Avec José Bové

À la rencontre de l’agriculture vivante et solidarité avec Pierre Alessandri

Deux événements ont rendu la tournée en Corse de José Bové pour la campagne des européennes particulièrement bienvenue : il fallait répondre à l’attentat contre l’exploitation du responsable du syndicat Via Campagnola, Pierre Alessandri, et il fallait relancer la mobilisation en faveur des espaces stratégiques agricoles, les ESA, qu’une procédure judiciaire en cours menace de faire disparaître du Padduc, et donc des documents d’urbanisme des communes de Corse qui ont obligation de se mettre en conformité avec le Padduc.

 

« U giru biò di u prima di maghju», mirindella à l’appui, avait pour but de visiter des exploitations agricoles des environs d’Aiacciu qui résistent face à la pression d’un développement urbain qui envahit à vitesse grand V tout l’espace rural; et aussi de valoriser les productions locales AOP et les techniques issues de l’agriculture biologique.

 

Élevage. La délégation accompagnant François Alfonsi et José Bové s’est d’abord arrêtée au hameau de Scaglioli sur la commune de Villanova, seule commune de la région ajaccienne à s’être dotée en temps et heure d’un PLU protecteur des terres agricoles, grâce à son ancien maire Dumènicu Bianchi, qui fut aussi un prisonnier politique nationaliste.

Ses deux fils, Paul et Jean Dominique, sont associés dans une exploitation d’élevage bovin dont la qualité des produits est reconnue. Paul est le premier à avoir remis en production les terrains familiaux. Jean Dominique vient de quitter la fonction publique pour le rejoindre et développer l’intégration de la production de viande à un circuit court: construction sur l’exploitation d’un abattoir aux normes européennes, et vente directe pour garder le revenu sur l’exploitation, pour la consolider comme activité économique dont la rentabilité résiste face aux plus-values promises par la spéculation foncière dans une commune soumise à la double pression du tourisme en raison de son vaste littoral, et du mitage périurbain en raison de sa proximité de la ville.

L’impact de ce mitage péri-urbain est particulièrement sensible depuis l’exploitation de Marie-Luce Squarcini et de Jean Michel Casalta qui domine la basse vallée de la Gravona. Au loin, la multiplication des complexes commerciaux agresse le paysage et résume le combat qu’il faut mener pour conserver l’agriculture vivante dans ces espaces.

Marie Luce et Jean Michel mènent un élevage caprin et ovin (300 têtes de bétail en tout) tout en transformant et en commercialisant leur brocciu et leur fromage. Cet « ilot agricole», dont les parcours des brebis et des chèvres serpentent entre les lotissements et les villas, forme un tout de 200 hectares dont la cohérence est fragile. Un nouveau lotissement suffirait à désorganiser le savant agencement qui permet aux animaux de gagner leurs pacages pour les brebis, ou un parcours mixte entre maquis et prairie pour les chèvres, puis de revenir le soir venu pour la traite dans la bergerie. Depuis la ferme, on surplombe le mitage péri-urbain qui a colonisé l’espace agricole des plaines de Bastilicaccia et de Cùttuli autrefois réputées pour leur fertilité. L’ESA de leur exploitation est à son tour menacé par la pression immobilière. Le Padduc interdit son urbanisation, il faut tenir bon car c’est la seule protection efficace en vigueur.

 

Apiculture. Les apiculteurs parmi lesquels Pierre Torre, qui a son exploitation dans la plaine de Cùttuli, forment une profession fière du travail accompli. L’AOC «mele di Corsica » a eu un effet immédiat sur la demande qui est montée en flèche et sur les prix qui assurent un revenu correct. Désormais de jeunes apiculteurs sont chaque année installés par les actions de formation menées par la profession dont Pierre Torre, et Jacques Laurent qui l’accompagne dans sa présentation, sont deux responsables. L’apiculture est une réussite manifeste du développement agricole de la Corse même si de nouveaux problèmes sont à résoudre, notamment au plan sanitaire contre des virus et des parasites nouveaux qui apparaissent.

 

Cultures. Fin de la tournée dans la Plaine de Peri sur l’exploitation de maraîchage de Basile Pinzuti, jeune agriculteur passionné qui exploite moins d’un hectare de maraîchage selon les techniques biologiques de la permaculture.

Cette révolution technologique a permis d’abandonner le travail du sol à la charrue en s’appuyant sur la vie souterraine, notamment les vers de terre, pour aérer et régénérer les sols. Le résultat obtenu est bluffant, qui diminue les coûts d’exploitation, qui conforte les résistances naturelles des plantes contre les parasites, et qui accroît sensiblement, par le mariage des cultures, la rentabilité de l’exploitation. Son travail donne une «valeur agricole» forte à son terrain, ce qui le détourne de son «destin immobilier » à l’instar de la multitude de villas qui l’entourent. Mais il faut que les Espaces Stratégiques Agricoles soit protégés si l’on veut que son expérience se propage sur les autres terrains à forte valeur agronomique qui entourent son exploitation.

Un peu plus loin, Jules Celli a repris l’exploitation viticole de son grand-père et il entretient ses vignes avec la même technique: ne pas travailler les sols, y favoriser la vie souterraine en bannissant pesticides et désherbants chimiques. Ses résultats sont excellents, mais, pour lui aussi, maintenir ses vignes demande que soient préservés les Espaces Stratégiques Agricoles.

 

Solidarité contre les pressions mafieuses.

Au programme de la journée est venu s’ajouter une obligation impérative: apporter un soutien total à Pierre Alessandri, leader de Via Campagnola, dont l’unité de distillation d’huiles essentielles avait été détruite quelques jours auparavant par un incendie criminel. José Bové dénonce cet agissement mafieux, et la discussion qui s’engage montre l’importance de la solidarité qui s’est manifestée dans la réprobation, et qui commence à s’exprimer par l’afflux de dons qui sont faits pour financer la reconstruction.

Sans cet élan de solidarité, les abrutis qui ont détruit son outil de travail auraient fini par avoir raison de la volonté de vie que toute la journée a montré dans les exploitations visitées. Cela va bien au delà de Pierre Alessandri, tous les agriculteurs de la proche région ajaccienne sont menacés dès l’instant que leur activité contrarie une mafia quelconque agissant pour des intérêts économiques que le maintien de cette agriculture de qualité dérange.

Largement médiatisé, «u giru biò di u prima di maghju» a rencontré un excellent écho et mobilisé fortement autour d’une nécessité affirmée par tous : ci vole un diputatu pà a Corsica.

Arritti.

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