Calenzana

Un collectif vents debouts contre la casse automobile

U Campianellu est un collectif formé par des habitants de Balagne autour d’une potentielle catastrophe écologique : la gestion de la casse automobile de Calenzana, qui déverserait notamment des polluants toxiques dans le ruisseau Campianellu. Serge, l’un des membres fondateurs du collectif, explique en détails la situation et les attentes des riverains et des soutiens du groupe.

 

 

À Calenzana, une situation est source de nombreuses tensions entre riverains, amoureux de la nature et les gestionnaires d’une casse automobile. Serge est l’un des fondateurs du collectif U Campaniellu, du nom du ruisseau adjacent à la casse. Depuis plusieurs années, il a pu constater la situation autour de la gestion de la casse automobile s’empirer : prise en charge de trop nombreux véhicules par rapport à la capacité de l’entreprise, gestion catastrophique des moteurs, des huiles ainsi que des divers déchets tels que les bris de glace… Et surtout, une « souplesse » mortifère de la part des services de l’État et des élus vis-a-vis des atteintes à l’environnement constatées.

« Il y avait déjà un arrêté qui avait été pris de 20 septembre 2025 astreignant le gestionnaire à 50 € d’amende par jour tant que durait l’atteinte à l’environnement. Parce qu’il pollue le sol. C’est une somme dérisoire par rapport à la pollution effective ! »

L’entreprise n’a cependant jamais eu vocation à devenir une casse : au départ, il s’agit d’un garage automobile créé dans les années 1980. Le gestionnaire aurait petit à petit commencé à entasser les carcasses de voitures laissées à l’abandon par les clients, ainsi qu’à récupérer celles accidentées au bord de la route. Cela aurait répondu, à l’époque, à un besoin car la région ne disposait pas de casse automobile, et les années 1980 n’étaient pas encore une époque où les préoccupations autour de l’environnement étaient centrales, contrairement à aujourd’hui.

Serge nous confirme qu’aujourd’hui, cette situation est une aberration environnementale. « Une casse polluant honteusement nos sols de produits toxiques (acide de batterie, éclats de verre, hydrocarbure, métaux lourds…) à proximité du ruisseau du Campianellu, qui rejoint la Figarella et alimente la nappe phréatique. Les voitures se sont littéralement entassées, avec des piles faisant jusqu’à huit mètres de haut ! Il faisait venir un broyeur et s’occupait grossièrement des carcasses en sa possession. »

Vue aérienne du site

 

Régler la situation par la justice

Cette situation ne pouvant plus durer, les riverains et personnes concernées par la protection de l’environnement se sont donc formées en collectif et bientôt en association pour peser dans la balance juridique. Tout d’abord, via un constat d’huissier, puis par l’analyse en laboratoire des sols pour pouvoir quantifier et prouver leur pollution aux hydrocarbures et la responsabilité évidente de cette casse automobile dans la situation. Avec le soutien de personnalités comme Serge Orru, ancien président du WWF et créateur du Festival du Vent de Calvi, et l’assistance de maître Corinne Lepage, connue pour être l’une des avocates ayant porté en justice l’affaire des boues rouges dans les années 70, les membres d’U Campaniellu sont prêts à se battre pour faire entendre leur voix.

Et pour cause : les analyses de la pollution du ruisseau et des sols de la région sont on ne peut plus explicites, ainsi que les graves atteintes à la sécurité. Les analyses ont notamment marqué une forte pollution aux hydrocarbures.

« Vu l’ampleur des véhicules stockés, entassés, sans aucune norme de sécurité, si un feu prend, il y aura une fumée tellement opaque qu’aucun avion ne pourra se poser sur l’aéroport de Calvi pendant 3 semaines, d’après ce que m’ont dit les pompiers. Ils m’ont également dit qu’ils seraient dans l’incapacité de pouvoir éteindre le feu si un incendie venait à se déclarer. Deuxièmement, si on a les capacités de balancer du produit pour éteindre, c’est le ruisseau qui récupérera toutes les fuites et les liquides. » 

La pollution n’est pas seulement liée aux liquides mais également au matériel et bris de glace laissés tels quels sans aucune précaution. « Ce sont des pelles mécaniques et des broyeurs qui s’en occupe, créant des millions de débris et bris de pare-brise sur le sol, et qui les poussent en contre-bas. » Une autre manière de mettre la poussière sous le tapis, donc.

La mobilisation des citoyens a fait changer la situation, mais a visiblement inquiété le gestionnaire de la casse. « Avant la manifestation que nous avons faite en octobre, le propriétaire de la casse s’est empressé de déplacer et d’enlever 1500 moteurs avec un semi-remorque de 38 tonnes qui est venu les charger. Il y a eu des tonnes d’huile de vidange qui ont été déversées dans le ruisseau durant l’opération. »

L’affaire va donc entrer prochainement en justice. Cependant, Serge nous fait part de ses incompréhensions légitimes : « Je ne comprends pas pourquoi cette casse qui pollue tant aujourd’hui, dont la gestion est catastrophique et ne respecte aucune norme, fonctionne toujours. Que font les élus ? Quand nous avons interrogé le maire de Calenzana, aucune réponse ne nous a été donnée, ni à nous ni aux habitants… »

Léa Ferrandi.

 

Pour soutenir le collectif : Facebook « Collectif U Campaniellu »