Mise en oeuvre du Padduc

La stratégie de l’Exécutif de Corse

L’étalement urbain conduit immanquablement à une surconsommation foncière et un paysage mité...une tendance combattue dans le Padduc ?

«Depuis une cinquantaine d’année, nous n’avons eu de cesse, nous nationalistes corses, de dénoncer la mise à l’encan de notre terre et la spéculation foncière et immobilière qui en découlent. Depuis une cinquantaine d’année nous n’avons eu de cesse de combattre tous ceux qui considéraient la terre comme une simple marchandise » ainsi s’exprimait ce 27 octobre à l’Assemblée de Corse Jean Biancucci, président du groupe Femu a Corsica, maire de Cuttuli Curtichjatu, mais aussi militant nationaliste des premières heures.

Il interpellait le président du Conseil Exécutif sur la question de l’application du Padduc. « Il nous est arrivé le plus souvent de prendre toutes nos responsabilités face au pouvoir d’État et aux complices clanistes. C’est aussi pour cela que nous avons de bout en bout soutenu puis voté le Padduc » a-t-il rappelé. «Nous avons aujourd’hui la garantie que certaines dérives ne sont plus possibles. Pour autant, et c’est aussi le maire qui vous parle, nul n’ignore que son application strictement mécanique est complexe. Depuis 2014 et le vote de la loi ALUR qui s’ajoute aux lois Montagne et Littoral, les choses se sont singulièrement compliquées et l’élaboration d’un PLU devient un exercice difficile. Il y a quelques jours, le média Corse Matin relatait et commentait certains de vos propos tenus en réponse à l’association U Levante, je cite : « nous préférons faire œuvre de pédagogie, mais aussi de soutien…», étant donné l’importance du sujet, il me paraît utile et nécessaire que vous nous précisiez votre point de vue ».

Dans sa réponse qui reprend l’action entreprise tout au long de cette mandature, Gilles Simeoni a éclairé la stratégie d’action de l’Exécutif de Corse pour assurer la mise en œuvre du Padduc dans toute sa dimension, protectrice de la terre, mais aussi outil de développement pour son peuple.

La voici in extenso.

 

«Monsieur le conseiller territorial, et président de groupe, Votre question souligne un des fondamentaux de notre engagement : préserver le lien indéfectible entre le peuple corse et sa terre, lutter contre toutes les formes de spéculation et de dépossession.

C’est dans ce cadre que s’inscrit notre action dans le domaine de l’urbanisme, de l’aménagement et de la mise en valeur du territoire.

Celle-ci ne peut plus s’inscrire uniquement dans une perspective de résistance :

elle doit également conduire à l’élaboration, en partenariat avec les élus locaux, des réponses concrètes et adaptées aux enjeux de réparation des dégâts causés par des décennies de laisser aller en matière d’urbanisme et de construction, mais également dans une perspective de développement harmonieux et maîtrisé, dans les zones littorales comme dans celles de l’intérieur et de montagne, dans les zones urbaines et péri-urbaines comme dans les villages.

Concernant le respect du Padduc, j’ai eu l’occasion de synthétiser, dans un courrier en date du 14 octobre 2017 répondant à une sollicitation de l’Association U Levante, courrier rendu public par cette association, ma position et celle du Conseil exécutif.

 

Elle peut se résumer en deux points essentiels :

1) Le travail de pédagogie, d’accompagnement, et de co-construction avec les maires et élus locaux en charge de l’élaboration des PLU, dans le respect de leurs prérogatives. La CTC intervient comme personne publique associée (PPA). À ce titre, depuis deux ans la présidente et les services de l’AUE travaillent en concertation étroite avec les communes ou les intercommunalités, pour les conseiller et les accompagner dans le travail d’élaboration de leur document d’urbanisme, et veiller à la compatibilité de celui-ci avec le Padduc. Elle travaille :

– à l’émission systématique d’avis sur les projets de PLU arrêtés, avis aussi exhaustifs que possible de manière à faciliter la prise en compte et le traitement des points de fragilité de ces documents.

– à la participation à la rédaction des « porter à connaissance » que le Préfet adresse en début de procédure aux communes qui prescrivent l’élaboration ou la révision d’un document d’urbanisme.

– parallèlement, l’Agence d’aménagement durable, d’urbanisme et de l’énergie, présidée par Mme Fabienne Giovannini, sollicitée directement par certaines communes, procède à l’élaboration et la diffusion de documents types, des fiches méthodologiques, des cahiers des charges, de manière à aider les communes à élaborer les marchés qu’elles passent ensuite avec les bureaux d’études, à aider ces bureaux d’études à prendre en compte méthodiquement le nouveau référentiel normatif que pose le Padduc, et à progresser dans la prise en compte des attendus des lois ALUR, Grenelle, etc.

– des actions d’informations et de pédagogie nombreuses sont enfin organisées pour familiariser les élus et techniciens aux évolutions législatives et normatives. C’est la dimension de soutien et de pédagogie à laquelle je faisais référence dans ma lettre précitée : il ne s’agit pas de contraindre, ni d’imposer. Mais de co-construire avec les maires, dans le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales.

Ce travail commence à porter ses fruits :

l’AUE suit une soixantaine de documents d’Urbanisme locaux. En deux ans, elle est intervenue sur 11 PLU arrêtés, au terme desquels la CTC a formulé 8 avis favorables, assortis le cas échéant de réserves que la commune doit prendre en compte selon des modalités de son choix. Reste à envisager le cas où ce travail de co-construction ne porterait pas ses fruits : c’est le deuxième axe de ma réponse.

 

2) L’affirmation selon laquelle la CTC se réserve le droit d’agir en justice.

J’ai indiqué à U Levante que je considère que la CTC se réserve le droit d’aller en justice en cas d’atteinte aux prescriptions du Padduc.

Il s’agit là d’une décision forte, qui témoigne de notre détermination à faire respecter les prescriptions de ce document, notamment chaque fois qu’un document d’urbanisme contreviendrait aux fondamentaux du texte.

Je rappelle que jamais une collectivité territoriale n’a pris une telle position de principe concernant sa détermination à faire appliquer et respecter un texte.

De même, et comme la loi l’autorise désormais, la CTC se réserve le droit d’ester en justice en cas d’atteintes à l’environnement, quand bien même le contrôle de légalité relève-t-il, en l’état du droit positif, de l’Etat.

Au-delà de ces deux axes, notre responsabilité et notre volonté sont clairement d’aider les maires et les élus locaux à élaborer des documents d’urbanisme compatibles avec le Padduc.

Plusieurs pistes de travail ont d’ores et déjà été ouvertes et initiées :

1) J’ai rencontré le 20 mars 2017 à la Collectivité Territoriale de Corse les Associations des Maires, et notamment celle de Corse du Sud. En cette occasion, les maires présents m’ont exposé leur découragement et quelquefois leur colère. Ils considèrent que la multiplication des textes dessine un carcan législatif et réglementaire qui paralyse leurs initiatives en termes d’aménagement. J’ai bien entendu ces doléances et ai proposé une méthode de travail : mise en place d’une commission visant à dresser une typologie des difficultés rencontrées, ainsi que le ou les textes dans lesquels elles trouvent leur origine, et les réponses de fond à apporter. Il apparaît d’ores et déjà que nombre de ces difficultés ne procèdent pas du Padduc, mais de la superposition des contraintes issues des lois littoral, montagne, Alur, Grenelle… Il faut aller plus loin dans l’analyse et réfléchir ensemble à une réponse globale et de fond : s’il m’apparaît inenvisageable et dangereux de détricoter au coup par coup de textes protecteurs comme par exemple la loi littoral, il est légitime que les élus et notre institution débattent au fond, ensemble, d’éventuelles adaptations législatives ou réglementaires dans une logique d’ensemble qui ferait l’objet d’un large consensus, et dès lors que ces adaptations respectent les fondamentaux auxquels j’ai fait référence au début de mon propos.

 

2) Je souhaite en deuxième lieu étudier la possibilité d’un renforcement des moyens humains et techniques mis à la disposition des communes par la CTC, au travers d’une offre d’ingénierie publique territoriale qui serait contractualisée, à la différence des interventions actuelles de l’AUE, laquelle reste encore perçue comme un outil interne de la CTC. Cette évolution suppose de faire de cette agence un outil au service des communes plus encore qu’elle ne l’a été jusqu’à présent, en matérialisant cette relation par des conventions de prestations de services, type assistance à maîtrise d’ouvrage dans le respect naturellement des principes de la commande publique. Dans un tel cadre, les maires qui le souhaitent pourraient bénéficier d’un niveau d’accompagnement technique beaucoup plus poussé que l’accompagnement assuré par l’AUE lorsqu’elle représente la CTC en tant que personne publique associée.

 

3) Le renforcement de l’aide à l’élaboration de documents de référence supracommunaux reste une priorité pour faciliter l’élaboration des documents locaux: l’écart est trop grand entre la Corse et la commune, entre le Padduc et le PLU. Sur tous les sujets qui ne font pas l’objet d’une quantification précise par le Padduc, au premier rang desquels la question des prévisions démographiques, de la production de logements et de la consommation foncière correspondante, l’exercice de planification à l’échelle communale se heurte à un écueil majeur : les Maires, sont obligés d’établir des scenarii prospectifs alors même que les futurs résidents de communes vivent au quotidien dans un bassin bien plus large que la commune.

Vos projections doivent donc impérativement être mises en cohérence à une échelle adaptée, qui n’est le plus souvent pas celle des intercommunalités, mais celle de territoires plus larges. Sur ce sujet, notre intention est claire, et elle a été actée dans la délibération du 27 janvier 2017, votée à l’immense majorité de votre Assemblée :

– Nous voulons, lorsque des démarches de SCoT sont engagées, soutenir ces démarches. Comme nous le faisons en Balagna par un soutien financier, et par l’accompagnement de l’AUE pour faire en sorte que ce document aille à son terme et qu’il apporte de la lisibilité à ce bassin de vie.

– Là où aucune démarche n’est engagée, nous comptons réunir les collectivités des différents bassins de vie et engager avec elles, dans une logique de copilotage, des réflexions pour construire des projets de territoire.

 

4) La mise en route des études de préfiguration des grandes opérations d’aménagement appelées par le Padduc, notamment sur les Secteurs d’Enjeux Régionaux, conformément à la délibération de l’Assemblée de Corse du 27 janvier 2017 précitée. C’est un chantier qui, là encore, attendra les responsables élus de la future Collectivité de Corse, en concertation avec les élus et acteurs des territoires concernés.

L’averete capita, un mancarà u travagliu ! »

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