Dimanche 11 novembre, le centenaire de l’armistice de la Première Guerre Mondiale sera célébré en France. Pourtant, il n’y a pas de victoire à célébrer mais seulement une défaite collective lors de cette guerre civile européenne.
Une ”Guerre civile européenne”
Aussi appelée la Der des Ders comme pour signifier qu’après celle-là, il ne pouvait y en avoir d’autres tant les atrocités, la violence et la longueur des combats avaient marqué toute une génération d’hommes et de femmes, la guerre de 14-18 n’est en fait qu’une immense ”guerre civile européenne”. En effet, pendant plus de 4 ans, des pays européens ont combattu d’autres pays européens, principalement en Europe, pour arracher par le sang et l’horreur un bout de terre en Europe ou contrôlé par un pays européen ailleurs dans le monde.
Le jeu des alliances, entre puissances européennes, les provocations des uns ou des autres et la volonté d’écraser et d’humilier totalement l’adversaire ont rendu ce conflit total. Et, à l’exception de certains cas mineurs ou tardifs, il est devenu mondial parce que le monde était sous la domination européenne ou plutôt parce que l’Europe avait colonisé l’immense partie du monde, notamment l’Afrique, l’Asie et l’Océanie. D’ailleurs, les colonies européennes ont payé un lourd tribut en ressources naturelles mais surtout en ressources humaines. Les peuples colonisés, dont certains avaient l’espoir, en servant l’Empire, de pouvoir bénéficier d’un nouveau statut, ont été envoyés au front, comme de la chair à canon.
Ce ne fut ‘‘guère’’ mieux pour les territoires périphériques et les nations sans État des États européens qui payèrent un très lourd tribut. L’Alsace a perdu le plus gros de son statut d’autonomie, et les Alsaciens ont dû embrasser la mère patrie française et haïr l’ennemi allemand alors qu’il n’y avait pas de choix à faire entre l’un et l’autre ou plutôt que personne n’avait à faire ce choix à leur place. En Corse, on a mobilisé, jusque dans les tranchées, les pères de famille nombreuse quand, sur le Continent, les mêmes conditions permettaient d’éviter d’aller au front et donc de connaître une mort assurée. La Grande guerre a surtout été le couronnement du ”concert des nations” ou plutôt du ”concert des États”. Le Congrès de Vienne, revisité dans le sang, puis confirmé par l’encre du Traité de Versailles a été ce qu’il pouvait y avoir de pire.
”Que des vaincus !”
Alors que le corps de millions de morts n’avait pas encore refroidi, et contre l’avis de nombreux diplomates européens ou américains, Georges Clémenceau, dont la haine anti allemande était incommensurable, se précipitait pour humilier les vaincus allemands. Et l’encre du Traité de Versailles, signé le 28 juin 1919, n’avait pas encore séchée que ceux qui étaient devenus militairement les vainqueurs se transformaient moralement en vaincus. Oui, car de ce Traité, il n’est sorti que des vaincus, et l’Europe en premier chef. Le vieux Continent signait la fin de sa domination mondiale au profit des États-Unis, sortis de leur isolationnisme, qui montaient en puissance et le français perdait son statut de langue de la diplomatie, au détriment de l’anglais porté par Washington. Seul, un homme, pendant des années, s’est opposé à ce Traité fou qui portait en lui les germes d’un nouveau conflit encore plus violent, encore plus terrifiant. Il était Anglais, économiste et libéral : John Meynard Keynes. Il avait compris que la Paix ne se construisait pas par la haine de l’autre mais par la coopération économique et la reconnaissance mutuelle.
2019, un autre jour férié ?
De cette ”guerre civile européenne”, de cette Der des Ders, de cette Grande Guerre, il n’est rien sorti de bon. En réalité, il a fallu attendre un autre conflit, cette fois-ci réellement mondial, et plus de 30 ans pour que les peuples européens comprennent que la Paix est un combat de tous les jours et le bien le plus précieux. Paradoxalement, c’est par cette paix, entre les pays européens, que les territoires périphériques et les nations sans État ont pu vivre en Paix et retrouver progressivement leur espace naturel.
Alors, commémorons, pour la centième et dernière fois, l’armistice de 1918, guerre qui n’a connu que des vaincus. Et l’an prochain, commémorons, tous ensemble, le 11 novembre ou le 9 mai, l’une des seules constructions positives, bien qu’imparfaite, que les Européens aient su faire en un siècle, l’une des seules œuvres qui permettent qu’il puisse n’y avoir que des vainqueurs sur ce Continent, l’une des seules ambitions qui donne l’espoir aux nations sans État de ne plus être à la merci de la folie des vieux États-nations : la construction européenne.
Roccu GAROBY.