L’économie face au Covid19

Les îles particulièrement vulnérables

Onze députés européens originaires d’îles de différents États de l’Union Européenne, issus de différents groupes du Parlement Européen, dont François Alfonsi, pour la Corse, ont adressé un courrier conjoint à la Présidente de la Commission Européenne, au Président du Conseil Européen et au Président du Conseil de l’Union Européenne, pour les alerter sur le caractère particulièrement grave de la crise économique qui s’annonce dans les espaces insulaires suite à la pandémie du Covid-19.

 

Madame la Présidente de la Commission, Monsieur le Président du Conseil européen, Monsieur le Président du Conseil de l’Union européenne,

La crise sanitaire qui frappe l’Europe va générer une crise économique gravissime, qui, pour être surmontée, demandera beaucoup d’efforts et de solidarité, à l’égard des populations qui seront les plus impactées, et aussi en considérant les territoires dont la structure économique est telle que les impacts prévisibles y sont très importants.

Cela est particulièrement vrai concernant les îles. En effet, les économies insulaires connaissaient, selon les statistiques les plus récentes d’Eurostat (2018), un déclin économique par rapport aux autres régions. La crise sanitaire que nous traversons va aggraver très lourdement cette tendance, et elle peut même provoquer l’effondrement économique des espaces insulaires s’ils ne sont pas suffisamment soutenus.

Plusieurs raisons à cela.

La première – et la principale – est que le tourisme est une activité fondamentale pour toutes les îles, particulièrement en Méditerranée. Or le tourisme est l’activité économique qui sera la plus touchée par les conséquences de la pandémie, puisqu’elle est, pour les îles, entièrement dépendante des transports aériens et maritimes qui sont totalement à l’arrêt, et qui le resteront très probablement jusqu’à la fin de période de plusieurs mois qui s’annonce avant que le déconfinement ne soit total en Europe.

De ce fait, le tourisme sera la dernière activité économique qui pourra être relancée, et il n’est pas certain que cela pourra intervenir avant la fin de l’été. Une « saison blanche » pour le tourisme serait pour tous les territoires insulaires une crise insurmontable si des mécanismes de solidarité renforcés ne sont pas mis en œuvre.

En effet, dans les zones du « tourisme de proximité », à portée de voiture individuelle, les professionnels peuvent espérer une reprise progressive dès l’instant que le confinement s’allègera. Mais les îles sont par définition tributaires pour leur tourisme des transports maritimes (y compris le secteur des croisières) et surtout aériens, qui sont des transports collectifs ; pour elles il n’y aura pas de transition possible permettant de « limiter la casse ». Enfin, nos économies insulaires sont tributaires du tourisme proportionnellement bien davantage que toutes les autres économies régionales. Cette fragilité « endémique » doit être prise en compte par les mécanismes de solidarité que les États, avec le soutien des fonds européens, vont mettre en œuvre. Cependant, dans cette situation d’urgence mondiale, nous demandons de préserver et de maintenir les fonds inutilisés déjà réservés aux îles dans le budget 2014/2020. En particulier, il convient d’éviter de transférer des sommes d’argent vers d’autres régions plus touchées par le coronavirus mais mieux équipées en termes d’infrastructures et de réseaux industriels développés.

La seconde raison tient à la fragilité potentielle d’activités qui, dans un cadre insulaire, ont une importance vitale. Cela concerne bien sûr tous les approvisionnements, qui dépendent très souvent d’une seule compagnie que la crise pourrait précipiter vers la faillite, ou les gestionnaires d’infrastructures vitales. Tout cela doit être pris en compte par les dispositions que prendront la Commission Européenne et les États membres dans le cadre des fonds d’urgence qui seront mobilisés. Tous les services publics sont à surveiller de près : lignes aériennes, approvisionnement en carburants, établissements de santé, etc.

À cet égard, nous apprécions les efforts déployés par la Commission pour lancer un cadre temporel permettant à des aides d’État plus importantes de circuler pendant la crise afin de sauver les entreprises européennes. Nous proposons que, une fois la crise passée, certains de ces changements (tels que les limites de la règle de minimis modifiées par le cadre temporel) restent en vigueur, au moins pour les régions insulaires, car ils contribueraient à surmonter le désavantage concurrentiel causé par l’insularité pour les industries insulaires.

Les députés européens soussignés, issus de territoires insulaires et regroupés dans l’Intergroupe SEARICA, alertent les autorités européennes : nos régions sont à la fois beaucoup plus fragiles et beaucoup plus impactées par la crise du Covid-19. Chaque territoire insulaire est menacé d’un effondrement économique général.

Nous demandons, en complément des premières mesures déjà adoptées pour l’ensemble des régions européennes impactées par le Covid-19, des mesures d’urgence spécifiques et un mécanisme de solidarité renforcé et adapté pour prévenir, et limiter, la crise économique majeure qui s’annonce dans les Iles de l’Union Européenne.

 

P.S. : En sus des problèmes causés par la pandémie du coronavirus, certaines îles de la Méditerranée ont été confrontées à un afflux de migration qui affecte le développement normal de leurs systèmes de protection sociale. Nous devons également intégrer une solution à ce problème dans les politiques qui seront élaborées afin d’apporter un soutien significatif aux îles.

Respectueusement.

Alex Agius Saliba, Malte (S&D) – François Alfonsi, Corsica (Greens/Efa) – Ignazio Corrao, Sicilia (Ni) – Josianne Cutajar, Malte (S&D) – Alicia Homs Ginel, Baléares (S&D) – Costas Mavrides, Chypre (S&D) – Younous Omarjee, La Réunion (Gue/Ngl) – Demetris Papadakis, Chypre (S&D) – Tonino Picula, Île de Cres (Dalmatie) (S&D) – Alfred Sant, Malte (S&D) – Nils Torvalds, Îles Aland (Renew Europe)