Sustegnu à David Brugioni, merre di Centuri

David Brugioni, maire de Centuri, a été victime d’une tentative d’intimidation qui aurait pu être bien plus grave. Un tir de chevrotine a été tiré près de la fenêtre de la chambre de ses enfants à son domicile. La réprobation a été unanime, avec un très large soutien de l’ensemble de la majorité territoriale, la Collectivité Territoriale de Corse, le Département, les maires, ses administrés, les associations de défense de l’environnement et bien d’autres encore.

De nombreuses marques de sympathie, des communiqués, ont été diffusés, et un rassemblement s’est tenu à Centuri le 16 septembre dernier. Arritti se joint à tous pour condamner cet acte inadmissible et apporter son soutien à David Brugioni, sa famille, son conseil municipal, les habitants de Centuri. • Voici les mots qui ont été prononcés par Jean François Bernardini lors du rassemblement de soutien, qui interpellent chacun d’entre nous.

 

«Les lâches et les criminels voudraient faire payer au maire de Centuri son courage, le simple fait d’être honnête, de dire la vérité, d’être à la hauteur de ce que l’on doit au peuple, ce que chaque citoyen, chaque élu doit à la démocratie et au bien commun. Si le courage de David Brugioni qui ne fait que son devoir et qui dans une société en bonne santé serait encouragé, applaudi, soutenu, honoré par le peuple et par toutes les institutions, si ce travail pour la vérité, si ce courage citoyen déclenche de telles réactions violentes, au point où des lâches menacent des vies, sans même avoir honte de s’attaquer à des enfants.

[…] Qu’est-ce qui leur est insupportable pour en arriver là ? Est-ce que nous serions ici à la merci d’une justice du Far West et de la logique des chevrotines ? Innò. Mais il y a là des leçons à en tirer. La première, c’est de savoir que des gens comme le maire de Centuri existent. C’est une très bonne nouvelle. Leur intégrité, leur lucidité qui nous rendent à tous l’honneur de ce désir profond de vivre ensemble dans une société juste. Ce désir il est partagé par l’immense majorité de nos concitoyens.

La deuxième bonne nouvelle c’est la preuve du pouvoir que nous avons.

Quandu un omu si pesa per dì a verità. Quand un homme se lève pour dire la vérité, pour rendre visible l’inacceptable, et que nous décidons de ne plus le laisser seul. Il peut alors ouvrir un chantier urgent, exemplaire pour le peuple, nous invitant à questionner haut et fort ce qui ne marche pas dans ce pays.

Quandu un omu si pesa per dì a verità. Quand il interroge au nom de tous la « coulissologie » de notre société. C’està- dire ce qui se trame derrière les rideaux. L’obscénité de notre société, ce qui est hors scène, quand il adresse un défi aux manigances, aux pratiques frauduleuses, aux passe-droits, aux malversations, cela peut ouvrir un combat, un chemin salutaire, une force. […]

Il nous appartient à tous de répondre.

Pour un homme seul, le prix à payer serait trop lourd, très lourd. Mais si nous sommes ensemble, nous sommes bien plus forts que ces menaces-là. Si les lâchent croient faire peur, faire taire, faire disparaître le problème, enterrer la vérité, imposer le silence, nous avons le devoir, et surtout le pouvoir, de leur résister.

Avemu u putere di resiste. Le juge Falcone, qui a d’ailleurs sa rue à Bastia, disait «on peut tuer un homme quand se produit cette combinaison fatale, d’abord il dit la vérité, il est donc devenu dangereux, ensuite on peut l’agresser, on peut l’éliminer car il est isolé ». […] N’estce pas là le drame de la société corse ?

Les criminels s’installent et triomphent là où les risques politiques et juridiques sont faibles. N’est-ce pas là la tragédie de la société corse ?

Quandu un omu si pesa per dì a verità, il se lève aussi pour appeler les institutions à leur devoir, à leurs obligations.

Car les institutions sont d’abord là à notre service à tous, au service du citoyen, très concrètement, policiers, gendarmes, citoyens, élus, associations, justice, institutions. […]

Nous devons ensemble porter cette cause car c’est le laxisme et l’impunité qui contribuent à isoler les justes, à les rendre vulnérables, à affaiblir l’État de droit. Aujourd’hui dans les événements de Centuri qui ne sont pas des événements isolés, et qui sont un message récurent, une menace insupportable qui s’adresse en fait à chacun de nous, aujourd’hui en Corse, face aux tourments que traverse notre île, on aurait presque envie de porter un brassard noir, celui du deuil de l’État de droit. Un deuil, une absence, une faiblesse, le maillon faible qui ronge la paix et la démocratie. Un brassard où nous pourrions d’ailleurs écrire un palmu di nettu.

Nous chantons dans le Diu Vi Salvi Regina, voi dai nemici nostri, à noi date vittoria, donne-nous la victoire sur nos ennemis. Mais ne nous trompons pas, mes amis, l’ennemi en 2017 c’est aussi l’ennemi intérieur. Celui qui est en nous, celui qui est parmi nous. […]

I nostri babbi dicìanu un palmu di nettu.

Un filet d’eau claire. Ghjustu una surgente d’acqua chjara. Juste un minimum de décence, de dignité, de justice. Oghje più chè mai, un palmu di nettu. Voilà ce que nous cherchons ensemble. […] A sulidarità hè a nostra forza. En découvrant l’efficacité des luttes non violentes de par le monde, chacun comprend que la résistance face à des phénomènes de ce genre, ça se structure, ça s’organise, ça s’apprend. C’est bien tout le défi qui est devant nous.

Sta sera fammi mottu, u fratellu t’aspetta in un palmu d’amore, in un palmu di nettu. Caru David Brugioni, ùn site micca solu. Vous n’êtes pas seul. C’est une belle promesse, il faut la tenir. Ci vole à tènela ».

JF Bernardini.