jeunes Corses d’une application d’aide au tri, A Scelta et de l’association « Scelta d’Avvene » témoignait à son tour des résultats positifs de la mise en place de la collecte au porte-à-porte en Balagne. « On s’est battu, on a demandé et on a eu. Aujourd’hui la collecte au porte-à-porte de Calvi-Balagne est en train de s’étendre sur la Communauté de communes d’Ile Rousse-Balagne », avec notamment une mise en application sur le secteur de la plaine de Pigna. « Quand on trie ses déchets il n’y a que des avantages », affirme encore Nathalie Fantoni. « Le seul déchet c’est ce qui nous reste quand on a trié… et quand on a la chance d’avoir une collecte au porte-à-porte, il reste très peu de choses… et ce très peu de choses peut être encore supprimé. Il y a des produits que l’on n’est pas obligé d’utiliser. »

Jean-François Bernardini se félicitait de toutes les prises de paroles, « ces places publiques là sont importantes dans une société qui cherche à affronter des défis comme les nôtres. »

« Nous essayons d’éduquer, de sensibiliser et de faire comprendre que la non-violence est un outil politique majeur, les luttes qui réussissent dans le monde aujourd’hui, ce sont des luttes non violentes. »

Il dénonce « la normose des déchets », les « hold-up » qui font que « les choses les plus anormales paraissent d’une banalité incroyable » : les mises en bales, les transports sur le continent, le problème de « l’une des seule plateforme agréée de bio-déchets fermée depuis deux mois » et qui fait que les déchets de Bastia, Calvi, ne vont plus à Aghjone, mais à Carghjese !

« L’ennemi il est intérieur » dit encore le président d’Umani, « nos complaisances, nos facilités », nos refus des remises en cause, mais aussi « des ennemis plus structurés, qu’on peut appeler la mafia, avec un certain nombre de connivences, parce que, ne l’oubliez pas, si l’on refuse tant le mot de mafia en Corse, c’est justement parce que les uns et les autres ont compris que ce que nous voyons devant nos yeux, les meurtres ne sont que le dernier maillon d’une chaîne d’intérêts, de collusions et de complicités. Mais on préfère remiser ça dans la rubrique “faits divers”, c’est plus simple ! »

Il souligne un point positif tout de même. « Jusqu’à présent pour aller voir un modèle vertueux en terme de traitement des déchets, il fallait aller ailleurs, aujourd’hui on peut aller plus prêt. En Calvi-Balagne qui traite et recycle 70 % des déchets. »

« Pourquoi ce qui est possible à Calvi-Balagne, n’est pas possible dans les autres communautés de commune ? » interroge-t-il. Une question de volonté politique, bien sûr !

Le point positif, on l’a dit, l’espoir, c’est quand même dans le changement de gouvernance des intercommunalités et du Syvadec, et la convergence de terrain qui va pouvoir se faire avec les orientations politiques données par la Collectivité de Corse.

Alexis Cortinchi et Brigitte Filippi au nom du Collectif Tavignanu Vivu concluaient, remerciant les présents, collectifs, élus, citoyens. « Aidez-nous à transformer l’essai… Le combat nous allons le mener au niveau local, au niveau national, et supranational lorsqu’on se présentera auprès de l’Europe à défendre notre dossier… Nous aurons besoin de connaissances techniques, de ressources financières et d’orientations politiques. Mais nous sommes prêts à nous battre… on appelle à du soutien populaire, à du soutien politique, notre combat il sera dans la légalité. »

Sustenite u Tavignanu Vivu !

ARRITTI.

 

Pour aider le Collectif dans ses démarches juridiques, adressez votre chèque à l’ordre de Tavignanu Vivu à : Tavignanu Vivu, Camping Ernella, 20251 Piedicorti-di-Gaggio.

 

 

MERCI !
«Hier, nous avons ressenti une communion du peuple corse et nous avons constaté avec émotion un tournant décisif dans notre lutte contre ce projet immonde.
Nous remercions toutes les personnes de toutes générations qui malgré la chaleur caniculaire sont venues,
venues pour manifester leur indignation et aussi leur incompréhension face à ce projet inique, toutes attachées à la même cause, celle de préserver nos vies et notre environnement.
Ceux qui n’ont pu être présents et dont nous connaissons aussi leur soutien et leur engagement.
Merci aussi à toutes les associations AFC Umani, Maffia nò A vita iè, Extinction Rébellion, Global Earth Keeper, Bouge ta corse, Zeru Frazu,
À toutes les personnes qui sont intervenues,
Merci à Jean-François Bernardini, à Léo Battesti, à Fabienne Giovannini qui représentait le député européen François Alfonsi, à M. le Député Jean-Félix Acquaviva, Julien Paolini, représentant de Femu a corsica, Marie-Do Loye, géologue et représentant Zeru Frazu,
Merci d’être tous intervenus pour dénoncer cette catastrophe annoncée et pris des engagements forts et décisifs pour que ce projet ne voit pas le jour.
Merci U Levante qui est avec nous dans la bataille juridique.
« GHJUNCAGHIU » devient maintenant le symbole de toutes les luttes pour préserver notre terre et nos valeurs ancestrales,
Lutte contre les mains rapaces qui par intérêts financiers détruisent sans état d’âme, notre « Île de beauté », son environnement et ses richesses naturelles.
Lutte contre la complicité des personnes qui par complaisance, intérêts personnels ou politiques laissent avancer la machine à détruire, sans intervenir.
Et si la justice et l’État n’entendent pas raison, que les porteurs de projet le fassent !
S’il n’y a plus de projet = plus de bataille ! »
Collectif Tavignanu Vivu