Le 19 juin dernier, les véritables négociations sur le Brexit ont commencé. Et le Royaume-Uni a perdu la première manche. Le match est encore long, il sera tendu et il peut se finir (très) mal pour les 2 parties ou se terminer avec un accord gagnant-gagnant.
Un match maintes fois joué
D’habitude, à Bruxelles, les matches qui opposaient les gouvernements britanniques aux européens se jouaient selon le même scénario connu, et ce maintes et maintes fois depuis 1973. Les gouvernements britanniques arrivaient forts, sûrs d’eux, avec une pointe d’arrogance typique des anciennes puissances coloniales, avec des lignes rouges infranchissables (et imbuvables pour les Européens) et ils menaçaient, à mots couverts, de quitter la table des négociations -voire de quitter l’Union européenne- s’ils n’obtenaient pas gain de cause. Mieux, ils promettaient de tout bloquer (par leur véto) si Bruxelles ne s’exécutait pas, même sur des textes qui n’avaient strictement rien à voir avec les demandes britanniques. ‘‘L’obstruction destructrice’’, en somme.
En face, les Européens apeurés, impressionnés et divisés se regardaient en chien de faïence, ils n’osaient défendre la moindre ligne rouge par peur de perdre le Royaume-Uni ! Car perdre le R-U c’était inconcevable pour les Européens ! Pour certains pays (surtout au nord), le R-U, c’est l’allié idéologique, c’est le pays du libre-échange, le perdre c’était perdre un allié de poids dans les négociations internationales. Pour d’autres (comme le Portugal) c’est un allié historique, on ne le lâche pas comme cela. Pour la France, c’est l’allié militaire et diplomatique, le seul pays avec qui on peut parler de certains sujets. Pour les derniers (comme l’Allemagne), c’est l’allié de circonstance pour faire plier l’Europe du sud dans un coup de billard à 3 bandes. Bref, l’UE n’avait jamais fait front commun face aux Britanniques.
Le monde à l’envers !
Sauf que cette fois-ci, c’est le monde à l’envers ! Depuis le référendum (23/06/2016), le gouvernement britannique est complètement perdu. David Cameron a démissionné. Theresa May a pris la tête de son parti et du gouvernement et malgré une majorité absolue à Westminster, n’a pas été capable de présenter une vision claire et précise du Brexit. Se sentant forte, elle a provoqué des élections anticipées, elle a perdu sa majorité absolue et en est ressortie affaiblie, elle n’est soutenue que par le DUP (parti unioniste pro-britannique nord irlandais) en faveur du Brexit et les Conservateurs écossais qui avaient fait campagne contre le Brexit !
Pendant ces 12 derniers mois, la Commission européenne n’a pas chômé ! Elle a nommé Michel Barnier (ex Commissaire européen 1999-2004 et 2009-2014, plusieurs fois ministre et député en France, ancien Président du Conseil général de Savoie), ‘‘négociateur en chef chargé de la conduite des négociations avec le R-U’’. Le Français a fait le tour des capitales pour s’assurer un front commun. Il a rencontré toutes les institutions européennes afin d’éviter des négociations en parallèle, il a mis en place une équipe d’experts à la pointe sur tous les sujets, a travaillé sur tous les dossiers pendant un an, attendant patiemment l’activation officielle de l’article 50. Celle-ci a eu lieu le 29 mars dernier, lançant officiellement la période des négociations liées au Brexit.
Depuis, les horloges tournent. En l’absence d’accord, le 29 mars 2019, le Royaume-Uni sera exclu de l’UE. Il devra payer des droits de douanes pour vendre ses produits (50% du commerce britannique se fait avec l’UE), se plier aux règlementations européennes sans discuter… bref ce sera un état tiers.
Autrement dit, peut-être que pour la première fois de l’histoire de la construction européenne, le match sera différent. Le gouvernement britannique a besoin d’un accord. Et si l’UE souhaite aussi un accord, elle n’est plus en position de faiblesse. Le temps joue pour elle.
Le cadre des négociations fixé par Barnier
C’est pourquoi, le 19 juin dernier, le gouvernement britannique a dû se plier au cadre des négociations fixé par la Commission européenne. Ces négociations se concentreront simultanément sur 3 sujets majeurs : le droit des citoyens européens au R-U et des citoyens britanniques dans l’UE, l’accord financier et la question des frontières, notamment en Irlande du nord. Lors de la première réunion de négociation, la Commission a imposé au R-U le rythme des négociations (1 réunion/mois), la transparence dans les négociations, les langues de négociations (anglais et français)… Bref, Londres a dû avaler la pilule pour la première fois.
D’ici fin 2017, la Commission européenne souhaite un accord sur les 3 sujets principaux. Puis, et seulement si ceux-ci sont réglés, on avancera sur le type de relations UE/R-U post-Brexit. Fin octobre 2018, tout doit être fini pour entamer la période de ratification (le Parlement européen doit ratifier l’accord !). Enfin, après le 29/03/2019, si accord il y a, une période transitoire s’ouvrira, si nécessaire, pour achever les négociations qui devront, pour certains détails, passer devant le Parlement des 27 États membres !
Le but n’est pas d’humilier le R-U, et encore moins les Britanniques, personne n’y a intérêt. Ce n’est pas, non plus, d’avoir un gagnant ou un perdant car il n’y aurait, au final, que des perdants ou que des gagnants. De plus, il faut respecter le choix des Britanniques de vouloir partir, comme il faut respecter le choix des Écossais et des Irlandais de rester. C’est un choix démocratique mais qui a des conséquences importantes et nul ne peut s’y soustraire.
Dans un divorce, personne ne doit prendre les enfants en otage ni ne peut interdire à l’autre de refaire sa vie. Trop longtemps, les gouvernements britanniques ont cru qu’ils pouvaient imposer à l’Europe leurs vues, leurs idées et leur façon de faire. L’Europe n’a pas voulu ce divorce mais elle a décidé, avec raison, de ne pas se laisser faire.
Roccu GAROBY
Vice-Président de l’Alliance Libre Européenne-Jeune