Le GECT, outil innovant pour l’avenir en Méditerranée

Le 10 avril dernier se tenait à Bastia, à l’initiative de l’Office des Transports de la Corse, un séminaire de travail entre les régions Corse, Sarde, Ligure, Toscane, Var, pour la mise en place d’un Groupement Européen de Coopération Territoriale en Méditerranée sur la question des transports.

 

Elus institutions européennes ou françaises, compagnies de transports, chambres de commerce et d’industrie, et même un amiral, il y avait du beau monde à Bastia ce 10 avril, pour aborder ces différentes problématiques !

L’Office des Transports de la Corse a été désigné par la Région Autonome de Sardaigne, la région Toscane, les autorités portuaires de Sardaigne et de Ligurie, ainsi que les Chambres de Commerces et d’Industrie du Var, de la Haute-Corse et de la Corse du Sud, chef de file pour la mise en place d’une démarche «Gestion Européenne Conjointe des Connexions et Transports pour les Îles ». Un projet de près de 2M d’euros dans sa première phase qui vise à créer un Groupement Européen de Coopération Territoriale (GECT) dans le cadre du programme France Italie Maritime. L’objectif : identifier les liaisons et les modes de transport à renforcer ou à créer pour relier ces régions de Méditerranée occidentale, tout en prenant en compte l’impératif environnemental.

On ne peut détacher en effet la question des transports de celle de leur impact sur la nature, notamment eu égard à l’utilisation de combustible fossile extrêmement nocif pour la santé humaine et pour l’environnement. Et ce, d’autant plus que ces modes de transports sont de plus en plus innovants. Navires à gaz ou à hydrogène, avions ou bateaux solaires, ferries à voile, « nous ne réussirons pas notre transition énergétique sans la prise en compte de cette question des transports. Et nous ne réussirons pas notre mutation dans les transports, sans prise en compte de la nécessaire transition énergétique » ai-je rappelé en tant que présidente de l’Agence d’aménagement durable, de l’urbanisme et de l’énergie de la Corse (AUE).

Les transports occupent en effet une place considérable dans le développement de nos sociétés, particulièrement dans une île, et particulièrement dans une île au cœur de la Méditerranée. Ils représentent 40% de la consommation d’énergie finale pour la Corse qui subit les rejets de gaz à effet de serre évalué à 2M de tonnes de Co2 par an. Avec ce projet de GECT, il s’agit de créer une « continuité territoriale transfrontalière », premier exemple en Europe. Une démarche pilote donc qui pourra inspirer d’autres territoires transfrontaliers au bénéfice d’un développement durable et des populations des territoires concernés. Autant dire que l’Europe s’intéresse de près au projet.

Qu’est-ce qu’un GECT ?

Il existe déjà un GECT en Méditerranée intéressant la Corse, même s’il peine à se déployer*. Le GECT du Parc Marin International des Bocche di Bonifaziu, avec un but purement environnemental cette fois : unir la réserve naturelle des Bocche di Bonifaziu et le Parco Nazionale della Maddalena, dans un objectif de protection de leur biodiversité commune et de recherches scientifiques sur ces aires marines protégées, quotidiennement menacées eu égard au trafic de matières dangereuses dans le détroit international de Bonifaziu pour la navigation maritime.

Les GECT sont des outils qui permettent de dépasser les obstacles juridiques et techniques du fait de législations différentes entre deux États européens, pour offrir un « statut particulier » facilitateur aux structures concernées et harmoniser les interventions de part et d’autre de la Méditerranée. Pour notre majorité qui aspire à tenir un rôle en Méditerranée, c’est donc un outil à privilégier Et pour la question des transports, l’intérêt est évident. La structure juridique à monter sera complexe, compte tenu de la pluralité des acteurs, mais le besoin est criant. « La carence des transports entre la Corse et la Sardaigne engendre une difficulté de communication et d’échanges tant pour les personnes que pour les biens, empêchant la création d’un développement territorial transfrontalier et nécessitant donc une desserte renforcée » a expliqué Jean Félix Acquaviva, président de l’Office des Transports de la Collectivité Territoriale de Corse. La mise en place d’un « véritable espace d’échanges économiques inter-îles et entre chaque île et le continent de l’autre État est d’un intérêt majeur » pour l’OTC. L’office a justement conclu avec la région sarde un contrat de Délégation de Service Public pour une « continuité territoriale transitoire » entre les deux îles. Il a également réalisé une étude de faisabilité sur les possibilités de renforcer les liaisons entre le sud de la Corse et le nord-ouest de la Sardaigne. L’étude a mis en évidence le potentiel de cette liaison entre les deux îles, notamment pour les frets vers la côte sud de Méditerranée. Renforcer les liaisons entre Corse et Sardaigne, mais aussi développer d’autres destinations dans le cadre de la « continuité territoriale transfrontalière» à mettre en œuvre, dans un objectif de dynamique économique partagée, tels sont les objectifs clairement affirmé.

Potentialités du GECT pour les acteurs du transport, concept « d’autoroutes de la mer », coopération en Europe, connexion entre les îles, mais aussi géopolitique, entre guerres et récession, dans un monde en crise et en pleine mutation, autant de sujets abordés durant cette journée très enrichissante.

Enfin, des projets innovants ont aussi été présentés : le «métro aérien », envisagé encore par l’OTC, se voulant comme un « pont » entre les différentes îles et régions, de sorte à réduire le coût et les contraintes de nos régions, par la mise en place de lignes intérieures, souples, quotidiennes, traduisant une volonté politique nouvelle ; et le projet Hyperloop, présenté par Femu Quì Ventures (voir ici). Encore une belle coopération en perspective avec nos amis sardes ! Aménagement, urbanisme, énergie, transports… autant de sujets qui nous permettent de raisonner de plus en plus en termes de « bloc corso-sarde ».

La nouvelle majorité à la CTC continue donc de développer une politique offensive en matière de transports afin «d’apporter aux îles méditerranéennes, et à la Corse en particulier, un destin autre que celui de marchés de consommation et de destinations touristiques saisonnières ». Toscane à l’Est, Sardaigne au Sud, mais aussi Baléares et Barcelone à l’Ouest, la Corse travaille à son rayonnement méditerranéen. Avvanzzemu.

Fabiana Giovannini.

* Le GECT PMIBB est un bel exemple de coopération. Il est malheureusement en panne pour des raisons qui ne lui sont pas propres : le Parco della Maddalena étant actuellement sous tutelle de Rome du fait d’une crise politique au sein de la structure qui l’a fragilisé. Côté Corse aussi, il faut bien le dire, l’ancienne mandature a laissé passer le train de la concrétisation d’une pourtant belle idée qu’elle avait portée. L’intérêt du GECT PMIBB est évident et l’on espère qu’il pourra enfin se développer dans les prochains mois.