La descente aux enfers du Sporting Club de Bastia, c’est l’un des feuilletons cruels de l’été, avec le terrible bilan des incendies. Cruel, parce qu’il ne s’agit pas d’un simple club de foot, ni même seulement d’une construction humaine impliquant des centaines, voire des milliers de personnes si l’on prend en compte la douleur vécue par les supporters. Le Sporting, que l’on aime ou pas le football, que l’on critique ou non le business installé dans le sport de masse, particulièrement autour du ballon rond, c’est une véritable institution, un club, une entreprise, devenu un mythe par l’histoire, par la passion témoignée, par l’amour, les prouesses et le partage des émotions qu’il a offert tout au long de cette belle aventure de plus d’un siècle. Bref, c’est une part de notre être collectif.
«Le Sporting est immortel » ont coutume de dire, de penser et de se persuader tous ceux qui sont attachés à cette histoire, à l’image qu’elle véhicule, et à l’espoir qu’elle ancre dans nos coeurs, qu’elles que soient les difficultés traversées.
C’est pourquoi ce club déchaîne tant de réactions, et c’est pourquoi sa déchéance est vécue comme un drame de famille dans le coeur de chaque supporter et bien au-delà. Et il aura fallu une situation véritablement extraordinaire pour tenter de l’abattre. Une situation rocambolesque, inouïe, d’un point de vue juridique et administratif : comment se fait-il qu’aucun contrôle n’ait pu s’alerter de cette situation ? Comment le moindre centime oublié aux factures de l’Urssaf peut-il déchaîner une série de procédures de mise en recouvrement pour quiconque, sans que la situation du Sporting n’ait, elle, déclenché la moindre réaction de son côté ? Comment les instances du foot français, qui regarde chaque année à la loupe la santé des clubs, ont-elles pu sciemment « laisser filer » les mécanismes qui ont entraîné l’entreprise, ses salariés, ses fournisseurs, dans les abysses ? On a vraisemblablement « fermé les yeux », et cela vient en écho insupportable au terrible drame du 5 mai, né, chacun le sait, des mêmes comportements de « lascia corre» et d’irrespect… avec hélas un bilan terriblement plus dramatique et irréparable. Comment ne peut-on pas retenir les leçons de l’histoire? Nous autres Corses, les instances du football, les autorités publiques ? Sur ce point-là, sans occulter bien sûr les responsabilités probablement pénales du désastre financier de la part des dirigeants qui ont porté le club à cette situation, nous sommes tous responsables. Le drame du 5 mai est une conséquence de l’orgueil et de l’avidité qui a habité toute une chaîne de responsabilités en 1992 et a aveuglé les uns et les autres au point de ne pas activer, ou insuffisamment, les contrôles prévus. Ne l’oublions jamais. Et c’est justement parce qu’il ne faut pas l’oublier qu’il est nécessaire de sanctuariser d’un point de vue sportif cette date du 5 mai pour ne pas cesser de faire réfléchir les acteurs du football d’aujourd’hui et de demain sur ce qui a produit le drame. à voir avec quelle responsabilité le club a été géré ces dernières années, on voit bien qu’il est nécessaire de faire cet examen intérieur.
Bref, cette situation insupportable est inouïe dans ses rebondissements aujourd’hui, avec chaque jour une information creusant un peu plus le trou béant du déficit, comme autant d’obstacles mis aux tentatives de reprise, toute aussi inouïes, si l’on s’en tient à un club de foot en difficulté, mais que l’on ne peut que comprendre et saluer avec admiration de la part des repreneurs lorsqu’il s’agit justement du Sporting.
L’histoire est loin de bien se terminer.
Mais le Sporting n’est pas mort. Des hommes courageux et extrêmement généreux, altruistes pourrait-on dire, s’empare du problème social, politique et humain que la disparition du club risquait d’entraîner : reprise de l’association avec sauvetage de l’entité et paiement des dettes, projet de renaissance progressive, implication des supporters à travers la démarche remarquable des Socios du SECB, mise en place d’un staff sportif, recrutement de joueurs, feuille de route sportive… le SC.Bastia est en National 3 (chute de 5 divisions), mais il est vivant et il regarde vers l’avenir.
À ce stade, un seul mot : merci ! Merci à Claude Ferrandi et à ses frères, Henri et Gilbert. Merci à Pierre Noël Luiggi et son fils Johan. Merci pour leur implication financière, personnelle, active, à la nouvelle direction du club, pour le maintenir debout et lui faire retrouver au plus vite le statut professionnel et les phares de l’élite du football français et européen.
Merci à ceux qui les soutiennent et les accompagneront, y compris financièrement probablement par la suite. Merci surtout pour le projet, honnête, transparent et responsabilisant pour l’ensemble de la société corse. Cette démarche n’a pas son pareil, ni au niveau sportif, ni au niveau de l’entreprise, que ce soit en Corse, en France ou même je pense en Europe. C’est absolument remarquable et nous aurons l’occasion d’y revenir.
Une nouvelle page de l’histoire du club s’ouvre. C’est déjà une formidable victoire.
Ventu in puppa è forza à Bastia !
Fabiana Giovannini.