Zone humide de Petracurbara

Nouveau symbole du mépris des règles d’environnement

Cela fait plus de 30 ans que l’association locale Petra Viva appuyée par U Levante alarme sur la destruction de la zone humide de Petracurbara. 33 ans exactement que cet arrière-plage subit des agressions pour être comblés. 33 ans que les règles d’urbanisme y sont bafouées à intervalles réguliers.

 

 

Le 18 mai dernier, U Levante alerte à nouveau : « Znieff de type 1, habitat d’animaux et de végétaux protégés, espace remarquable du Padduc : zone humide à nouveau détruite ».

Le 17 mai, suite à la protestation de l’association Petra Viva, le parti Ecologia Sulidaria alarmait également : « Depuis plusieurs jours des engins de travaux publics ont commencé à détruire la zone humide de Petracurbara en vue d’en faire un parking payant. Ces travaux sont réalisés sans aucune autorisation. Ils sont illégaux car ils concernent une zone humide d’intérêt patrimonial qui abrite des espèces végétales et animales fragiles et protégées par des arrêtés ministériels (en application de l’article L.411-1 du code de l’Environnement) et à l’échelon européen par la directive Habitats naturels-Faune-Flore. »

Et les écologistes de poursuivre : « Cette zone est classée en ZNIEFF de type 1, Espace remarquable et caractéristique du code de l’Urbanisme et du Padduc, dans la bande littorale des 100 mètres, ainsi qu’en périmètre d’intervention du Conservatoire du littoral. C’est dire son importance pour notre biodiversité, qui implique de veiller à sa protection en appliquant strictement la loi. Depuis le démarrage des travaux, plusieurs des services de l’État ont été avertis, notamment l’OFB et la Gendarmerie, qui se sont rendus sur place. Mais les travaux n’ont pas été arrêtés, et le risque est de voir disparaître cette zone protégée dans les 2 prochains jours. Les dégâts seraient alors irréversibles. Ecologia sulidaria s’élève vivement contre cette destruction inacceptable et demande à toutes les autorités concernées d’intervenir de toute urgence pour faire cesser ces travaux ».

 

Le 29 août 1995, U Levante avait déjà publié une vidéo (toujours visible sur son site) « des engins déversant des tonnes de matériaux sur la zone humide, afin de la combler et de réaliser un parking contigu à un restaurant de plage ».

En réalité, dès 1990, 2000 m2 de la zone avait été comblés. La DDE dresse procès-verbal. Le maire prend un arrêté interruptif de travaux. En octobre, 17 associations de protection de l’environnement, dont U Levante, portent plainte. Malgré cela, 1000 autres m2 sont comblés en 1991. Nouveau procès-verbal de la DDE. Nouvelle plainte des associations.

En 1993, procédure engagée à l’encontre du propriétaire M. Catoni et de l’auteur des dégradations M. Constant, au Tribunal de grande instance cette fois. « Infraction non constituée » dira la justice. En 1995, nouveaux comblements, nouveau PV, nouvel arrêté municipal interruptif. 180 personnes se constituent en Collectif de défense de la zone humide.

En 1997, la Cour d’appel confirme l’arrêté interruptif.

Fin 2007-début 2008 encore un comblement « effectué à partir de matériaux provenant de la démolition du port de Cagnanu » dénonce U Levante qui porte plainte. En 2010, la DDE déclare qu’il y a « volonté délibérée de remblayer la zone humide et l’espace remarquable de Petracurbara », des « infractions totalement fondées » et des « impacts sur les espaces protégées et la végétation considérables ».

Enfin, le 11 janvier 2011, les responsables, Joseph Constant et la Société méditerranéenne de travaux publics (SMTP), sont condamnés respectivement à des amendes de 7500 et 15000 euros ainsi que 2000 euros de dommages et intérêts à verser à U Levante et à France Nature Environnement. Peccadille sans condamnation de remise en état des lieux !

U Levante fait appel.

 

« Les zones humides sont notre réservoir d’eau potable, le filtre des nappes phréatiques ; elles permettent de stabiliser le littoral contre les tempêtes, de maîtriser les crues, de recharger les eaux souterraines, de retenir les sédiments et matières nutritives… Ajoutons encore, pour ceux qui ont la fibre environnementale, que les zones humides sont un réservoir de diversité biologique. Inutile de dire que leur contribution à la santé et au bien-être humain est vital ». U Levante

 

2012, le comblement se poursuit. Et d’ailleurs, le projet de PLU (jamais adopté) prévoit la création de deux parkings et d’une zone urbanisable sur les parties comblées ! En 2014, en appel, la justice n’ordonne toujours pas la remise en état du site qui aurait pourtant permis un arrêt définitif de ces agressions et « de retrouver le sol d’origine, de rétablir le fonctionnement hydrologique du marais (son rôle écologique et également le “service rendu” comme atténuateur naturel des crues et inondations) » se lamente U Levante en 2013… ajoutant : « nul doute qu’un parking occupera un jour l’espace ainsi comblé qui, sur le premier plan d’occupation des sols était destiné à un lotissement ».

Depuis, est intervenu le Padduc… consacrant cet espace comme « remarquable » et donc confirmé inconstructible. Rien n’y fait !

Le Conservatoire du littoral avait souhaité se rendre acquéreur, en vain. Ce serait pourtant une solution pour la remise en état du site en touchant au portefeuille des délinquants !

Récemment, Michel Delaugerre, animateur de l’association Petra Viva, ancien employé du Conservatoire, alerte encore les autorités sur ces nouveaux comblements en vue de créer un parking payant de 500 places. Une fois de plus, le procureur de la République est saisi. Le nouveau maire (depuis 2020), qui n’a pas donné d’autorisation de travaux, renvoie l’État à ses responsabilités.

Et voilà que… face à toute l’impuissance des autorités jusqu’ici, deux engins de chantier ont été incendiés dans la nuit du 18 mai…

Corsica n’averà mai bè. •

F.G.

 

La zone humide de Petracurbara en 1976 encore préservée (photo 1), puis en 1990, la même zone humide en partie comblée (photo 2) : on mesure l’impact sur la biodiversité de ce site dont l’intérêt écologique est reconnu : roselière, phragmites, tamaris, mares où se reproduisent batraciens, libellules, oiseaux d’eau… L’association Petra Viva demande aux autorités de mettre tout en œuvre pour faire cesser ces dégradations et remettre en état le site.