Prisonniers politiques

Lettre ouverte aux élu(e)s de la Corse

« Le 28 mai 2015, l’Assemblée de Corse adoptait une délibération.

Elle établissait le constat suivant : « Le FLNC a engagé un processus de démilitarisation. Il s’y est tenu. Les attentats de nature politique ont cessé. » Aujourd’hui, ce constat demeure.

Dans son texte de 2015, la représentation territoriale en appelait à «un processus global » pour «transformer cette situation en paix durable » qui incluait «la mise en oeuvre du rapprochement des détenus et la question de l’amnistie, à laquelle la collectivité territoriale de Corse est favorable sur le principe, étant entendu que les modalités et le périmètre de cette amnistie seront précisées dans le cadre du débat à venir. »

Qu’en est-il à ce jour du rapprochement et de l’amnistie ?

Des prisonniers politiques sont toujours en attente de leur rapprochement.

Pourtant, la loi le permet, y compris pour les détenus particulièrement surveillés, les DPS, dès lors que cette mesure coercitive ne leur sera plus appliquée. Il revient donc à l’État d’agir conformément à la loi sans oublier toutefois que rien ne se fera sans notre vigilance.

Par ailleurs, d’ici la fin de l’année 2018, des procès de nationalistes sont prévus.

Dès à présent, il est nécessaire d’anticiper sur ces jugements.

Mais d’autres obstacles à une paix durable se sont déjà ajoutés : le FIJAIT, le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes. Ses conséquences pour les personnes qui y sont inscrites sont un contrôle policier drastique en matière de résidence ou de déplacement à l’étranger et l’inscription au fichier des personnes recherchées.

La contestation de ces contraintes signifie aujourd’hui de nouvelles condamnations pour refus d’obéissance à la loi.

Autre obstacle à l’apaisement : les amendes de plusieurs milliers d’euros que doivent régler les nationalistes ayant commis des attentats, au nom des préjudices subis par des particuliers ou par l’État. Ces astreintes hypothèquent leur avenir social et celui de leur famille avec des risques évidents de précarisation.

Pour les personnes concernées, il n’est plus possible de contester devant un juge ces inscriptions au FIJAIT et ces amendes. Pourtant, l’anachronisme de ces décisions de justice est évident et celles-ci génèrent de nouvelles tensions.

Pour s’émanciper définitivement de la pression que l’antiterrorisme continue d’exercer sur la société corse, pour construire l’avenir, nous avons besoin d’un acte politique qui rompt avec la logique de répression puisqu’il n’y a plus de violence. Nous avons besoin d’une amnistie utile et efficace qui permette de lever les obstacles à l’apaisement en actant la non inscription au FIJAIT de nationalistes qui ont purgé leur peine et l’effacement des amendes liées aux attentats lorsque l’État est victime.

Comme le souligne Paul Ricoeur qui consacra une part importante de son oeuvre à la recherche de « la juste mémoire », « refusant le trop de mémoire ici et le trop d’oubli ailleurs », « si une forme d’oubli pourra alors être évoquée, ce ne sera pas un devoir de taire le mal, mais de le dire sur un mode apaisé, sans colère ».

Mesdames et messieurs les élu-e-s, la ligue des droits de l’Homme est convaincue que cette parole philosophique peut être entendue au plus haut niveau de l’État. Dans le prolongement de la délibération de l’Assemblée de Corse du 28 mai 2015, elle vous demande d’oeuvrer en ce sens. »

 

 

Les signataires :

Jean-Claude Acquaviva, Marie-Anne Acquaviva, Vincent Andriuzzi, Pascal Arroyo, Dominique Bianconi, Antonin Bretel, Frédérique Campana, Gigi Casabianca, Jean-François Casalta, Jean-Sébastien de Casalta, Vincente Cucchi, Francine Demichel, Alain Di Meglio, Patrizia Gattaceca,

1 Trackback / Pingback

  1. Stampa Corsa, informations corses – Lettre ouverte aux élu(e)s de la Corse

Les commentaires sont fermés.