Après une première session consacrée à la lutte contre la progression de la pandémie et les mesures d’urgence mises en place pour endiguer la vague qui menaçait de submerger l’île, la Collectivité de Corse a engagé la deuxième phase de son action alors que le confinement de 55 jours a permis d’enrayer la contagion. Mais la sortie du confinement demandera beaucoup de mobilisation et d’intelligence collective.
La Collectivité de Corse est sans doute une des Collectivités Territoriales les plus mobilisées en France pour lutter contre la crise sanitaire du Covid-19. Parce que la Corse a été particulièrement touchée en ayant été un des premiers foyers d’infection répertoriés en France, à Aiacciu, et en subissant encore plus qu’ailleurs des conséquences économiques gravissimes. Les statistiques montrent que la Corse est d’ores et déjà la région la plus impactée.
Et les mois qui viennent, habituellement les plus productifs en raison de la saison touristique, vont accentuer mécaniquement l’amplitude statistique de la crise économique à venir.
L’ambition du Conseil Exécutif est de « co-construire avec l’État la stratégie de sortie progressive et maîtrisée du confinement (…) pour l’adapter et la compléter chaque fois que les intérêts propres de la Corse lui paraissent de nature à l’exiger, notamment dans les domaines sanitaire et économique. »
L’efficacité du confinement est avérée.
Trois semaines est le « pas de temps » selon lequel un malade développe la maladie, incubation puis symptômes, jusqu’à sa guérison… ou son hospitalisation pour les cas les plus graves. 400 personnes au total pour l’île ont été ainsi hospitalisées, dont une cinquantaine sont décédées malgré les soins prodigués, tandis que quinze autres mouraient en EHPAD avant même d’avoir été prises en charge par l’hôpital. Au début du confinement les urgences accueillaient dix nouveaux malades en situation grave tous le jour ; à la fin du confinement, après la troisième «période » de la maladie passée en mettant la société à l’arrêt, les urgences n’accueillaient plus aucun cas nouveau, signe que la circulation du virus a bel et bien été bloquée. L’enjeu du « déconfinement » à venir est qu’il en soit ainsi de façon définitive, alors que la vie et les échanges reprennent progressivement leur cours normal.
C’est ce même «pas de temps » de trois semaines qui rythmera le plan décidé par la CdC. Après le 11 mai, une première étape est fixée au 23 juin, six semaines après, afin de vérifier que la population intra muros sur l’île est bien «Covid free» désormais malgré l’agitation de la vie retrouvée. Commencera alors la « phase deux », celle des échanges avec l’extérieur, et donc de risques nouveaux d’introduire le virus par une visiteur extérieur.
La différence avec le début de la maladie est que ces « cas nouveaux » seront attendus de pied ferme et que tout sera fait pour qu’il n’arrive pas de nouveaux foyers d’infection, ou de façon très limitée, aussitôt détectée, et « tracée» pour exercer la surveillance et l’isolement systématique de tout l’environnement, familial, professionnel ou de voisinage que ce cas nouveau aurait pu infecter à son tour. C’est la force et la fiabilité de cette barrière sanitaire qui permettra ou non d’espérer, pour le coeur de l’été, un semblant de saison touristique apte à « sauver les meubles » de l’économie corse.
Pour la période immédiate à venir, celle de la phase 1 du déconfinement, la plus value apportée par la CdC a consisté à réussir à apporter à la population les moyens de se protéger par elle-même.
Tout le monde est sur le pont. La CdC elle même a fait venir à ses frais et par ses propres réseaux cinq millions de masques sur l’île, deux millions début avril qui ont permis de pallier les carences béantes de l’État pour fournir les personnels soignants, notamment dans les EHPAD, et trois millions d’une nouvelle livraison pour équiper la population qui désormais sortira de chez elle quotidiennement ; et, au delà de la CdC, des mairies, des organismes comme l’Office public HLM qui a trouvé grâce au mécénat de quoi équiper tous les locataires de son parc, et mille initiatives individuelles et collectives ont fleuri partout en Corse.
Un autre axe de mobilisation est celui des tests généralisés pour détecter d’éventuels porteurs du virus. Ces tests sont des outils dont il faut massifier l’usage afin de ramasser la totalité de ceux qui sont encore porteurs du virus dans les filets du dépistage. Et plus les filets seront étendus, moins le risque sera là qu’un nouveau « cluster local » puisse se déclarer. Et s’il se déclare, il faudra aussitôt remonter au « patient zéro » et faire autour de lui une campagne systématique de détection et d’isolement. Il y a aussi le risque qu’un malade qui s’ignore passe à travers les mailles du filet, et aussi, car ces tests restent limités en performance, que des « faux négatifs » restent dans la nature, contaminés mais non identifiés bien qu’ils aient été testés. Durant six semaines, deux « périodes » de la maladie, cette chasse au virus devra avoir été totale, et la Corse pourra alors se présenter, dans l’ensemble français et pour l’Europe, comme un territoire sans coronavirus, comme une destination totalement «Covid free ».
Puis viendra la période cruciale de l’ouverture aux visiteurs, condition sine qua non de la reprise d’une activité touristique.
Il n’y aura de touristes prêts à venir en Corse qu’à condition d’être certains qu’ils n’y contracteront pas la maladie. Et le paradoxe est que cette fréquentation extérieure sera évidemment la source de risques nouveaux. Pour les empêcher, ou les limiter au maximum à des cas très marginaux qui ne viendront pas faire s’écrouler l’image générale de « territoire sain» que l’île doit impérativement conserver, la Collectivité de Corse a décidé d’envisager qu’un « green pass » soit demandé à tout visiteur, établissant par une détection réalisée en amont à son domicile, qu’il n’est pas porteur du virus. C’est la nature même d’une île de pouvoir mettre en place une telle précaution, au moment d’embarquer sur un avion ou un ferry, alors que les destinations touristiques continentales, accessibles par tout mode de transport, ne pourront le faire. Et c’est un moyen de se donner le maximum de chances pour que l’image d’une Corse exempte de risque de rebond de la maladie s’installe de façon fiable dans les médias français et européens.
C’est dans ce contexte que la question de réouverture des écoles a été abordée par la Collectivité de Corse, suite à la décision du gouvernement d’y procéder dans toute la France. Tout d’abord en regardant ailleurs, notamment autour de nous en Méditerranée, où la rentrée scolaire a été partout renvoyée à la fin de l’été. Ensuite en prenant l’avis du Conseil scientifique qu’elle a mis su pied avec des spécialistes corses de renom exerçant dans plusieurs CHU du continent : avis négatif. Puis en consultant les maires dont le territoire accueille des établissements scolaires : avis très majoritairement négatifs là encore. D’où la décision de se prononcer pour un report de la rentrée scolaire en septembre, et pour appuyer tous les élus qui en décideront ainsi sur l’île.
La Collectivité de Corse, « institution garante des intérêts matériels et moraux de la Corse et de son peuple », fait en sorte de peser sur la gestion de la crise sanitaire que nous traversons, en bonne coopération avec les services de l’État, et en prenant toute sa place dans les décisions et les dispositifs à mettre en place pour donner aux Corses et à la Corse la possibilité de sortir les moins meurtris possibles par l’épidémie qui s’est répandue dans le monde entier.
Le 23 juin commencera la «phase trois » de la lutte contre la pandémie et ses effets sur l’île.
L’Assemblée de Corse délibérera alors sur la base d’un nouveau rapport de l’Exécutif, et des données que ses services auront rassemblées pour évaluer le degré de réussite de la «phase deux » qui commence.
Sera alors venu, si tout va comme on l’espère, le temps du «plan de relance (qui) devra nécessairement prendre en compte les éléments pour opérer les changements en profondeur de l’appareil productif, notamment en favorisant les projets d’investissement dans les domaines du numérique, de la santé et du développement durable dans l’île (…) Il faut préparer dès à présent la stratégie d’investissement car les secteurs du sanitaire, des circuits courts agroalimentaires, la transition du secteur touristique et l’autonomie numérique nécessitent de mobiliser des crédits au plus tôt pour contrecarrer le choc systémique. »
François Alfonsi.