Clubs corses

L’éternel retour aux réalités

La descente de Bastia en Ligue 2, qu’on aime ou pas le foot, qu’on méprise ou pas le business qu’il représente, c’est un problème politique, économique, social, voire sociétal.

Une âme, un peuple, bien plus qu’un simple club sportif, les clubs corses construisent leur histoire avec cette force-là, envers et contre tout. Ils sont capables de se hisser aux plus hauts niveaux, de rassembler les Corses au-delà des clivages politiques ou sociaux, et de les faire vibrer, malgré tous les déboires et toutes les difficultés financières, juridiques ou sportives qui sont leurs lots réguliers, suspendus qu’ils sont aux subventions, maltraités par la Ligue Nationale de Football, entravés par leurs propres supporters, parfois, ou par des dirigeants peu scrupuleux, souvent. Ils surprennent, créent l’exploit… mais passées quelques saisons, ils finissent toujours par retomber de leur nuage !

Oscillant en permanence entre médiocrité et exaltation, c’est le lot de la Corse qui espère toujours être reconnue parmi l’élite, mais qui se confronte, impitoyablement, à la dure réalité d’un foot business qui ne veut pas d’elle. Que l’on tente ou pas de jouer dans cette Cour seigneuriale, avec sa morgue et ses moyens peu orthodoxes, on finit toujours par perdre, comme lors d’un déplacement sur Marseille ou Paris ! Il peut y avoir parfois des « accidents » de l’histoire cruelle que nous vivons à intervalles réguliers, un concours de choses, un entraîneur hors du commun, des joueurs qui se subliment, qu’ils soient ou non du « cru » (« turchinu un jour turchinu toujours », disent les Bastiais), un public qui joue le jeu et qui pousse avec enthousiasme, bref, des circonstances favorables… alors c’est l’espoir qui revient et qui nous gonfle d’orgueil !

Et puis, très vite, trop vite, ce même orgueil fait perdre toute lucidité… Notre force est notre faiblesse. C’est là toute l’histoire du Sporting Club de Bastia. Et il ne sert à rien de pleurer sur la Ligue qui ne nous aime pas, l’OM qui a marqué ce but, St-Etienne qui n’a pas gagné, le gardien lyonnais qui a provoqué, ou que sais-je encore ! C’est à nous et nous-seuls de maîtriser notre destin. Rien de bien extraordinaire en soi, l’être humain est ainsi fait. On vit ces choses d’ailleurs aussi dans la vie, et particulièrement en politique. L’orgueil, c’est terrible ce que cela peut entraîner comme erreurs et comme perte de bon sens…

Et nous revoilà donc face à nous-mêmes !

Les clubs ajacciens à la peine, le CAB en National 2, le Sporting en Ligue 2 (peut-être pire si la DNCG décèle quelques anomalies financières)… C’est un drame.

Pas seulement pour les villes concernées, pas seulement pour les footeux.

Pour ne parler que du Sporting, le club est une institution qui fait vivre bien des entreprises. Economiquement, ça pèse pour la ville et pour la Corse. Le préjudice va bien au-delà des supporters effondrés. Le maillot bleu, c’est aussi un exutoire, un besoin, une source où l’on va boire à chaque jour de match.

La descente de Bastia en Ligue 2, qu’on aime ou pas le foot, qu’on méprise ou pas le business qu’il représente, c’est un problème politique, économique, social, voire sociétal.

Il va donc falloir reprendre le bâton de pèlerin, trouver le « sauveur » capable de retravailler un mental pour les joueurs, où ils pourront puiser leur force pour se dépasser et gravir à nouveau l’Himalaya sportif en petites sandales !

Impossible ? Et bien non. Réellement non. La Corse a les moyens de se fabriquer des chaussures de foot typiquement corses. Mais il va falloir enfin comprendre qu’il nous faut être bien plus forts dans nos têtes que ce et ceux que nous affrontons. Il va falloir grandir, vraiment, et cesser de casser en permanence nos jouets comme des enfants gâtés. Les forces où il faut puiser sont connues : la passion du sport et l’amour de la terre. Comme en toute chose qui fait notre combat historique, miser sur l’identité, la solidarité, le travail, l’humilité, le respect. Je ne désespère pas de voir un jour mon club, nos clubs, en réalité notre peuple, à être à la hauteur de l’enjeu.

 

Fabiana Giovannini

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