La création à l’Assemblée Nationale du groupe Libertés et Territoires auquel participent les trois élus nationalistes corses est un événement important. Il va bien au-delà des plus-values politiques et matérielles qui en découleront pour nos élus. Il est l’émergence d’une démarche politique nouvelle dans l’ensemble français.
A la création de ce groupe fait écho le «déjeuner de travail » tenu vendredi dernier entre le Premier Ministre et les Présidents des Régions à Matignon. Gilles Simeoni en est ressorti amer : «En ce qui concerne la Corse, je repars de Matignon comme j’y étais arrivé ce matin. Je ne suis pas surpris. Je ne suis pas déçu non plus, parce que pour être déçu, il faut avoir espéré. Je suis inquiet parce que je considère que pour l’instant les réponses du Premier Ministre et du Gouvernement ne sont pas à la hauteur des enjeux, et notamment du message qu’ont envoyé les Corses à travers leur vote massif de décembre dernier ».
Mais il en est sorti aussi renforcé du soutien affiché par le Président l’Association des Régions de France, Hervé Morin, qui a une nouvelle fois plaidé pour l’autonomie de la Corse: «La Corse est la seule île du bassin méditerranéen à ne pas avoir un statut d’autonomie. La Corse a sa culture, la Corse a son identité, la Corse a ses problématiques. À cela, il faut un statut particulier que réclame le peuple corse».
Une convergence de forces politiques Le groupe «Libertés et Territoires » est la traduction politique de cette convergence de forces politiques très diverses qui ont en commun de vouloir s’attaquer au mur jacobin, celui-là même qui étouffe les aspirations du peuple corse.
S’extraire d’un groupe pour en créer un nouveau est une démarche politique rare en cours de mandature. D’ailleurs plusieurs députés d’Outre-Mer n’ont pu, malgré des convergences politiques évidentes, rejoindre le nouveau groupe car leur retrait du groupe apparenté communiste où ils siègent depuis plusieurs mandatures aurait été dissous de ce fait.
Malgré cela, le pari de la formation de ce nouveau groupe, pour lequel les députés corses ont milité avec constance depuis un an, a été tenu.
Trois députés en font partie qui sont proches d’Hervé Morin, dont Charles de Courson, cinq députés radicaux également, au grand dam de Jean Zuccarelli qui a aussitôt réagi pour les attaquer. Un député Ultra-Marin, un écologiste ex- EELV, les quatre députés RPS (les trois corses et le breton Paul Molac), François Pupponi, et trois ex-LREM complètent le groupe qui franchit, avec seize membres, le cap des quinze nécessaires pour se constituer en groupe politique.
Les commentaires politiques n’ont souvent retenu que l’épiphénomène de Courson, que Jean Zuccarelli lui-même a relativisé en venant à l’essentiel, et en dénonçant la déclaration politique qui a accompagné la création du groupe, qui prend position pour des «… innovations … pouvant aller jusqu’à une vraie autonomie politique et décisionnelle, pleine et entière, au sein de la République comme en Corse et dans certains territoires d’outre-mer ».
Favoriser les courants politiques qui portent les changements Car l’essentiel est bien là. Il y a une nécessité évidente à favoriser les courants politiques qui porteront dans l’ensemble français les changements nécessaires pour arracher l’autonomie, pleine et entière, de la Corse. Face à un système jacobin qui fait bloc, les choses ne peuvent évoluer s’il n’émerge pas une force girondine véritable avec laquelle travailler. Cette « force girondine» ne peut prendre sa place qu’à travers la défense des territoires, les seules entités qui opposent une résistance réelle aux dérives du pouvoir central qu’Emmanuel Macron incarne désormais de façon irréversible.
Son traitement du dossier corse, et le mépris affiché contre ceux qu’il a qualifiés d’«élus locaux» lors de son voyage officiel en Corse, malgré la majorité absolue du peuple corse qu’ils représentent démocratiquement, ont servi de révélateur pour tous les territoires qui défendent leur identité et qui refusent la verticalité du pouvoir et l’oligarchie des métropoles.
Avec le groupe Libertés et Territoires, la solidarité pour la revendication que nous portons en Corse s’est affichée. Son expression politique organisée était indispensable: c’est chose faite désormais.
François Alfonsi.
Extraits du texte d’engagement
« L’attachement aux territoires et à la défense de leur identité ainsi que la lutte contre les fractures territoriales : nous entendons valoriser et développer le formidable potentiel de chacun des territoires de la République, en portant des propositions qui tiennent compte de leurs spécificités économiques, sociales, culturelles. Nous défendrons une plus grande solidarité et une vraie péréquation entre les territoires. Nous soutiendrons également le développement des Pays et Territoires d’Outre-mer, qui font de l’Europe et de la France des puissances mondiales et qui peuvent être les fers de lance d’une économie innovante et d’un modèle de croissance durable. Nous donnerons la parole à tous les territoires oubliés, que ce soient les banlieues, les territoires ruraux et de montagne en luttant contre toutes les formes de fractures territoriales. Nous défendrons, enfin, de manière décomplexée, une organisation territoriale plus décentralisée, car mieux à même d’apporter des solutions économiques, environnementales et sociales concrètes aux problèmes quotidiens par les populations. Nous sommes particulièrement attachés à la défense et au développement de nos institutions locales et territoriales, dans toute leur diversité, et par le biais d’innovations élaborées démocratiquement, pouvant aller jusqu’à une vraie autonomie politique et décisionnelle, pleine et entière, au sein de la République, comme en Corse et dans certains territoires d’Outre-Mer. Le « Pacte de confiance » entre Paris et les Territoires, doit s’accompagner d’une clarification des compétences entre ce qui doit rester du domaine de l’État, et ce qui doit être géré directement par les territoires, par le biais de nouveaux transferts de responsabilités, en termes de gestion, de ressources fiscales et, selon le cas, d’élaboration des règles et d’adaptation directe des Lois et règlements par les assemblées territoriales délibérantes dans les domaines mieux à même d’être gérés et traités à leur échelle, selon les expériences et histoires institutionnelles respectives. L’autonomie fiscale des territoires, par le biais de transfert de ressources fiscales, notamment dans le domaine de la fiscalité du patrimoine, comme demandée par la Corse et éventuellement généralisable à d’autres territoires, est un élément central de responsabilisation des élus et des collectivités territoriales. C’est aussi un élément de refonte essentielle du modèle de finances publiques de la République. »
Le texte in extenso ICI