Budget européen 2021-2027

Les grandes manoeuvres ont commencé

 Le 31 décembre 2020, l’actuel Cadre Financier Pluriannuel (budget européen 2014-2020) arrivera à son terme. Les grandes manoeuvres pour définir le prochain ont commencé. Les Nations sans État et les Régions pourraient être les premières victimes…

 

Une procédure lourde.

Jusqu’en 1987, le budget européen était adopté annuellement sans perspective pluriannuelle. Tous les 31 décembre, on « arrêtait les horloges » afin de tenir les délais et avoir un nouveau budget pour le 1er janvier. C’est alors que Jacques Delors, Président de la Commission européenne, a eu une excellente idée afin de faciliter les négociations annuelles et surtout de financer un projet à moyen et long terme : instaurer un Cadre Financier Pluriannuel (CFP), ou budget européen pluriannuel.

Depuis, les discussions budgétaires sont rythmées par les différents CFP (1988- 1992, 1993-1999, 2000-2006, 2007- 2013 et 2014-2020). En 2009, le Traité de Lisbonne (article 312) a même légalisé son statut. Désormais, le CFP « est établi pour une période d’au moins cinq années », il « fixe le montant des plafonds annuels de crédit d’engagement » et «de paiement ». Pour l’adopter, le Conseil vote à l’unanimité après avoir reçu l’approbation du Parlement européen qui requiert la majorité absolue des députés (376 voix sur 751 au minimum). Bref, en plus des 27 vétos des États, il y a celui du Parlement européen.

Une fois le CFP adopté, le Parlement européen et le Conseil des ministres doivent adopter environ 80 règlements pour définir le contenu des politiques et programmes européens (Pac, politique régionale, Erasmus…).

La quasi totalité des règlements est votée par co-décision (les 2 Chambres doivent adopter le même texte).

Enfin, une fois les 80 règlements adoptés, les États et les Régions doivent négocier avec Bruxelles des programmes opérationnels, notamment dans le cadre de la politique régionale, afin que les programmes régionaux respectent les règles européennes. Bref, afin que le prochain budget européen puisse commencer au 1er janvier 2021, la Commission a déjà lancé les grandes opérations…

Le poids des États. Dans cette procédure, le poids des États est immense et bien trop lourd. Avec un véto par pays, chaque gouvernement peut tout bloquer et faire du chantage pour défendre «son bébé», le tout sans vision globale de l’intérêt général européen. Ainsi, la France défend sa PAC , le Royaume-Uni son chèque , l’Europe de l’Est sa politique régionale…

Lorsque les négociations commencent les États se concentrent sur leurs priorités.

Lorsque les négociations se durcissent, les capitales défendent leurs priorités absolues. Lorsqu’on rentre dans la dernière ligne droite les gouvernements se concentrent sur un ou deux points. Comme toujours, dans ces cas-là, les nations sans État, les peuples et les minorités ne sont jamais défendus par les gouvernements des États.

Bref, pour contrer, ou du moins limiter, le poids des États, les Nations sans État ont trois axes majeurs sur lesquels travailler.

D’une part, elles doivent travailler de concert à travers une diplomatie accrue entre Nations sans État, que ce soit entre les exécutifs (Corse, Catalogne, Écosse…), au sein du Comité des Régions ou via les députés européens quand ils en ont. D’autre part, elles doivent essayer d’influencer la position des États membres avant que ceux-ci n’adoptent leur propre position. Enfin -et surtout elles doivent partir très tôt car les grandes manoeuvres ont commencé. De ce point de vue, le gouvernement corse fait le boulot malgré l’absence de député européen et les faibles moyens dont il dispose mais le poids des États va devenir de plus en plus lourd et pesant.

 

De nombreuses incertitudes. Pour négocier au mieux encore y voir clair. Et là, il y a plus de questions que de réponses. Tout d’abord, le Royaume-Uni qui comme tous les pays riches de l’Union contribue plus qu’il ne reçoit du budget européen quittera l’UE le 29 mars 2019 et laissera un trou de près de 12- 13 milliards (7,5% du budget) dans le budget européen. Comment le comblera- t-on ? Faut-il augmenter la contribution des autres États européens ? Faut il couper dans les programmes et si oui lesquels ? Ou faut-il créer de nouvelles ressources propres pour financer le budget européen (Taxe sur les transactions financières, taxe carbone, taxe sur les géants du numérique…) ?

Ensuite, dans un budget où 70% va à l’agriculture et à la politique régionale, il est difficile de trouver de nouvelles marges de manoeuvre pour de nouvelles priorités et programmes sans réformer ces deux gros blocs. Aujourd’hui, 30% des aides agricoles vont à 1% des agriculteurs qui reçoivent plus de 50 000€/an ! N’est-il pas temps de redistribuer autrement les subventions agricoles afin de développer une autre agriculture plus durable, plus traditionnelle, plus locale? De même, le saupoudrage de la politique régionale réduit son rendement et son efficacité. N’est-il pas temps de réduire les priorités pour se concentrer sur la lutte contre la pauvreté et le chômage, notamment chez les jeunes et d’investir principalement dans la lutte contre le réchauffement climatique ?

Enfin, avec des élections européennes le 26 mai 2019 (la nouvelle Commission rentrera en fonction le 1er novembre 2019), est-il démocratiquement acceptable que le Parlement sortant puisse adopter un budget 2021-2027 sans que le prochain Parlement (2019-2024) n’ait son mot à dire ? Cependant le temps presse. Tout retard pourrait être préjudiciable aux territoires européens, notamment les plus fragiles.

Beaucoup de questions restent sans réponses mais nous ne pouvons pas rater le train des négociations car, à la clé, ce sont -possiblement- des centaines de millions d’euros qui permettront à la Corse mais aussi à tous les territoires d’Europe de se développer économiquement, de se renforcer socialement et de respecter l’engagement universel pris à Paris en 2015 : lutter contre le réchauffement climatique. Nous avons ce devoir mais faut-il encore en avoir les moyens.

« Faire nation» nécessite du temps et des moyens. « Faire nation » nécessite des alliances et des partenaires. «Faire nation» nécessite aussi de le faire rimer avec « Faire l’Union». Une Union des peuples, bien entendu !

Roccu Garoby,

Vice-président de l’ALE Jeune.

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