Un appel d’Edmond Simeoni
Le mot sonne comme un défi, une exhortation, un cri de ralliement, une volonté de dignité recouvrée, une espérance. En 1960 – avec la large protestation populaire de l’Argentella dont nous étions – la Corse est sortie d’une léthargie mortelle qui est née de la défaite de Pontenovu en 1769, suivie par une répression terrible jusqu’en 1812 ; ensuite le rouleau compresseur de la francisation – une spécialité coloniale –, combinée avec l’abandon économique total et imposant donc l’exil, s’est mis en marche ; le sang versé en commun, l’intrication des populations, l’espoir d’un avenir meilleur, le prestige de la France, ont généré un patriotisme français solide et une loyauté remarquable.
La Corse en 1950 suscite la pitié ; exsangue, désertifiée, en retard. Le Plan d’action régionale de 1957 pose les jalons théoriques de la mise à niveau ; ses injustices suscitent la prise de conscience – lutte pour le réseau ferré, pour les Arrêtés Miot… Et plus tard, la révolte.
En 1966, naît Arritti, l’hebdomadaire autonomiste ; il y fallait une volonté de résistance et une vision étonnantes, de la Corse et de son peuple, pour voir se rassembler autour de son berceau, les géniteurs :
Max Simeoni, Jean Mannarini, Franck Giuliani, Yves le Bomin, Paul Marc Seta et tant d’autres tandis que s’attelaient à la difficile tâche d’information, des militants devenus de multiples rédacteurs de passion et de talent, comme Victor Sinet, Lucien Alfonsi, Max, André Fazi, François Perfettini, Christian Mondoloni, Charles et Michel Castellani, etc. La Corse était sous tutelle ; le clan associé à l’État asservissait, garrottait, la société et fraudait en toute impunité de manière systématique et professionnelle. Heureusement que des journalistes de qualité comme Aimé Pietri, Paul Silvani notamment défendaient l’île dans le « Provençal-Corse, dans Kyrn, avec Radio Corsica Internaziunale tandis que Dominique Alfonsi, autonomiste, avec son imprimerie, et Intercorse étaient en première ligne.
Le nain de l’information – Arritti – combattait sur tous les sujets, réhabilitait la véritable histoire de la Corse, dénonçait les turpitudes ; il procédait à des études économiques et menait, en pointe, les innombrables combats de l’époque : pour la terre, pour la culture, pour la diaspora, contre la fraude, le clanisme et la corruption… Arritti a créé et enrichi le bain de corsitude où sont notés le concept « d’autonomie de gestion », la nécessité de l’Université, la défense de la langue, la création de l’Arc et du PPC; Arritti a créé et alimenté la révolte des Boues Rouges ; il a été de toutes les luttes, a écrit et publié «Autonomia » en 1973, très lu, et a tiré jusqu’à 17.000 exemplaires, lors d’Aléria, en 1975 ! Puis, jusqu’à aujourd’hui, il a précédé ou soutenu tous les combats du peuple corse. Ila été le lien de la solidarité et du concours actif de la diaspora. ; il a toujours défendu les prisonniers politiques et les demandes d’amnistie.
Le colonialisme avait compris qu’il était un outil d’émancipation ; aussi les barbouzes de Francia, soutenues par l’État, ont détruit en 1977 l’imprimerie que nous avions créée par nos sacrifices. Rien n’a arrêté notre marche en avant.
Victor Sinet, Roland Tafani, Christian Mondoloni, Guasco et d’autres militants ont pris le relai, l’ont rédigé, distribué au départ des bateaux, acheminé aux adhérents, pendant des mois. Aujourd’hui, la moisson commence à peine avec les victoires démocratiques des nationalistes à la mairie de Bastia, à la CTC et aux dernières élections législatives de Juin 2017. Notre bilan, sur une courte période, est déjà prometteur.
Nous sommes à l’aube d’un scrutin territorial décisif qui conditionnera l’avancée de nos idées, déjà largement partagées, le succès de la Collectivité unique qui ne peut être qu’un sas vers l’Autonomie interne. La Corse a besoin de vous toutes et tous, lecteurs d’Arritti, militants, sympathisants, amis, soutiens pour empêcher la victoire des forces clanistes et réactionnaires, soutenues par l’État qui, liguées, nient l’existence du peuple corse et de ses droits ; pour gagner, sauver notre peuple et sa terre ; pour bâtir une économie saine et plus solidaire, faire vivre notre culture, s’ouvrir à la Méditerranée, au monde. Impliquez-vous partout, au téléphone, par mail pour arracher et consolider la victoire qui ouvrira la porte du développement, de l’identité, de la paix, de l’ouverture sur la Méditerrannée, l’Europe, le monde et surtout de la démocratie et de l’humanisme.
Que Fabienne, François Alfonsi et Max, les rédacteurs, les bénévoles, soient publiquement remerciés pour leur ténacité, leurs qualités. Ils sont, avec d’autres, le cœur d’Arritti, un journal de combat cinquantenaire qu’ils font vivre, chaque semaine. Qui a bien mérité de la patrie corse.
Longa vita.
Edmond Simeoni.
11 novembre 2017