Jean Félix Acquaviva

De l’Office des Transports au Palais Bourbon

D’abord militant lycéen, puis syndicaliste étudiant (fondateur de Ghjuventù Paolina), Jean Félix Acquaviva, 44 ans, a été un militant engagé très jeune au sein de structures inspirées par la Lutte de Libération Nationale. Suite à l’éclatement de cette mouvance qui a suivi les affrontements fratricides à la fin des années 90, il rejoint Corsica Viva, dont il sera la tête de liste aux élections territoriales de 1998 avec environ 2% des voix, puis il évolue avec beaucoup d’autres vers une démarche exclusivement démocratique.

Cette démarche s’est développée au début des années 2000 en générant deux formes structurées du nationalisme «modéré », le PNC et le regroupement Inseme, que Jean Félix Acquaviva a rejoint, et qui a choisi Gilles Simeoni comme leader.

Ce dernier fait alors la percée à Bastia en 2008 (municipales), puis dans toute la Corse en 2010 (territoriales ; création de Femu a Corsica qui unit Inseme et PNC). L’Union du courant «modéré » au sein de Femu a Corsica crée une véritable dynamique, poursuivie en 2012 (législatives), 2014 (victoire aux municipales à Bastia), puis 2015 (victoire aux élections territoriales). Jean Félix Acquaviva rejoint alors l’Exécutif de la Collectivité Territoriale de Corse au poste stratégique, et délicat car le secteur du transport maritime est en pleine déshérence, de Président de l’Office des Transports.

 

Lors des élections législatives de juin 2017, il a décidé de se présenter dans la circonscription de Corti Balagna, où il est maire de la commune de Lozzi.

Il gagne l’élection haut la main (63% des voix au second tour), ainsi que Michel Castellani à Bastia et Paul André Colombani dans la deuxième circonscription de Corse du Sud.

Les 29 et 30 juin derniers étaient donc pour lui la dernière session à l’Assemblée de Corse en tant que Président de l’Office des Transports. Il y a fait le point du processus de création de la compagnie de transports maritimes régionale, qui, en 18 mois à peine, a révolutionné l’approche du dossier le plus chaotique des trente dernières années de l’Assemblée de Corse. S’il est une réussite dont chaque corse crédite l’Exécutif nationaliste de l’Assemblée de Corse, c’est bien celle-là : avoir sorti la compagnie en faillite de l’ornière de la liquidation et de ses conséquences sociales désastreuses, avoir généré un nouveau climat de confiance avec les salariés, ce qui s’est traduit par un climat social enfin apaisé avec des conséquences positives pour toute l’économie insulaire, et avoir mobilisé l’essentiel du tissu économique de la Corse dans un projet de compagnie régionale crédible et porteur d’avenir.

 

En faisant le point du dossier, et en faisant voter à une très large majorité –seulement six votes contre, trois communistes, deux FN et François Tatti – le rapport qui institue la société d’investissement maritime à capitaux publics majoritaires (77 % CTC, 23 % CADEC), Jean Félix Acquaviva a à nouveau montré sa maîtrise du dossier et sa capacité à le faire approuver au delà de la majorité nationaliste de l’Assemblée.

Cette première SEM fera l’acquisition, à très bon prix (30 % de leur valeur du marché), de deux navires issus de la liquidation de l’ancienne SNCM. Cette transaction a été préférée à une procédure judiciaire longue, lourde et toujours aléatoire pour faire reconnaître ces navires comme pleine propriété de la CTC en tant que « biens de retour » financés dans le cadre de la DSP dont bénéficiait la SNCM. Les repreneurs de la SNCM, comprenant qu’une nouvelle démarche était irréversible, ont accepté la négociation sur le prix, et l’Office des Transports, qui doit finaliser la future DSP de dix ans en 2019, peut ainsi avancer son projet sans plus attendre.

Car la SEM d’investissement est une première pierre de l’édifice des sociétés publiques qui formeront la Compagnie maritime régionale corse. Viendront s’ajouter deux SEMop (SEM opérationnelles) qui exploiteront les lignes vers Marseille, une pour les deux ports principaux d’Aiacciu et Bastia, l’autre pour les ports secondaires. L’appel d’offres ne consistera plus à choisir une compagnie contre une autre pour chaque ligne, mais un opérateur, actionnaire avec la CTC de la SEMop, qui assurera dans le cadre d’un cahier des charges les liaisons en utilisant les bateaux de la SEM d’investissement.

C’est cette SEM d’investissement que la CTC a décidé de créer, qui effectuera les acquisitions nouvelles, jusqu’à sept navires. Elle a aussi adopté le principe de la création des deux SEMop. Ces SEMop, comme le prévoit la loi qui les a instituées, vivront le temps de la concession, soit dix années à compter de 2019, et seront remplacées par de nouvelles SEMop cogérées avec les futurs lauréats de l’appel d’offres qui suivra pour les dix années suivantes.

Cette structuration de la desserte a rassuré les syndicats, car elle relie le salarié au navire où il est embarqué, tout en permettant la concurrence et l’émergence de nouveaux managements performants à chaque mise en concurrence des compagnies maritimes qui, quand elles gagneront l’appel d’offres, intègreront les SEMop régionales.

La création d’une compagnie maritime régionale était une promesse emblématique des nationalistes. Elle est désormais en très bonne voie pour être réalisée, la Commission européenne ayant validé le montage proposé au regard des règlements européens sur la concurrence.

Désormais député, Jean Félix Acquaviva va céder sa place à la tête de l’Office des Transports. Vanina Borromei va lui succéder. Toujours membre de l’Assemblée de Corse, il sera à ses côtés.

 

F.A.

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