Annulation de la cartographie des Espaces Stratégiques Agricoles

Quid de l’objectif d’autonomie alimentaire ?

Le Padduc n’en finit pas d’être attaqué sans qu’il ait pu s’appliquer réellement. Attaquée par une vingtaine de maires ou propriétaires terriens, la cartographie des Espaces Stratégiques Agricoles est de nouveau la cible des velléités de construction sur ces espaces. Une demande suivie même par le rapporteur du gouvernement devant le Tribunal Administratif !

Rappelons que les ESA représentent seulement une centaine de milliers d’hectares des plus fortes potentialités agricoles de la Corse. Même pas 15 % de la surface de l’île. Ce qui est modeste eu égard aux espaces urbanisés ou à urbaniser. Qu’ils ont été adoptés sous la forme de « quotas » par communes pour viser à l’autonomie alimentaire de la Corse à l’horizon 2040, en les mettant en valeur et en y installant de jeunes producteurs. Bien sûr, tout en ayant la possibilité pour ces communes de les « compenser » par d’autres terres disponibles dans le cadre de vrais projets urbains démontrant leur intérêt collectif.

La cartographie mise en place en 2015 avec l’approbation du Padduc a été remise en cause par un artifice dont étrangement personne, à commencer par l’État et son contrôle de légalité, n’a recherché la responsabilité (fausse carte véhiculée durant l’enquête publique)… et pour cause, cela permettait de revoir la carte en fonction des espaces rognés depuis ! Ainsi, on a pu constater que au moins 4 000 hectares d’ESA avait déjà été artificialisés ou promis à la construction… et on a régularisé. Rien que ça ! Annulée en 2018 donc, en novembre 2020, une nouvelle carte est adoptée, prenant en compte la volonté des maires. Mais ça ne suffit pas aux chantres de la constructibilité. Voilà donc que la cartographie est de nouveau contestée pour un soi-disant « manque de clarté ».

En réalité, intéressons-nous à ceux qui attaquent le document, des Sociétés Civiles Immobilières (sic), et surtout des maires dont ceux de Lecci, Bonifaziu, Albitreccia, Petrusella, Calinzana… bref, souvent, des communes qui n’ont pas de plans locaux d’urbanisme et sont de fait soumis au Règlement National d’Urbanisme qui restreint la constructibilité. Il est pour eux plus aisé d’incriminer le Padduc plutôt que de reconnaître leur incapacité à élaborer un document d’urbanisme qui ouvre à un vrai projet communal. Et ce n’est pas le temps qui a manqué depuis 2015 pour s’y mettre, et même depuis 2000 et la loi SRU (solidarité et renouvellement urbain) qui a rendu caducs les anciens POS (plans d’occupation des sols) et demandé aux communes d’élaborer un document d’urbanisme de type PLU. 22 ans quand même !…

Ne serait-il pas temps d’arrêter de se cacher derrière son petit doigt et de se mettre sérieusement au travail ? Quant à la Collectivité de Corse, il est grand temps aussi de mettre en valeur les ESA par un vrai développement agricole avant qu’elles ne soient toutes consommées. Au vu de la mondialisation, et du contexte international, qui ne comprend pas que la Corse a besoin de construire son autonomie alimentaire et que cela réclame une volonté politique forte ? 1/ protéger les espaces stratégiques agricoles, 2/ construire une économie agricole productive. C’est une priorité.

Si la cartographie des ESA devait encore être annulée, le Padduc se retrouverait à nouveau sans carte opposable, c’est-à-dire dans une situation de permissivité sur nos plus belles terres agricoles.

Quid de notre volonté d’atteindre l’autonomie alimentaire ? La décision du tribunal a été mise en délibérée. •

Fabiana Giovannini.