Catalogne

Avantage pour les indépendantistes

Les juges allemands ont rejeté le mandat d’arrêt européen pour « sédition et rébellion » contre Carles Puigdemont.

La décision de la justice allemande à l’égard de Carles Puigdemont, par « effet domino », change radicalement la donne politico-judiciaire. L’Etat espagnol est désormais en échec judiciaire, après avoir été en échec politique quand le camp indépendantiste a gagné les élections en décembre dernier.

 

«L’arme fatale » du mouvement indépendantiste catalan, le rejet de la violence politique, se révèle payante avec le recul du temps. C’est en effet l’absence de toute violence tout au long du processus qui a conduit au referendum du 1er octobre qui a amené les juges allemands à rejeter le mandat d’arrêt européen du juge Llarena pour « sédition et rébellion », tout en l’acceptant pour l’incrimination de «malversation ».

Par cette décision, l’extradition de Carles Puigdemont n’aurait pu avoir lieu qu’à condition que son procès se limite aux faits qui lui sont reprochés d’un « détournement de fonds » pour le motif que son gouvernement aurait utilisé des fonds publics pour la tenue d’un referendum anticonstitutionnel. Or les charges sont inexistantes sur ce chef d’inculpation, le ministre espagnol des Finances, en charges des finances de la Catalogne durant la période d’application de l’article 155, ayant lui-même déclaré qu’aucune dépense illégale n’avait été décelée par ses services.

Aussi, dans ces conditions, le retour de Carles Puigdemont devant les tribunaux espagnols aurait été un « cadeau empoisonné » pour le juge Llarena. Le délit de malversation a déjà conduit à la liberté provisoire ceux qui n’ont que ce seul chef d’inculpation, et, une fois libéré, Puigdemont pourrait alors tout à fait être investi à la Présidence de la Generalitat par démission de Quim Torra qui occupe actuellement cette fonction.

Quand aux autres inculpés emprisonnés, comment expliquer qu’ils continuent d’être traités de façon radicalement différente de celui qui était, de par sa fonction de Président, le « responsable n°1 » lors des évènements de septembre et octobre 2017?

Le piège était en train de se refermer sur la justice espagnole qui a alors décidé de retirer le mandat d’arrêt européen. De la sorte, le territoire catalan reste interdit à Carles Puigdemont et ses amis exilés, alors qu’ils sont désormais libres de leurs mouvements partout en Europe.

Le dossier politico-judiciaire de Madrid à l’encontre de ceux qu’il maintient en détention en devient de la sorte frappé d’un total arbitraire puisqu’il promet de longues années de prison en Espagne pour des « seconds rôles », quand le responsable principal va et vient sans encombre dans l’Europe entière.

Dans les mois à venir, mise sous la pression de la mobilisation catalane qui va connaître un temps fort le 11 septembre prochain lors de la prochaine Diada, compte tenu de la liberté d’action retrouvée de Carles Puigdemont désormais consolidé à la tête de PDeCat, la position intransigeante de justice espagnole va être de plus en plus difficile à tenir, sauf à faire le choix pour l’Espagne de renoncer à être considérée comme un État de droit par l’Europe et la communauté internationale.

Ce qui est politiquement exclu, du moins pour le gouvernement socialiste actuellement au pouvoir à Madrid.

La partie d’échecs va continuer, mais, désormais, les Catalans ont pris l’avantage.

 

François Alfonsi.