Naufrage du Rhodanus

Stop au transport de matières dangereuses dans E Bocche di Bonifaziu !

Après le Haven, après le Fenès, après bien d’autres naufrages, le Rhodanus, cargo battant pavillon Antigua & Barguda et transportant des bobines d’acier, s’est échoué sur les récifs de Cala Longa à Bonifaziu ce 13 octobre 2019. Pour l’heure, heureusement, pas de pollution constatée, mais une grosse inquiétude demeure. À son sujet, comme au sujet de la menace permanente qui pèse sur les Bocche di Bonifaziu. Ci vole à falla finita !

« Le navire devait embouquer les Bouches de Bonifacio mais n’a pas viré à temps et a poursuivi sa route vers la côte en dépit des appels répétés du Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) en Corse » ainsi s’exprime l’État dans son communiqué de la préfecture maritime de Méditerranée. De fait, un aveu d’impuissance insupportable, qui démontre que l’accident tant redouté est une menace permanente malgré la vigilance du Cross, malgré les mesures de protection renforcée prises au rythme des revendications des deux peuples, corse et sarde, ces quarante dernières années.

 

Des navires souvent vétustes

Des milliers de navires empruntent quotidiennement les Bocche di Bonifaziu.

Mais c’est un passage réputé dangereux, bardé de récifs, de courants contraires et régulièrement secoué de vents violents.

Les navires qui empruntent ce détroit ne sont pas des bâtiments français ou italien. Les deux États ont pris un accord pour ne plus emprunter les Bocche di Bonifaziu. Ils battent pavillon de complaisance et sont de fait – souvent – des navires vétustes, insuffisamment contrôlés, insuffisamment équipés, insuffisamment armés pour prémunir tous les risques.

C’était visiblement le cas pour le Rhodanus. Pour l’Association Mor Glaz qui regroupe plusieurs marins parmi ses adhérents « soit tous les appareils de communication du navire étaient stoppés, ou défectueux soit les oreilles de l’homme de veille étaient occupées à tout autre chose. Nous pouvons déjà considérer que l’enquête est close. Nous étions persuadés que dans ces parages très dangereux, que deux marins devaient assurer la veille, encore faut-il que les effectifs à bord le permettent. Si ces obligations avaient changé, il faudrait imposer deux marins à la passerelle dans ces chenaux ou interdire ces passages ! »

Interdire le passage, c’est la demande des écologistes et des nationalistes corses depuis des années. Le peuple corse peut-il se contenter de s’entendre rétorquer systématiquement que cela est impossible du fait du statut de « détroit international » imposé par l’Organisation maritime internationale entre les deux îles ?

 

Craindre l’irrémédiable

La Réserve naturelle des Bocche di Bonifaziu d’une part, le Parco Nazionale della Maddalena d’autre part, leur exceptionnelle biodiversité et leur fragilité écologique, réclament plus de cohérence ! Comment peut-on concilier l’aberration de protection environnementale dont bénéficient les Bocche di Bonifaziu, leur statut de Zone maritime particulièrement vulnérable (ZMPV), et l’important trafic de transports de matières dangereuses qu’elles subissent quotidiennement ? Comment peut-on comptabiliser régulièrement ces accidents, sans craindre qu’un jour, peut-être prochain, la menace se transformera en catastrophe irrémédiable ?

Pour quelques heures supplémentaires en mer à contourner le détroit par le sud de la Sardaigne, les lobbies industriels sont prêts à sacrifier cette biodiversité remarquable et l’économie qu’elle génère pour les deux îles. Ça n’est pas tolérable.

 

Dix navires par jour

Pour Femu a Corsica, « Cet énième naufrage du Rhodanus dans les bouches de Bonifaziu montre que la régulation des navires commerciaux doit être intensifiée dans cette zone sensible de Méditerranée ». Avec plus de 3 800 navires par an soit 10 par jour qui contiennent en moyenne 237 000 tonnes de produits dangereux, Le parti dénonce le classement du détroit en passage obligé par l’Organisation maritime internationale.

Femu a Corsica s’inquiète également de l’inefficacité des mesures existantes qui ne permettent pas de protéger cette zone, à fort enjeu écologique, d’accidents aux conséquences qui pourraient s’avérer dramatiques.

La seule protection qui vaille, c’est le déclassement du détroit et l’interdiction de tout transport de matières dangereuses dans les Bocche di Bonifaziu.

 

Fabiana Giovannini.