L’emblématique club bastiais pourra-t-il revenir des portes de l’enfer où il se trouve désormais ? Ou sera-t-il condamné à un très long purgatoire avant de retrouver l’éclat de ses années de gloire ? Si tant est qu’il sera capable un jour de reprendre la roue des « grosses pointures » du championnat de France dont les budgets se chiffrent en centaines de millions d’euros. De toutes façons, le club vit aujourd’hui la fin d’une époque.
Il y a eu l’époque où tout semblait possible pour qui avait le feu sacré, sans considération des réalités financières et professionnelles les plus basiques. Les années 70 nous font encore rêver, quarante ans plus tard, finaliste de la Coupe d’Europe en 1978, vainqueur de la Coupe de France en 1981. Mais elles sont révolues.
La force du club a été de le comprendre, et de construire un modèle économique et sportif qui lui a permis, avec des hauts et des bas, de maintenir son rang parmi les quarante meilleures équipes françaises, celles des Ligues 1 et 2 du championnat de France, et plus souvent en Ligue 1 qu’en Ligue 2.
Régulièrement en compétition pour le maintien en Ligue 1, ou pour l’accession durant les années de Ligue 2, le Sporting a durant les années 90 et 2000 pris son rang dans le «ventre mou» du football hexagonal, souvent avec brio.
Le « business model » de cette période est bien connu : budget minimum (régulièrement le plus faible de la Ligue 1), public maximum (même avec ses excès regrettables, il reste l’arme numéro un du club, celle qui attire les sponsors et les bons joueurs au-delà du raisonnable économique), et gestion avisée, dans les recrutements (le Sporting a su faire régulièrement de bonnes affaires pour se refinancer comme avec Mickaël Essien), et aussi dans le réalisme de comptes qui ne s’écartaient pas de l’équilibre.
Cette période a été marquée par des hauts et des bas, et par un drame, celui de la tribune de Furiani qui s’est effondrée en entraînant des centaines de supporters dans l’horreur, alors que le club disputait la demi-finale de la Coupe de France contre Marseille, le club français numéro un de l’époque.
Relégué en Ligue 2, le club se relèvera de ses blessures, et la période qui a suivi a coïncidé avec la révélation d’un entraîneur désormais renommé, Frédéric Antonetti, qui, de 1994 à 2001, a fait ses premières armes à Bastia. Avec lui le club a retrouvé la Ligue 1, et même la première moitié du classement, au même rang que bien des équipes bien mieux dotées budgétairement.
La dernière période a commencé tambour battant après une relégation du club en National à la fin des années 2000.
Une nouvelle équipe dirigeante reprend le flambeau du club, conduite par Pierre Marie Geronimi, recrute un nouvel entraîneur emblématique, Frédéric Hantz, et bénéficie du sponsoring d’une des entreprises les plus actives sur ce plan en France, Oscaro.com, dirigée par Pierre Noël Luiggi. La machine repart plein pot, retour en Ligue 2 dès la première année, puis en Ligue 1 après une nouvelle année à peine et après avoir gagné le titre de l’année 2012 en Ligue 2. Le public exulte, parfois un peu trop, mais cela forge aussi l’identité du club dans un sport où le profil «mauvais garçon » n’est pas toujours malvenu. Souvenons-nous par exemple d’Eric Cantona.
Dans les années 2014 à 2016, la machine s’est déréglée. Première alerte en 2015, le club est d’abord relégué en National, puis repêché grâce à la vente d’un de ses meilleurs joueurs de l’époque, Ryad Boudebouz qui bouche un trou de 1,3 millions d’euros.
Deux ans plus tard, Pierre Noël Luiggi, sponsor principal et animateur du collectif de repreneurs qui veut sauver le club de la faillite annonce que le déficit auquel il faut faire face désormais s’élève à 20 millions d’euros ! Aussi le challenge est particulièrement compliqué car le trou qui a été creusé est abyssal.
Dix entrepreneurs corses se coalisent avec Pierre Noël Luiggi et Frédéric Antonetti et apportent en catastrophe la garantie de 5 millions d’euros d’argent frais. Pierre Noël Luiggi explique: « Il y a 20 millions de dettes dont 10 millions de dettes publiques, URSSAF, etc. Nous amenons 5 millions de suite, les dettes publiques sont étalées sur 3 ans, nous avons un projet extrêmement solide sur le plan financier. […] Ce sont de nouvelles forces qui arrivent. Il y a beaucoup d’espoir. » Mais pour cela il faut impérativement que le club reste en Ligue 2 pour bénéficier de 7 à 8 millions d’euros de droits TV indispensables pour apurer sa dette.
Or les choses ont déjà été très loin. Le championnat reprend dans quelques jours, la relégation en National est effective, et le club a été remplacé au sein de la Ligue 2.
Mais quatre clubs de Ligue 2 (AC Aiacciu, Gazelec d’Aiacciu, FC Tours et Paris FC) montent à leur tour au créneau : si le projet de reprise de Bastia est crédible, il est possible au vu des règlements de jouer la saison avec 21 clubs et non 20. Pierre Noël Luiggi espère encore que la Fédération Française de Football entende son appel :
«Nous arrivons tard car les dirigeants sortants sont passés tard devant la DNCG et n’étaient pas prêts à laisser la place. On veut reprendre le club de Bastia. On sait très bien qu’avec une nouvelle gestion, on n’aura plus d’incidents, de débordements. On arrive tard, mais avec un vrai projet. Pourquoi couper la tête de Bastia parce qu’on arrive un peu tard? »
Le Sporting Club de Bastia est prêt à changer d’époque. Les instances du football français lui en laisseront-elles l’occasion? Et saisiront- elles cette opportunité pour le football français «qui a besoin de diversité, de dynamisme, et où les petits territoires ont aussi leur place» comme le souligne Pierre Noël Luiggi ?
François Alfonsi.