Les socialistes allemands ont décidé de continuer de gouverner avec Merkel et les Italiens se sont donnés aux eurosceptiques et à l’extrême droite. Ce dimanche 4 mars 2018 sonne le glas d’une (certaine) gauche européenne.
La GroKo en Allemagne !
Dimanche dernier, les adhérents du parti social-démocrate allemand (SPD) devaient dire s’ils acceptaient ou non de rentrer dans une nouvelle grande coalition avec Angela Merkel. Avec 66% des suffrages exprimés, le SPD a décidé de retourner au pouvoir avec Merkel malgré la défaite électorale.
Pourtant, au soir de la raclée aux législatives du 24 septembre dernier (20,5% plus mauvais score du SPD depuis 1945), Martin Schulz, le candidat tête de liste du SPD, avait annoncé qu’après 2 expériences de GroKo, diminutif de Grande Coalition en allemand, avec Merkel (de 2005 à 2009 et de 2013 à 2017), il était temps que le SPD rejoigne les bancs de l’opposition pour se refaire une santé et réfléchir comment un parti au pouvoir de 1998 à 2005 avec +/- 40% des voix avait pu tomber si bas.
Mais le refus des libéraux de former une coalition ‘‘jamaïcaine’’ (en référence aux couleurs du drapeau caraïbéen CDU/CSU de Merkel (noir), FDP libéral (jaune) et Grünen écolo (Verts)) a contraint le SPD à rester au pouvoir et à boire le calice jusqu’à la lie.
Cette GroKo est probablement la meilleure option à court terme pour la stabilité du pays et de l’Europe. Les 2 partis, étant très pro-européens, ont décidé de faire de l’Europe le cœur de leur accord politique. Mais elle risque d’être fatale aux socialistes allemands, à moyen terme, car ils ne pourront pas se remettre en question, eux qui n’ont toujours pas fait le bilan des catastrophiques réformes Schroeder (2003-2005) qui a libéralisé le marché du travail et fait exploser la pauvreté en Allemagne. Et surtout, à long terme, elle pourrait mettre en danger le projet européen si, entre droite et gauche, il n’existe plus aucune différence quelque soit le vote des électeurs.
Les eurosceptiques majoritaires en Italie !
Ce même dimanche, les Italiens étaient appelés aux urnes pour élire leur nouveaux députés et sénateurs. Et là aussi, la gauche s’effondre. Avec moins de 19% des voix, le PD (Partido Democratico) s’effondre (-10 points par rapport aux législatives de 2013, -21 points par rapport aux européennes de 2014) et ce n’est pas l’appui des quelques petites listes de gauche qui l’aidera à gouverner.
En réalité, c’est le Movimento 5 stelle (M5S), parti eurosceptique, qui a remporté les élections avec près d’un tiers des voix (32,5%) mais la complexité du mode de scrutin électoral italien, qui favorise les coalitions pré-électorales, donne à la coalition de ‘‘centre-droit’’ (sic), qui réunit le parti de Berlusconi (Forza Italia 14%) et la Lega Nord (parti d’extrême-droite 17,5%), la place de première force politique du pays et donc la possibilité de gouverner. Et si les résultats confirment que la Lega est plus forte que Forza Italia, Matteo Salvini, le patron de la Lega qui siège avec le FN au Parlement européen, pourrait devenir Premier Ministre.
En attendant, en absence de majorité claire, aucun scénario n’est à exclure, surtout en Italie ! On pourrait avoir un gouvernement minoritaire de droite ou du M5S. On pourrait même avoir, ou plutôt conserver, une GroKo (PD, Forza Italia mais aussi la Lega et quelques listes de gauche et de droite pour former un gouvernement stable le temps de réformer la loi électorale incompréhensible). On pourrait retourner aux urnes ou avoir un gouvernement eurosceptique avec une alliance inédite MS5-Lega qui ne manquerait pas de faire trembler l’establishment italien comme européen.
L’Europe en danger !
Dimanche, après la Hongrie, la Pologne, l’Autriche et la République Tchèque, et abandonnée par l’Europe, notamment sur l’épineuse question de la crise migratoire et sur la lutte contre la crise économique et sociale, l’Italie, pourtant pays fondateur de l’UE et historiquement europhile, a tourné le dos à Bruxelles et rejeté les partis traditionnels. Et malgré les conséquences électorales, difficile de lui donner tort, aujourd’hui.
Les résultats électoraux se succèdent et se ressemblent pour la gauche social-démocrate européenne. Après le PASOK (Grèce), le PSOE (Espagne), le PvdA (Pays-Bas), le PS (France), c’est au tour du PD (Italie) et du SPD (Allemagne) de s’effondrer, même si ce dernier reste au pouvoir à Berlin. En réalité, cette gauche devenue libérale politiquement et néolibérale économiquement, n’avait plus rien de ‘‘gauche’’ et sa disparition n’est pas une perte en soi.
Cependant, en s’effondrant aussi brutalement, elle laisse un boulevard à 2 idéologies tout aussi dangereuses l’une que l’autre pour les nations sans État, les peuples et les minorités d’Europe : l’euroscepticisme (de gauche ou de droite) qui mène à un retour des États-nations et un néolibéralisme européen qui nous enfonce dans la crise.
Il y a urgence à construire une autre Europe qui soit véritablement démocratique, durable et diverse : une Europe des peuples !
Roccu GAROBY
Vice-Président de l’Alliance Libre Européenne Jeune