Conseiller Territorial Femu a Corsica, Julien Paolini est Maitre de Conférences à l’Università Pasquale Paoli. Il a notamment travaillé sur l’activité des Euphorbes de Corse pour lutter contre le virus Chikungunya. Il siège entre autres organismes à la Commission du Développement économique de l’Assemblée de Corse, au Conseil d’Administration de l’Office de l’Environnement et de l’Office de Développement agricole et rural de la Corse. C’est dire son implication quasi quotidienne dans ses charges d’élu, pour agir en des domaines qui le passionne, l’environnement, la préservation des terres agricoles, la lutte contre les conséquences du réchauffement climatique. Il a remporté brillamment l’élection municipale à Petrosu avec son binôme, François Martinetti et ils seront sous peu à la tête de la commune. Il nous livre son sentiment sur la crise et ses conséquences.
Notre île est plongée dans une crise sans précédent, aux conséquences multiples, sanitaires, économiques et sociales, mais aussi environnementales. Votre sentiment sur la Corse d’après?
Avant de parler de la Corse d’après, nous devons établir un premier constat sur les causes qui ont conduit à cette crise inédite, mais prévisible au regard des alertes épidémiques précédentes (grippe aviaire, MERS, Ebola). Nous constatons que de nombreux pays étaient mieux préparer que la France pour lutter contre le virus. La sécurité sanitaire doit être au coeur du projet de société en mobilisant des moyens de surveillance, de détection et de traitement pour lutter contre les prochaines et probables émergences épidémiques. Des investissements importants dans la Santé et la Recherche sont aujourd’hui indispensables afin de relever un défi majeur : résister à l’ère pandémique.
Ce virus n’est-il pas le fruit aussi de nos modes de vie empiriques?
Les scientifiques s’accordent sur les facteurs qui ont contribué à la propagation rapide du virus à l’échelle mondiale. Nous pouvons notamment citer l’augmentation de la démographie, l’urbanisation galopante ou encore l’accroissement du transport de personnes et de marchandises.
À cela il faut ajouter l’élevage intensif, la perte de biodiversité et la dégradation des écosystèmes qui favorisent les contacts entre l’Homme et les animaux, potentiellement porteurs de microbes.
On nous dit qu’il va falloir apprendre à vivre avec le virus. Qu’en pensez-vous?
Les épidémiologistes s’interrogent encore sur la capacité du virus à perdurer dans le temps et à résister aux «beaux jours ». Ce qui est certain c’est qu’il va falloir s’adapter à un accroissement global du risque épidémique. Par exemple, le moustique tigre – vecteur de virus dangereux pour l’Homme – s’est considérablement étendu dans le bassin méditerranéen, en raison du réchauffement climatique. En Corse, les alertes sanitaires et leurs incidences économiques ont été nombreuses dans le règne végétal et animal: la fièvre catarrhale ovine, le cynips du châtaignier, la Xylella fasdidiosa, ou encore la peste africaine qui menace actuellement les porcs du monde entier.
Quelle adaptation pour quel changement faudra-t-il opérer?
La Corse doit accélérer sa transition écologique en engageant d’importantes réformes pour d’une part, amortir la crise actuelle, et d’autre part, augmenter sa résilience. Pour cela, l’autonomie est la voie à privilégier afin de réguler nos échanges avec l’extérieur en fonction des priorités sanitaires et des enjeux environnementaux.
La protection de l’environnement et la préservation de la biodiversité doit se décliner dans tous les domaines stratégiques. À titre d’exemple, il faut maintenir la diversité génétique des races et variétés traditionnelles dans l’agriculture, car elles sont susceptibles d’être naturellement immunisées contre les infections. Il faut également poursuivre les efforts engagés pour l’accès à l’eau, la limitation des pesticides, la labellisation des produits ou encore la valorisation des espaces naturels. En matière de transport et d’énergie, le développement de partenariat public-privé, la mise en place d’indicateurs pertinents et d’aides éco-conditionnées doivent permettre de maîtriser les flux et privilégier le juste échange.
Le «Green pass » qu’est-ce que c’est? Pourquoi suscite-t-il tant de débat?
Le «Green Pass » est un passeport sanitaire; son principe consiste à demander à tout individu qui souhaite venir en Corse de réaliser un test moléculaire avant son départ. Les avantages d’un tel certificat sont d’une part, de limiter les risques sanitaires inhérents à la reprise des activités économiques et touristiques durant la saison estivale, et d’autre part, de sécuriser les Corses et les visiteurs en faisant de la Corse une destination confiance. À présent, la mise en oeuvre de ce dispositif nécessite de mener une concertation élargie afin de lever les craintes et les contraintes juridiques voire éthiques.
Enfin, en qualité de futur maire de Petrosu, comment avez-vous accompagné les habitants dans cette période de confinement?
À ce jour, nous n’avons pas pu installer le conseil municipal. J’exercerai prochainement la fonction de maire durant trois ans puis François Martinetti prendra la relève jusqu’à la fin du mandat. L’absence d’existence légale, ne nous a pas empêché de faire fabriquer et distribuer des masques lavables et d’assurer la livraison de produits alimentaires et pharmaceutiques.
Durant la période estivale, nous serons très vigilants au respect des mesures barrières et de distanciation afin d’assurer la protection des habitants. Nous nous efforcerons également de préparer la rentrée scolaire dans des conditions optimales pour les enfants et les personnels.