Nous étions en pleine réunion constitutive du Comité Corse de Solidarité avec la Catalogne quand la bonne nouvelle est tombée : la justice allemande a refusé l’extradition de Carles Puigdemont réclamée par l’Espagne, et l’a libéré de sa détention préventive ! Après la Belgique, l’Écosse et la Suisse, cette nouvelle décision de justice d’un État européen signifie que le refus du dialogue politique avec la Catalogne est sans issue pour Mariano Rajoy.
Cette décision de la Cour de Justice allemande du Land de Schleswig- Holstein frontalier du Danemark apporte des raisons d’espérer en une évolution plus favorable pour la Catalogne. Car la position du chef du gouvernement espagnol est aussi fragilisée sur d’autres fronts.
En interne, les cinq élus basques du PNV indispensables à sa majorité au Parlement espagnol refusent de voter le budget de l’Espagne « tant que l’autonomie catalane est sous le coup de l’article 155». Ce blocage budgétaire est susceptible de faire tomber le gouvernement Rajoy.
La justice espagnole, en maintenant en détention sine die plusieurs dirigeants catalans qui n’ont commis d’autre délit que d’organiser une consultation électorale démocratique, peine de plus en plus à se parer des vertus de « l’État de droit ». L’Espagne est critiquée à l’ONU, par le Haut commissaire aux droits de l’Homme qui, dans son discours annuel, s’est déclaré « consterné par les violences lors du référendum du premier octobre», rappelé que « la détention provisoire est une mesure de dernier recours », et invité « à résoudre cette situation par le dialogue politique ».
Et, surtout, elle est désavouée par les autres juridictions européennes, en Allemagne et en Belgique pour Carles Puigdemont et les membres de son gouvernement qui sont en exil à Bruxelles, en Écosse où Clara Ponsatì, a été laissée en liberté dans l’attente de la décision définitive quant à son extradition, et en Suisse où sont réfugiées Anna Gabriel et Marta Rovira.
Du fait de ces décisions de justice de plusieurs pays de l’Union Européenne, le maintien en détention des neuf prisonniers politiques catalans par Madrid, dont quatre d’entre eux depuis bientôt six mois, apparaît de façon de plus en plus évidente comme un abus de pouvoir et un traitement arbitraire, contraire aux droits de l’Homme.
En Allemagne, comme en Belgique ou en Écosse, ce sont les opinions publiques qui ont pesé dans la balance judiciaire. Le mandat d’arrêt européen qui s’y applique, contrairement à la Suisse qui est en dehors de l’UE, prévoit que la coopération judiciaire est due de façon automatique à l’Espagne.
La refuser, comme cela a été fait désormais plusieurs fois, exprime le désaccord de fond qui sépare désormais le pouvoir espagnol et le reste de l’Europe sur le traitement de la question catalane. Certes, les dirigeants politiques continuent de soutenir Madrid, à commencer par Jean Claude Juncker à la tête de la Commission Européenne, décidément bien mal inspiré sur le dossier catalan.
Mais quand il s’agit de valider ou non l’incarcération de responsables politiques qui ont agi dans le cadre de leur mandat, qui ont subi les violences de l’État espagnol sans jamais n’en commettre aucune, et que la décision prise provoque une vague de réprobation dans le pays, l’Espagne doit faire face à des refus catégoriques de valider sa politique répressive.
Qu’en serait-il en France ? Aucun dirigeant catalan n’a encore pris le risque de se trouver face à des tribunaux français, le pays qui offre un maximum de soutien à Mariano Rajoy. Pourtant, se regrouper à Perpignan, qui est une partie de la Catalogne historique, doit bien leur faire envie ! Les jugements belge, écossais et allemand créent cependant des « jurisprudences » qui, en France aussi, pèseraient dans le bon sens. Et cela d’autant plus si l’opinion publique se mobilise et fait entendre sa solidarité avec les droits démocratiques du peuple catalan. D’où l’importance des Comités de solidarité qui sont en train de se constituer un peu partout, et auquel le Comité corse se fédérera rapidement.
Le comité réuni à Corti a engagé sa propre mobilisation. Outils internet, premier meeting prochainement à Bastia, lancement d’une campagne pour multiplier ses soutiens en Corse : son action va s’inscrire dans la durée.
Car Madrid, même affaibli par le revers subi en Allemagne, ne va pas renoncer à sa démarche répressive. Mais, désormais, son image « d’État de droit » s’affaiblira de jour en jour. Et cela d’autant plus vite que la mobilisation de solidarité avec le peuple catalan s’amplifiera.
François Alfonsi.