Cuntrastu Via Stella

La rentrée de Gilles Simeoni

Catastrophes de l’été, avec notamment les incendies et la sècheresse, bilan de la majorité territoriale, déchets,  création de Femu a Corsica en parti de gouvernement, prochain scrutin territorial, collectivité unique, situation  économique… le président du Conseil Exécutif, Gilles Simeoni, était l’invité de Cuntrastu sur Fr3 Via Stella, ce  dimanche 10 septembre, interrogé par Jean Vitus Albertini (Via Stella), Patrick Vinciguerra (France Bleue) et Roger  Antech (Corse-Matin). Morceaux choisis sur la situation du nationalisme.

 

Les rapports avec Paris.

«Décembre 2015 a été un basculement  important. La Corse est  aujourd’hui à la croisée des chemins. Il  y a une volonté de paix et d’apaisement  dans cette société qui est largement  partagée. La société corse et les acteurs  de la vie politique corse ont de façon  très majoritaire, voire unanime, créé les  conditions pour cet apaisement. Et nous  avons la possibilité de tourner définitivement  la page d’un demi-siècle de  logique de conflits pour ouvrir une nouvelle  période qui soit celle de la  construction de ce pays. Et ce qui est  terrible c’est qu’effectivement Paris reste  sourd […] Ce que je suis obligé de  constater c’est qu’un nouveau président  de la République a été élu en mai dernier,  que ce nouveau président de la  République a fait campagne au plan  hexagonal sur la nécessité de revisiter  les paradigmes de l’action publique, de  permettre à la France de se réformer en  profondeur pour faire face aux enjeux du  monde nouveau, et que près de 4 mois  après son élection, il n’y a pas eu la  moindre évolution, le moindre signe  tangible de vouloir changer la relation  entre l’État et la Corse. Ça pose un problème  politique qui est un problème  central, y compris dans ce qu’il convient  de faire dans les mois et les années à  venir […] Nous avons à la fois à travailler  à la cohésion et au développement de  la Corse, développement économique,  social, culturel, institutionnel. Et cela doit  se faire de façon volontariste, mais également  de façon patiente. Parce que  nous devons nous projeter au minimum  sur 10 ans. C’est le sens du scrutin qui  vient en décembre prochain. Mais en  même temps nous avons à obtenir de  l’État qu’il reconnaisse la question politique  corse dans toute sa dimension. »

 

La page tournée de la violence  politique

«Ce n’est pas parce que nous avons en  face une situation de blocage totale qu’il  faut laisser le sentiment de révolte, souvent  légitime, se transformer en expression  violente et a priori en expression  violente clandestine. Je crois que cette  partie-là de notre histoire elle doit être  derrière nous. Il ne peut pas y avoir de  chemin pour la Corse, et j’insiste, en  dehors de la démocratie comme  méthode et comme objectif. Mais en  même temps la politique de Paris et la  politique actuelle de l’État, est une politique  extrêmement dangereuse. Parce  que si l’on fait comme l’a dit M. Castaner,  dans son interview dont je veux croire  qu’elle n’est qu’une évocation légère au  détour d’un apéritif d’été, qu’en gros ce  dont on peut discuter c’est l’économie,  et que pour tout le reste, y compris les  élus de la Corse s’ils veulent aller au-delà,  ils se mettent en confrontation  avec le gouvernement et avec l’État, ça  c’est une politique qui est dangereuse et  qui ne peut conduire que dans l’impasse.

Il faut en changer. Très vite, le  plus vite possible ».

 

Femu a Corsica, parti de  gouvernement

« Nous avons plusieurs processus à  conduire de front et de pair. D’abord ce  que je tiens à dire c’est que la majorité  et l’Exécutif territorial, quelles que soient  les échéances à venir, et elles sont très  proches, vont continuer à travailler au  service de la Corse et de l’intérêt général  jusqu’au tout dernier jour du mandat  actuel. C’est la première chose.

Deuxièmement, il y a l’organisation et  la structuration de notre courant d’idées,  et de notre famille politique. En ce qui  concerne la coalition Pè a Corsica, vous  avez d’un côté Corsica Lìbera, et de  l’autre Femu a Corsica, courant majoritaire  au sein de Pè a Corsica, c’est en  tout cas ce qu’ont dit les urnes en  décembre 2015. Et ce courant est issus  du PNC, d’Inseme pè a Corsica, de  Chjama Naziunale, qui ont été les organisations  fondatrices de Femu a Corsica  […] Aujourd’hui il faut tirer les leçons de  ce que nous avons commencé à faire  ensemble il y a près de 10 ans. Et surtout  de ce qu’attendent de nous les  Corses. Notamment les Corses qui nous  font confiance et qui se reconnaissent dans la démarche Femu a Corsica. Ils  disent, il faut aller plus loin, il faut  dépasser les logiques de patriotisme de  structures […] Quand nous disons il faut  aujourd’hui un «parti de gouvernement »,  ça veut dire qu’il faut tirer les leçons,  nous sommes aujourd’hui en situation  d’exercice des responsabilités, nous  n’avons pas la prétention de créer un  parti unique. Nous voulons continuer à  mettre en oeuvre ce qui nous a fait  réussir politiquement. C’est-à-dire à la  fois le respect et la défense des fondamentaux  pour lesquels nous nous battons  depuis des décennies et en même  temps la capacité à s’ouvrir à l’ensemble  de la société corse et à unir les gens  autour d’une logique de projet pour  construire ce pays. Et ça, c’est quelque  chose qui est attendu par des milliers  de Corses. Et c’est ce que nous allons  faire à compter du 8 octobre avec un  congrès constitutif. Nous allons  construire ensemble, avec ceux qui y  sont depuis longtemps, avec ceux qui  vont nous rejoindre. Nous allons nous  doter de statuts, d’instances élues, nous  allons organiser la formation, l’articulation  avec les élus, y compris ceux qui ne  sont pas de notre tendance, les élus de  terrain. L’articulation avec la société  civile, les forces économiques, sociales,  culturelles, pour que Femu a Corsica  contribue de façon active à la dynamique  d’ensemble qui est en train de  se mettre en oeuvre puissamment dans  la société corse. »

 

La vision stratégique

« Je l’ai dit et répété, la Corse d’aujourd’hui  et de demain ça ne peut pas être  la victoire de 30%, 40%, 55% contre le  reste. […] Aujourd’hui une très grande  majorité de Corses se reconnaissent  dans les valeurs, dans les objectifs, dans  les idées qu’ont porté les nationalistes  depuis des décennies […] Je crois que la  question d’une ou deux listes c’est une  question seconde par rapport à la vision  stratégique que nous devons construire.  Et ça c’est l’enjeu des élections territoriales  […] Je vais vous dire simplement un  mot de calendrier qui est important.  Tout le monde dit c’est deux ans  + quatre ans. Ça n’est pas deux ans  + quatre ans. Le gouvernement va aligner  les élections corses sur le calendrier  électoral des régionales en France.

C’est-à-dire que nous allons voter en  décembre et que nous allons revoter  en mars 2021. Ça fait un peu plus de  trois ans. Donc y compris sur deux mandatures,  nous n’aurons même pas eu les  six ans d’une mandature normale. Ça  va aller très vite. Ce que je veux vous  dire c’est qu’il faut que nous construisions  une offre stratégique qui s’adresse  aux Corses pour les 10 ans à venir. Dire  nous voulons un pays qui soit en paix,  avec une logique d’apaisement dans  cette société. »

 

L’autonomie

« Il nous faut un objectif institutionnel  clair, y compris pour Pè a Corsica.  Aujourd’hui une majorité de Corses ne  veut pas de l’indépendance. Corsica  Lìbera est un mouvement indépendantiste  et c’est son droit le plus absolu.

Simplement nous devons dire aux  Corses, nous allons nous battre pour  une autonomie qui soit une véritable  autonomie avec un véritable pouvoir  législatif, c’est-à-dire les fondamentaux  du nationalisme. Et il faut le dire aux  Corses […] L’autodétermination c’est simplement  la capacité des Corses à  exprimer, y compris à travers des scrutins,  par exemple des scrutins de référendum,  ce qui leur paraît être le choix  institutionnel le plus adapté. Il y a eu  un référendum en 2003, ça n’a pas été  un enchaînement vers l’indépendance !

Ce qu’il faut dire aux Corses, voilà ce  pourquoi nous allons nous engager et  votre place, si vous le souhaitez, elle  est dans cet engagement. Nos valeurs,  nos objectifs, en termes institutionnel,  notre projet de société, de façon très  concrète, parce qu’on ne peut pas dissocier  les institutions de la vie économique,  sociale et culturelle. Nous devons  dire aux Corses voilà ce que nous allons  faire dans le domaine de l’agriculture,  de l’énergie, etc. ».

 

L’ouverture

«Cette offre-là elle va bien sûr d’abord  vers nos partenaires stratégiques. Nous  avons gouverné ensemble, nous avons  été élus ensemble, nous avons vocation  à travailler ensemble […] L’élection  législative il y a quelques semaines a  validé l’union, mais a validé aussi une  démarche d’ouverture. L’ouverture ce  n’est pas d’aller chercher des anciens  élus qui ont rompu avec leur formation  traditionnelle. Ces élus il faut les respecter,  il faut travailler avec eux. Mais  notre conception de l’ouverture, c’est  que l’offre politique que nous avons  vocation à porter, Pè a Corsica, l’offre  politique que je propose que nous portions  ensemble, y compris, si c’est possible,  et si les conditions politiques sont  remplies, dans le cadre d’un premier  tour, c’est de dire aux Corses, voilà ce  que nous allons faire, et notre offre doit  aller au-delà de Femu a Corsica et de  Corsica Lìbera. Il faut permettre aux milliers  de Corses qui ne sont pas à Femu  a Corsica, qui ne sont pas à Corsica  Lìbera, mais qui se reconnaissent dans  l’espoir que nous avons initié, de nous  rejoindre […] Nous allons continuer à  travailler et nous allons nous présenter  avec sérénité, avec humilité et détermination,  face aux Corses en leur disant  voilà le chemin que nous voulons, et  ce chemin vous pouvez l’emprunter  avec nous, nous allons aller ensemble  dans une logique de démocratie, d’ouverture,  de construction partagée et ciò  chè no femu, a femu pè a Corsica  d’oghje, è pè a Corsica è i Corsi di  dumane ».