Martin McGuiness

La mort d’un « héros à l’âme fidèle »

Le parcours de résistant de Martin McGuiness durant toutes les années de lutte armée en Irlande du Nord en faisait une légende vivante pour tous les Républicains irlandais. Celui qui a été durant deux décennies une des têtes de l’organisation armée de l’IRA a été aussi, après la signature des accords du vendredi saint en 1998, celui qui a mené les nouvelles institutions d’Irlande du Nord sur les chemins de la Paix. Ce double parcours mené sans faiblir montre la dimension exceptionnelle de ce nationaliste passionné, emporté par la maladie avant que son rêve de réunification de l’Irlande ne se réalise.

Martin McGuiness a été l’homme clé de la période moderne de l’IRA, celle qui a commencé avec le « Bloody Sunday » de 1972, quand la répression de l’armée britannique avait abattu 14 militants désarmés manifestant pour leurs droits civiques dans sa ville natale de Derry. Être catholique en Irlande du Nord à cette époque signifiait être discriminé pour l’emploi, pour l’éducation, et, plus généralement, être relégué à un statut déclassé dans la société.
Recréé après la répression du Bloody Sunday, l’IRA a été durant 25 ans l’acteur d’un conflit parmi les plus durs d’Europe, avant de trouver en 1998 les chemins d’un processus de paix qui est à ce jour une réussite politique dont l’Europe entière se félicite.
A chaque étape de ce parcours historique, chef de l’IRA, puis négociateur, puis dirigeant traqué du Sinn Fein, puis à nouveau négociateur jusqu’aux accords de Paix, et ensuite Vice-Ministre de l’Irlande du Nord dans un gouvernement partagé avec les Unionistes protestants de l’ennemi historique, le DUP du pasteur Ian Paisley, Martin McGuiness a pesé d’un poids colossal sur tout le processus.
Car il fallait tout le poids de son parcours militant pour réussir à convaincre l’IRA d’accepter des trêves, puis de renoncer à la violence, et enfin d’accepter un désarmement total qui a eu lieu en 2005. Et il fallait un sens politique aigu pour réussir la « transition démocratique » à la tête d’un gouvernement partagé avec les ennemis d’hier parmi les plus irréductibles.
Gerry Adams, l’autre dirigeant emblématique du Sinn Fein, originaire lui de Belfast, a rendu hommage à Martin McGuiness, ce « héros à l’âme fidèle ».
Le vote du Brexit britannique, alors que la volonté majoritaire de l’Irlande du Nord a été de rester dans l’Union Européenne, a relancé le projet fondateur des Républicains irlandais, celui de la réunification de l’Irlande. Martin McGuiness manquera terriblement à ce nouveau combat.