«Nous sommes, toutes et tous, les fruits d’une très longue démarche, collective, de volonté et de dignité, qui a pris sa source, il y a soixante ans, à l’Argentella, pour constater l’état de ruine de notre patrie, sur tous les plans et surtout sur le plan démocratique, moral, économique, social et culturel. La défaite de Ponte Novu, en 1769, a induit la domination française faite de répression puis d’assimilation forcenée, enracinée sur la négation totale de la démocratie, niée et piétinée comme dans les territoires coloniaux.
Domination qui n’a pu trouver son accomplissement funeste, bi séculaire, que par la collusion, intéressée de la tutelle et des dynasties politiques clanistes ; liées, conjointes et solidaires, – par intérêt d’État pour la France et d‘intérêts personnels pour le clan –, elles ont dévasté, désespéré la Corse ; ont tenté de la spolier de son patrimoine, de sa terre, ont contraint son peuple à l’exil, désertifié l’intérieur et ont nié sa culture. L’État et le clan ont créé, nourri, radicalisé la contestation corse contemporaine et surtout la jeunesse.
L’histoire du peuple corse, depuis plus de mille ans, est faite de résistance féroce, constante, aux systèmes dominants qui ont voulu nous soumettre et d’une exigence, d’une soif de liberté irrépressibles. Notre ADN.
Le déclic contemporain est venu en 1960, à l’Argentella quand la France a voulu faire de la Corse une terre d’expérimentation nucléaire ; et depuis cette date, les patriotismes de différentes factions, appartenant à notre mouvance,- et très souvent accompagnés par les forces de progrès du monde économique et social, culturel, écologique… – ont alimenté les luttes, forgé la conscience nationale, préservé les terres et la culture ; elles ont subi la répression et les deuils, enduré les souffrances ; certaines ont failli sombrer dans des dérives, heureusement limitées et surtout dans les affrontements fratricides, très heureusement circonscrits par une volonté salvatrice de tous les militants des différents courants.
L’essentiel a été préservé; nous avons eu trois différents statuts insuffisants, médiocres, dilatoires et remporté, par et dans l’union, des victoires notables, à la mairie de Bastia en 2014, à la CTC en 2015, aux dernières élections législatives, en 2017; de plus, la Corse préside la Commission des Iles de l’UE, un gage évident de confiance pour représenter environ 22 millions de personnes ; elle est mandatée pour faire enfin comprendre à Bruxelles que les situations spécifiques, liées à l’insularité, à l’éloignement, au caractère montagneux, aux retards de développement, doivent désormais être pris en compte et traitées de manière différenciée. Au nom du simple bon sens, de l’équité et de l’efficacité. Nous sommes donc devenus des acteurs, certes modestes mais reconnus et actifs, de la sphère internationale.
Aujourd’hui nous allons affronter des élections territoriales, en Décembre 2018, qui seront décisives. Nous avons le devoir et la capacité, unis aux forces de progrès sur une base programmatique, de défaire définitivement le système claniste et de contraindre l’État au dialogue.
Janvier 2018 marquera l’arrivée de la Collectivité unique ; inadaptée et insuffisante, elle nous a été imposée mais, cependant, fera effectuer un saut quantitatif majeur de la modeste CTC actuelle à un groupe de cinq mille salariés !!!! Certes les compétences n’ont pas évolué. Mais que de chemin parcouru depuis Décembre 2015 où nous avons accédé aux responsabilités insulaires ; nous avons contribué à régler le problème séculaire des transports maritimes, apaisé le conflit des Déchets, conforté les Arrêtés Miot avec Alain Spadoni, calmé les incidents à la suite des évènements des Jardins de l’Empereur puis de Siscu ; nous avons surtout redonné espoir et confiance au peuple corse de l’île et de la diaspora, rassuré totalement les étrangers sur leur avenir, reconquis notre dignité ; et rassuré aussi l’opinion publique internationale sur notre volonté de dialogue et de paix.
L’outil CTC, maltraité par le clan, miné par un déficit abyssal et une gestion malthusienne, a été progressivement remis sur les rails. Aujourd’hui, la CTC travaille en bonne intelligence, dans la démocratie et dans la transparence, avec les deux institutions départementales appelées à fusionner, lors de la mise en place de la Collectivité Unique.
Aujourd’hui, nous réglons de nombreux problèmes, dialoguons avec la Méditerranée et l’Union Européenne, commençons à construire l’économie et la culture de demain. Mais il est évident que la situation politique est intermédiaire et sera incapable de nous assurer la maîtrise de nos affaires dans le domaine interne, notre objectif à trois ans.
Notre revendication maîtresse est depuis des décennies et reste l’obtention, exclusivement par le dialogue et les luttes démocratiques pacifiques, d’un Statut d’Autonomie Interne dans le cadre de la République Française qui conservera l’intégralité des fonctions régaliennes (Affaires Etrangères et Défense nationale) ; et bien entendu dans le cadre de l’Union Européenne. Et de notre berceau naturel, la Méditerranée.
Certaines oppositions insulaires, aux abois, désespérées par leurs échecs, inconscients de leur carence historique, oublieux de leur défaillance collective et de leurs errements, qui ont motivé le rejet populaire à leur encontre, agitent la certitude de l’indépendance corse, le risque de la rupture avec la France ; ils passent sous silence le fait que la Catalogne, autonome depuis plus de trente ans, sans heurts graves, ne radicalise son opposition à Madrid que, non pas parce qu’elle est dans une fuite en avant, mais parce que la tutelle espagnole lui refuse les vrais pouvoirs d’une autonomie réelle. La longue patience de la Catalogne s’explique par leur grande culture démocratique et par leur refus de la radicalisation politique qui se serait alors exprimée depuis très longtemps.
Cette évolution, prévisible, devrait les faire renoncer à la diabolisation et aux caricatures et les amener à préférer une réflexion soutenue, apaisée et prospective.
L’autonomie est devenue le droit commun en Europe. Ils ont la place et les moyens de défendre leurs idées, sans contraintes ni pressions, pour convaincre les électeurs.
Pour permettre, en Corse, aux jeunes générations de faire vire et construire notre rêve d’humanisme, -aujourd’hui en début de réalisation-, d’émancipation, de développement durable et équitable, de justice ; pour faire vivre et nourrir notre soif de paix, de partage, la lutte n’est pas terminée; elle continue, se renforce et s’enracine avec la création de l’outil majeur que sera dans quelques jours Femu a Corsica, refondée, et demain dans l’union avec les autres nationalistes et le partenariat avec toutes les forces de progrès. Le socle est posé : l’Autonomie Interne, avec la reconnaissance de l’identité du peuple corse, l’inscription de la Corse dans la Constitution française, avec un choix politique clair ; la démocratie, la seule démocratie.
Dumane, l’alba sarà chjara. (Demain, l’aube sera claire). »
Docteur Edmond Simeoni
Aiacciu l’Ottu d’Ottobre 2017