Dans la longue série des scandales révélés au sommet de l’État, de septennat en quinquennat, celui des fonctions occultes de ce factotum répressif de 26 ans, officiellement responsable de la sécurité dans le cabinet du Président, probablement « homme à tout faire » en contact direct et permanent avec Emmanuel Macron, restera dans les annales.
L’édifice qui est ébranlé par la révélation des agissements incontrôlés d’Alexandre Benalla n’a pas fini de subir les conséquences de la secousse provoquée par la diffusion, deux mois et demi après les faits, d’une vidéo le montrant en train de molester brutalement des manifestants pacifiques au milieu de forces de l’ordre rendues inertes par son statut de « protégé du Président ».
Mi-barbouze, mi-favori de la cour présidentielle, Alexandre Benalla apparaît en toutes occasions, sur les photos publiées par la presse, auprès du Président, l’oreillette vissée et la dégaine virile : à vélo, au Salon de l’Agriculture, recevant les champions du monde de football, etc. Son statut « hors norme », qui en impose aux ministres et aux gradés les plus haut placés de la hiérarchie policière, alors qu’il a à peine 26 ans et aucune compétence particulière, est révélateur d’un pouvoir discrétionnaire alimenté depuis le sommet de l’État.
La Chambre des députés est la caisse de résonnance de ce scandale, à travers une commission d’enquête concédée à contrecoeur par la majorité parlementaire qui soutient le Président. Depuis, c’est la valse des auditions publiques, ministre de l’Intérieur en tête. Les plus hauts gradés de la Préfecture de police de Paris, qui avaient doté le nervi officiel de l’Élysée d’un casque, d’un badge et d’un talkie-walkie indispensables à l’accomplissement de sa bavure, se défaussent sur son « autorité hiérarchique », à savoir le chef de cabinet d’Emmanuel Macron, Patrick Strzoda qui s’en trouve menacé de démission.
Accaparée par ce scandale à répétition, et incapable de légiférer sereinement, l’Assemblée a même décidé de renvoyer à septembre l’examen de la loi de révision constitutionnelle qui devait être achevé avant l’été. C’est dire si le retentissement est considérable !
Le sommet de l’État subit de plein fouet un « effet papillon» dont on ne sait plus où il s’arrêtera, parti d’un simple fait divers pour devenir une affaire d’État de portée internationale. Comme l’avait été, en son temps, le fameux Watergate.
La Corse, qui a connu des barbouzes qui maniaient bien plus que des coups de poing et qui sont allés, sortant des Préfectures, jusqu’à attenter à la vie de militants démocratiques, aurait bien aimé que pareil scandale éclatat quand il a été mis à jour, particulièrement lors de l’affaire Bastelica Fesch. Mais tout a été étouffé pour que jamais la vérité ne soit connue.
Dans le grand déballage de l’affaire Benalla, aucun « organe vital » de l’État n’est en cause. Quelques fusibles sauteront, la fièvre politique et médiatique finira par retomber. Ne restera que la courbe sondagière que chacun scrutera au fil des semaines et des mois.
En attendant, nous avons confirmation que la France est de plus en plus sous un régime «présidentiel absolu», et que la nature du pouvoir pyramidal, tel que le conçoit tout bon jacobin, est plus que jamais présente. Les contre-pouvoirs sont alors réduits au silence, y compris la haute administration policière, et Emmanuel Macron vient subitement de révéler sa vraie nature. Celle d’un « bonapartiste » assoiffé de pouvoir personnel.
F.A.