Coppieters Awards 2018

Edmond Simeoni honoré d’un prix européen

De g. à dr. Roger Torrent, président du parlement catalan, Edmond Simeoni, Antonia Luciani et Xavier Macias de la fondation Coppieters, et Gilles Simeoni, président du Conseil Exécutif de Corse.

Edmond Simeoni a reçu le prix Coppieters 2018, remis par le président du parlement catalan Roger Torrent !

Le Centre Mauritz Coppieters (du nom de l’un de ses eurodéputés qui a marqué l’histoire des combats des peuples pour la paix et la reconnaissance de leurs droits légitimes) est une fondation créée par l’Alliance Libre Européenne, parti politique fédérant 45 partis nationalistes en Europe. C’est dire la dimension de cet hommage rendu à Edmond Simeoni pour saluer l’ensemble de son parcours. Un moment d’émotion et de réflexion sur le sens d’un combat. Bravo et merci Edmond.

 

Beaucoup de monde présent ou non ce 24 novembre salueront le mérite octroyé à Edmond Simeoni.

Toute une vie militante à s’acharner à bâtir un avenir collectif de liberté pour la Corse. Edmond Simeoni est considéré comme le père de l’autonomisme corse, pas seulement depuis les événements d’Aleria, mais aussi par ses engagements multiples sur tous les terrains, luttes politiques bien sûr, pour les prisonniers, contre le clan, contre la fraude, mais aussi luttes sociales, contre le fléau des incendies, pour la préservation de l’environnement, pour la langue et la culture corses, pour le droit des femmes, contre la précarité, pour le rôle de la diaspora, un engagement de tous les instants ayant non seulement épousé tous les combats de ce peuple, mais aussi tenté de structurer et de bâtir les alternatives possibles, avec «ce choix de vouloir presque concilier deux exigences difficilement conciliables, celle de ne pas s’aliéner les nationalistes les plus radicaux, qui soutiennent la violence, et celle de s’adosser toujours à l’ensemble de la société corse, par exemple en participant à de très nombreux mouvements sociaux », dira Andria Fazi, politologue, invité parmi d’autres à décrire ce parcours « exceptionnel », et rendre hommage à cette « personnalité emblématique ». Tour à tour, Sampiero Sanguinetti, Andria Fazi donc, puis Michel Castellani, député de Haute Corse, Antonia Luciani, vice-présidente de la Fondation Mauritz Coppieters, Xavier Macias, président de la Fondation Coppieters, Roger Torrent, président de l’Assemblée nationale catalane, ont rappelé les grandes étapes de son engagement. Aleria bien sûr, puis la prison, le choix de l’apaisement, l’élection à la première Assemblée de Corse, la lutte contre le clanisme et le clientélisme, ces aliénations mentales, pour l’individu comme pour le peuple, le refus de l’affrontement, l’appel à l’aggiornamento après les dérives et les luttes fratricides, le courage de ses propres remises en cause, la non-violence, régulièrement dans ce demi-siècle d’histoire contemporaine, la parole d’Edmond Simeoni aura pesé pour appeler aux évolutions positives. La construction européenne enfin, très tôt, avec la volonté d’internationalisation de la question corse : « la sensibilité politique d’Edmond Simeoni adhèrera toujours résolument à une dynamique européiste. Non pas à une adhésion béate à l’Europe libérale fondée sur un club d’Etats, mais en la croyance en l’approfondissement d’une relation, en la fondation d’une Europe solidaire pour tous les peuples et citoyens qui la fondent », dit encore Andria Fazi.

 

Une « bête politique ». À son tour, Michel Castellani souligne le « courage physique, le courage moral » et « le sens de l’engagement total » en même temps que « la volonté d’ouverture aux autres et le sens du combat démocratique profond » de cette «bête politique», sa générosité, son intelligence des situations et des objectifs, ses qualités oratoires, son « crédo ininterrompu en l’avenir de ce peuple », « une vie où l’engagement et l’effort ont été bien plus abondants que les honneurs et les avantages ». «Tout au long de sa vie il a semé le message qui inéluctablement avance et jour après jour porte ses fruits », résume encore Michel Castellani saluant avec lui « tous ceux qui animent à travers l’Europe ce grand courant décentralisateur qui oeuvre pour que l’Union européenne soit autre chose qu’un emplâtre technocratique, qui oeuvre avec nos amis de l’ALE, avec le Centre Mauritz Coppieters pour le droit des minorités et la reconnaissance de la diversité culturelle ». Avec eux, la lutte continue donc, « Edmond, lui continuera à nous exhorter tous à aller toujours plus loin, il nous encouragera et nous conseillera toujours utilement avec pertinence » conclue Michel Castellani, l’ami de 50 années de combat.

«Vous faites partie de ceux qui ont ouvert un chemin » enchaîne Antonia Luciani, pour toutes ces générations qui se sont nourries des enseignements du leader charismatique. «Ceux qui ont construit une voie d’émancipation pour le peuple corse et qui ont surtout donné des perspectives à tant de générations qui aspiraient et aspirent encore aujourd’hui à la reconnaissance de leur culture et de leur langue, à la protection de leur terre et à l’obtention de droits légitimes pour continuer à vivre et à prospérer dans cette île dont l’équilibre si fragile nous tient à coeur ».

«Vous avez par vos mots, par vos actes, donné corps à toute une revendication politique qui s’inscrit dans une lutte démocratique et qui aspire à la création de passerelles et de liens avec d’autres peuples de Méditerranée et d’Europe.

Ce nationalisme-là exempt de haine, de xénophobie et de racisme nous le porterons au plus haut pour y faire triompher la justice sociale, la lutte contre la précarité et la défense de l’environnement », dit encore Antonia Luciani rappelant les propres mots et aspirations d’Edmond Simeoni, voulant créer les conditions favorables à un statut d’autonomie et construire cette communauté de destin qui est pour lui « une réalité en devenir, tangible, vivante et naturelle». Ce faisant, il engage les jeunes générations à «continuer la lutte démocratique, claire et transparente » témoigne Antonia Luciani.

 

L’engagement de la Corse en faveur des libertés. Roger Torrent est le plus jeune président du parlement de Catalogne. Il a remplacé Carme Forcadell, Coppieters Awards 2017, qui aurait dû remettre le prix à Edmond Simeoni cette année, comme elle l’avait elle-même reçu des mains de celui qui en avait été honoré en 2016, Alex Salmond, premier ministre écossais du Scottish National Party. Malheureusement, l’ancienne présidente du parlement catalan est aujourd’hui injustement emprisonnée depuis le 23 mars 2018. Elle encourt jusqu’à 60 ans de prison requis contre elle pour n’avoir pas empêché le référendum pour l’indépendance en Catalogne « alors qu’elle a toujours agi conformément aux règlements de la Chambre et accompli les fonctions inhérentes à son mandat » dénonce Roger Torrent. «Une répression parce que nous demandons à voter, parce que nous défendons la démocratie » explique-t-il encore. «C’est pourquoi je voudrais remercier publiquement les personnes et représentants du peuple corse qui m’ont exprimé leur soutien et leur solidarité à l’égard des prisonniers politiques et des exilés catalans. Il s’agit là d’une preuve de la dignité démocratique et de l’engagement de la Corse en faveur des libertés. Engagement du peuple en faveur des libertés et de la démocratie qui compte sur l’exemple de personnes aussi remarquables qu’Edmond Simeoni » a dit encore le leader catalan. « Je félicite M. Simeoni pour ce prix. Merci beaucoup pour tout, M. Simeoni, merci à tout le peuple corse pour votre solidarité et votre soutien, et votre défense des droits démocratiques des peuples d’Europe », a conclu Roger Torrent sous les applaudissements et les cris de « Libertà, libertà » du public pour saluer les presos.

Xavier Macias, pour la Fondation Coppieters a conclu tous ces témoignages au nom de toutes les organisations européennes qui décernent ce prix « largement mérité à quelqu’un que nous considérons comme étant un représentant emblématique de la lutte du peuple corse pour sa reconnaissance en tant que nation ». « Et nous sommes extrêmement satisfaits de contribuer par nos moyens à faire en sorte que son exemple soit encore plus reconnu sur le plan international » a dit Xavier Macias : « c’est que la réalité de la Corse est un vrai espoir pour nous tous qui défendons le droit pour l’autodétermination des peuples ».

 

Un exemple pour l’Europe. «Nous souhaitons faire connaître davantage une trajectoire qui met en exergue ici le succès, au plan des conditions des sacrifices, de la persévérance et de l’intelligence politique ». La Fondation Coppieters étudie les luttes d’émancipation et diffuse les expériences des nations qui progressent. « Les circonstances et les ingrédients politiques de la situation corse se retrouvent également dans d’autres nations européennes sans État » explique encore Xavier Macias.

« Toutefois nous ne sommes pas parvenues à ce jour aux mêmes avancées, c’est pourquoi nous encourageons nos partenaires, nos centres de recherches et nos publications à étudier l’oeuvre et la tactique politique d’Edmond Simeoni ainsi que des organisations du nationalisme corse qui sont parvenues à faire un grand bond social et politique afin d’être en mesure de bâtir un pays » dit encore le président de la Fondation.

«Dans l’Europe actuelle, quelques-uns des meilleurs exemples de lutte pour la démocratie, la paix, l’égalité sociale les droits de l’homme et de la femme, ont pour protagonistes les mouvements d’émancipation nationale. C’est la raison pour laquelle le prix Coppieters est destiné à récompenser ces valeurs» explique Xavier Macias. « La nation corse, pour reprendre les termes utilisés par Edmond Simeoni, n’a jamais transigé sur sa liberté, et ses révoltes face à toutes les agressions a lancé une résistance et une lutte déterminée qui après 50 ans de souffrances et de sacrifices a enfin abouti depuis 2014. Edimondu, à ringraziavi d’avè permessu di fà nasce una lea di sulidarità cù a lotta di u pòpulu corsu» a conclu en langue corse Xavier Macias.

 

La démocratie, le droit, la solidarité.

«Naturellement, l’exercice veut que je m’exprime mais ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas un homme des hommages, un homme des honneurs, et que si je ne méconnais pas la qualité du prix qui m’est remis aujourd’hui, mon cheminement a toujours consisté à ne jamais regardé dans le rétroviseur, si ce n’est pour tirer la leçon de nos erreurs, et toujours à se projeter en avant, non pas pour moi, non pas pour tel ou tel candidat, non pas pour tel ou tel responsable, mais pour un peuple qui a le droit imprescriptible à la vie comme tous les peuples » a répondu toujours aussi déterminé à agir Edmond Simeoni.

Remerciant la Fondation Coppieters, il a salué celui qui lui a donné son nom, Mauritz Coppieters : «Au moment où les tourments s’abattaient partout en Europe, et en particulier sur la Corse, il était là. C’était un homme qui n’avait peur de rien. C’était un Flamand. Les Flamands ne sont pas des gens de cinéma. Ils sont des voyageurs, ils sont des marins, ils sont des conquérants, ils sont des constructeurs, ils sont des résistants» a dit Edmond Simeoni rendant hommage également au combat catalan. « Je voudrais remercier le président de l’Assemblée nationale catalane. Vous avez bercé nos rêves pendant des décennies et quand j’étais sur les Ramblas, là-bas, je me disais en regardant la Sagrada, en regardant tous ces lieux, en regardant vos peintres, en voyant vos poètes, en sachant que même Franco ne vous avait pas fait abdiquer, je me disais quel privilège que d’être Catalan ! »

«Mais je sous-estimais quand même la force de la ligue de tous les conservateurs pour vous empêcher d’accéder à la liberté » reprend l’éternel militant. «Ce n’est pas moi qui le crie, ce n’est pas moi qui l’ai écrit, ce n’est pas moi qui en est fait une Bible : tout peuple a le droit d’être reconnu, tout peuple a le droit d’être libre, et si l’approbation démocratique est suffisante et indiscutable, de choisir la forme de cette liberté par contrat. C’est la loi ».

À la fois honoré mais tout en humilité, il s’est de même exprimé sur France 3 : « c’est un signe de reconnaissance qui dépasse ma personne. Nous sommes des compagnons de route depuis des dizaines d’années, tant avec les Catalans qu’avec les Flamands, et je n’oublie jamais tout ce qu’il reste à faire pour émanciper nos peuples respectifs, en ayant quelques balises extrêmement sûres, la démocratie, le droit, la solidarité ».

Et c’est là la force du message d’Edmond Simeoni et le sens du combat d’une vie qui lui vaut d’être honoré par tous ces peuples européens qui regardent vers la Corse aujourd’hui, à la fois la détermination dans le combat, et l’ouverture et l’humanisme dans la façon de le mener. «Notre nationalisme est antinomique de la guerre, notre nationalisme n’est pas enfermement, notre politique c’est l’ouverture, notre politique n’est pas xénophobe, la fraternité avec tous les peuples est une règle intangible. Mais la liberté et la dignité sont des objectifs communs. Le refus, l’intransigeance du dialogue ont inévitablement suscité chez certains peuples et dans certaines conditions des réactions violentes qu’on peut ne pas partager, qu’on peut critiquer au point de vue de l’éthique mais quand même qui s’explique. Il faut avoir affaire à eux du matin au soir sur des problèmes concrets pour assister sans broncher au déni de justice, aux répressions, aux mensonges, aux attentats de polices parallèles, en évitant le piège mortel qu’on nous a toujours tendu et qui nous entraîne dans la guerre civile que nous avons toujours refusée. Parce que la guerre civile est toujours l’ami objectif du colonisateur » dit Edmond Simeoni. «Ce combat que nous menons est un combat progressiste car il s’enracine dans la démocratie (…) Notre lutte est absolument démocratique et nécessaire et la non-violence est une arme absolue mais elle n’est pas assez usitée » regrette-t-il.

Et quel plus beau message pour l’Europe que de dire : «Méditerranéen, c’est le berceau, c’est normal, Européen c’est un choix (…) L’Europe est un grand dessein à accomplir, l’espoir nous éclaire, evviva a libertà ! »

Beaucoup d’émotions donc ce 24 novembre à Aiacciu, entourés d’amis de toutes les générations, Edmond Simeoni a reçu un hommage à la hauteur d’un engagement sans faille au service du peuple corse.

F.G.

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