Michel Castellani, député de la première circonscription de Haute-Corse, compte déjà parmi les députés les plus assidus des travaux de l’Assemblée Nationale et il ne manque pas une seule occasion pour s’exprimer, sur tous les sujets. Du budget de l’État français à la construction européenne, en passant par la loi de finances, la lutte contre le terrorisme ou la transition énergétique, il démontre l’implication de la Corse au niveau de ces grands débats de société, et, comme ses collègues Jean Félix Acquaviva et Paul André Colombani, systématiquement, il ramène le sujet à la Corse, à ses besoins, à ses aspirations. • Le 10 octobre dernier, lors du débat sur l’avenir de l’Union Européenne qui suivait une déclaration du gouvernement, il a plaidé en faveur d’une Europe plus juste, plus démocratique, et respectueuse des peuples, et ce faisant il a fait entendre la voix d’une Corse ouverte et solidaire. Nos députés sont nos ambassadeurs !
«Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Je suis issu d’un petit peuple de Méditerranée. Depuis des siècles, des hommes et des femmes sont venus de tous les horizons se fondre dans un sentiment commun d’appartenance à ce peuple, le peuple corse. Cette fusion et cette appartenance, chaque jour confirmées, sont notre fierté et notre raison d’être politique. Elles devront être inscrites dans la loi, et je suis sûr qu’elles le seront bientôt.
La destinée nous a placés au cœur de la Méditerranée. À ce titre, la construction européenne est au centre même de notre quotidien et de nos préoccupations.
Nous sommes les enfants des échanges européens, depuis la nuit des temps : d’Homère qui décrivait les falaises de Bonifaziu, du roi d’Aragon qui nous a transmis l’emblème du Maure, de Rome où les Corses protégèrent les papes, de Pise et de Gênes qui nous léguèrent tant de richesses patrimoniales, des Écossais venus accompagner notre indépendance, et bien sûr de la France.
L’Europe demeure un phare du monde.
Mais l’Europe est en crise d’identité. Il est de notre devoir d’entendre la déception que les peuples expriment de plus en plus clairement. Il est de notre devoir de traiter ces citoyens pour ce qu’ils devraient être et qu’ils ne sont pas, les responsables de l’avenir de nos sociétés.
Nous avons à quitter notre posture de gestionnaire pour retrouver le souffle du politique. Nous avons donné un corps à l’Union. Il nous reste maintenant à lui donner une âme. Car l’Europe est un élément constitutif de notre nature, une dimension humaine majeure. Les foires, les routes terrestres et maritimes, les couvents, les ports, les lieux de savoir furent depuis l’Antiquité des espaces d’échanges ; ils ont tissé un maillage inégalé, précurseur de l’Union européenne.
La construction européenne a permis de chasser les images des tranchées et des champs de bataille, de Verdun ou d’un continent coupé en deux par le rideau de fer. C’est un acquis considérable, bien sûr. La paix était un objectif des pères fondateurs. Il est globalement atteint, même si le terrorisme, les trafics humains, et les atteintes à la démocratie demeurent encore trop présents.
Les récents événements de Catalogne nous montrent la fragilité du fait démocratique au sein même de l’Union. Le silence du pouvoir central face à des délibérations majeures de l’Assemblée de Corse pose problème, tout comme les atteintes aux droits des prisonniers et de leurs familles.
Notre devoir est de faire renaître l’idéal européen, de rendre vivant le rêve de ses initiateurs, et de restaurer la confiance en l’Union européenne en la rendant plus démocratique. Il convient de rendre publiques les décisions du Conseil, et d’en garantir le contrôle par les citoyens. Il s’agit de réfléchir au découpage de certaines circonscriptions, d’établir celle de Corse ou celle de la Bretagne unifiée.
Il s’agit de reconnaître les nations sans État.
La réalité d’un peuple ne se mesure pas au nombre de ses habitants. C’est cette Europe des peuples, enracinée mais ouverte, que nous appelons de nos vœux.
L’Europe doit agir, et les champs d’action ne manquent pas, en complément de l’intervention des États et des collectivités territoriales : précarité, inégalités régionales, lutte contre le terrorisme, sauvegarde et promotion du modèle démocratique, maîtrise des flux migratoires et intégration des réfugiés, transition énergétique, lancement de grands projets économiques et soutien à l’innovation. Le dumping social et fiscal, les abus fiscaux des multinationales et la spéculation financière sont sources d’injustice, de frustrations, et donc de tensions.
Nous devons aller vers une harmonisation fiscale et sociale, qui est l’indispensable complément de la liberté d’installation.
Le futur de l’Union ne doit plus se résumer à un emplâtre technocratique tel qu’il est perçu aujourd’hui, à tort ou à raison, ni à une concurrence entre peuples et nations, et moins encore à une concurrence biaisée. La France doit pouvoir retrouver un rôle moteur dans cette oeuvre inachevée de la construction européenne. Elle doit peser sur la politique de cohésion, sur la réorganisation prévue des fonds structurels, et sur la nouvelle donne induite par le Brexit.
Il ne faut plus laisser s’installer le doute et la colère. Il ne faut plus abandonner le pouvoir à des technocrates sans contrôles, au risque d’aggraver ainsi le déficit démocratique.
Dans sa déclaration du 9 mai 1950, Robert Schuman affirmait : « L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait. » Eh bien, sachons nous retrouver sur de nouvelles solidarités de fait, mais surtout rendons les respectueuses des peuples et de leurs aspirations. Elles seront alors l’âme de l’Europe. Elles pourront en ouvrir le futur. »