Le 10 mai dernier, Emmanuel Macron a reçu le Prix international Charlemagne d’Aix-la-Chapelle qui est la récompense la plus ancienne et la plus célèbre rendant hommage à l’engagement en faveur de l’unification européenne.
Un prix ‘‘Obama’’ ?
Nul ne peut nier qu’Emmanuel Macron a fait sa campagne présidentielle principalement sur, en tout cas, autour de la question européenne, assumant pleinement sa volonté d’approfondir le projet européen. Cet axe est d’ailleurs devenu quasiment l’unique axe de sa campagne de second tour face à Marine le Pen qui, elle, s’est empêtrée dans sa sortie de l’Europe et sortie de l’Euro qui n’en était pas vraiment une mais un peu quand même.
De plus, nul ne peut nier qu’il a fait, depuis son élection, plusieurs grands discours sur l’Europe -qu’on aime ou pas, ça c’est un autre débat- que ce soit à la Sorbonne, le 26 septembre dernier ou au Parlement européen, le 17 avril.
Enfin, nul ne peut nier qu’il est vu, en Europe, à tort ou à raison, comme celui qui a remis l’Europe au goût du jour, dans un pays qui n’osait plus en parler ou qui avait l’Europe honteuse.
Bref, nul ne peut nier qu’il assume son penchant européen, dans une vision libérale, pour ne pas dire néolibérale de l’Europe, avec un faible pour une Europe a-démocratique qui donnerait le pouvoir aux États plutôt qu’aux peuples.
Mais au-delà, ce qui n’est pas négligeable, comparé à l’absence totale de son prédécesseur sur la question européenne, quel est son bilan européen ? Qu’a-t-il gagné, arraché, négocié à Bruxelles? Quels sont ses succès -ou même ses échecs- à Bruxelles ? C’est le néant. Et pour cause, il n’a encore rien fait – ou si peu.
En fait, ce Prix Charlemagne pour Macron, fait écho au Prix Nobel de la Paix donné à Obama en 2009. Un prix offert à un Président qui vient d’être élu, qui n’a -encore- rien fait à l’exception de discours et qui est encouragé plus que récompensé. Mais ce n’est pas le but d’un Prix ! Le but d’un Prix, c’est de récompenser une action pas une déclaration, c’est de mettre en valeur une réalisation pas une proposition, c’est de soutenir une implication pas une ambition.
La dérive personnelle
Lors de son discours à Aix-la-Chapelle, la ville de résidence de Charlemagne et capitale de son Empire, aujourd’hui en Allemagne (Aachen), Emmanuel Macron a parlé ‘‘de souveraineté, d’unité et de démocratie’’ européennes. Nul ne peut rester insensible à ces paroles, tant elles résonnent comme une évidence bien qu’il ne les mette pas en place en France, là où il a le pouvoir.
En fait, en recevant ce Prix de la non-action, Emmanuel Macron est fait, ou plutôt se prend pour le, ‘‘Kaiser’’ (‘‘césar’’ ou ‘‘empereur’’) européen ce qui est en ligne avec sa conception de la démocratie comme on peut le voir en France.
Mais il n’y aurait rien de plus dangereux qu’un couple, fût-il franco-allemand, pour diriger l’Europe. Il n’y aurait rien de plus dangereux qu’une France, ou un autre pays, dominant l’Europe. Il n’y aurait rien de plus dangereux qu’un Emmanuel Macron gouvernant l’Europe. Et quelque part, ce prix renforce ce sentiment d’une dérive personnelle du pouvoir qui voudrait faire croire que parce que l’Europe va mal, (et elle va mal !), il faudrait s’en remettre à un homme providentiel.
Vers un coup de force ?
Esseulé sur la scène européenne, il a refusé de rejoindre un parti politique européen alors que sa place est à l’Alliance des Démocrates et Libéraux Européens (ADLE) (le seul député LREM, Arthuis, est au groupe ADLE, le MODEM, son partenaire de gouvernement, est à l’ADLE, les partis les plus proches de LREM sont tous à l’ADLE et son idéologie est celle des libéraux de l’ADLE), Emmanuel Macron souhaite faire un coup de force, l’an prochain, lors des élections européennes.
En remportant les élections européennes en France, du moins en finissant largement en tête, et s’unissant à des forces libérales, comme en Belgique et au Luxembourg, ou sociale-libérale comme le Partito Democratico en Italie, ou carrément réactionnaire, comme Ciudadanos (jacobins, anti-catalans) en Espagne, puis en contraignant les forces progressistes à s’aligner sur lui pour peser contre les conservateurs notamment allemands, Emmanuel Macron souhaite faire exploser le système politique européen et devenir le faiseur de roi (Président de la Commission européenne), le ‘‘Kaiser’’ européen.
Le système électoral français, l’effondrement de la candidature Fillon, l’échec historique du PS, la peur du FN et le flou du ‘‘et de droite et de gauche’’ de Macron a pu lui permettre d’être élu monarque de France. Reste à savoir s’il sera couronné ‘‘Kaiser’’ d’Europe dans un an.
Pour le bien de la démocratie et du projet européen, espérons que non. Ce n’est pas d’un roi ou d’un empereur dont a besoin l’Europe mais de diversité.
Roccu GAROBY.