Sardaigne

Un vote aux conséquences multiples Deuxième partie

Matteo Salvini, Giorgia Meloni, Cristiano Solinas è Silvio Berlusconi. On comprend la décision de suspension du Psd’Az de l’ALE.

Arritti a été saisi d’une demande de publication d’une réflexion sur la situation en Sardaigne par Denis Luciani, membre du Cunsigliu de Femu a Corsica. La première partie traitant de la question des forces politiques nationalistes en Sardaigne est parue la semaine dernière, accompagnée d’un article clarifiant les rapports entre Femu a Corsica et le Partito Sardo d’Azione, dont le positionnement pro-Salvini, parti d’extrême droite en Italie, inquiète l’Alliance Libre Européenne au point d’avoir suspendu la participation du parti sarde au sein de l’ALE. La seconde partie qui aborde la question politique plus générale de la coopération avec la Sardaigne est publiée ci-dessous.

 

Le système politique italien après la seconde guerre mondiale évolua en trois grandes phases, de 1945 à 1990 la domination politique de la Démocratie chrétienne soutenue par les Américains pour faire barrage au Parti Communiste Italien avec le terrorisme brigadiste comme corolaire.

Après 1990, la « révolution » qui défie un système largement corrompu et qui émancipa le monde économique dynamique de la péninsule avec à la fois l’avènement de Berlusconi et des forces fédéralistes comme la ligue du nord.

Néanmoins la « révolution » de 1990 resta inachevée et si l’Italie est une grande puissance économique, son système politique demeure un « jacobinisme hybride » qui se manifeste par une bureaucratie tentaculaire et un déficit de projet politique. En Italie, les alliances à gauche comme à droite et on peut retrouver l’extrême droite comme l’extrême gauche dans des coalitions de gouvernement sans que cela pose problème : cela fait partie de la culture politique italienne très souple on en a de multiples exemples.

En Sardaigne, la Corse et le mouvement nationaliste a eu une importance conséquente en termes d’images après la deuxième partie des années 80. Au fur et à mesure que des groupes se réclamait de l’indépendantisme ce sont eux qui vont mettre en avant la représentation du nationalisme corse (Sardigna Nazioni inspirée de Corsica Nazioni).

Toutefois le passé de la seconde guerre mondiale et le racisme anti sarde très présent dans la population corse rendait tout rapprochement impossible jusqu’en 1990. Le problème des pétroliers dans les bouches de Bonifaziu puis la politique européenne de Max Simeoni avec l’ALE vont légèrement entrouvrir une porte d’échange qui ne va toutefois pas aller très loin. Mais un changement d’image va néanmoins nettement s’opérer en Corse où à la Sardaigne sous développée et l’immigré sarde miséreux va s’ouvrir, pour ceux qui s’y rendaient à partir des années 90, un pays moderne largement en avance sur la Corse à l’économie complètement assistée.

Les conséquences de la crise de 2008 en Sardaigne, et le départ des américains, vont ouvrir pour l’île une période d’incertitude qui fait s’interroger une grande partie de la société sarde sur son insertion dans l’ensemble italien, en Europe et en méditerranée. Ces interrogations vont pousser au-delà des divisions et subdivisions des partis « sardistes » ou indépendantistes issus ou pas du Partito Sardo d’Azzione.

 

Entamé dès 2014 à travers diverses institutions, le rapprochement avec la Sardaigne va trouver son véritable déclenchement avec la victoire des nationalistes en Corse en 2015 qui aura un impact énorme en Sardaigne et qui explique en parti ce qui s’est passé le 24 février. Le voyage de Gilles Simeoni en février sera le début d’un bouleversement historique dans l’histoire des deux îles mais surtout dans la perception que les Sardes avaient des Corses, très liée aux années de violence et de lutte armée. Ils vont percevoir véritablement des hommes d’Etat avec qui un partenariat stratégique pouvait s’enclencher, à l’époque avec une Giunta de gauche comprenant deux assessori nationalistes qui étaient à l’origine du rapprochement.

L’influence de la victoire des nationalistes corses sur la Sardaigne s’est manifestée de trois ordres :

– le rapprochement politique entre les îles

– le renforcement de l’idéal nationaliste

– l’orgueil d’appartenir à une identité

forte et différenciée qui devait se concrétiser de manière politique.

De 2016 à 2019, les mouvements nationalistes sardes qu’ils soient autonomistes ou indépendantistes vont s’essayer plus ou moins ouvertement à des rapprochements. Dans la nébuleuse de ces mouvements trois personnalités se détachent : Cristiano Solinas, président du conseil nouvellement élu, Paolo Manichedda ancien assessore au travaux publics et Mauro Pili ancien président du conseil. Trois personnalités que je définirais comme du centre droit et qui n’ont pas su ou pas voulu se mettre d’accord bien que tous mettaient en avant l’exemple corse d’union des nationalistes.

Le président Christian Solinas, issu du Partito Sardo d’Azzione le parti autonomiste sarde historique crée en 1920, a été élu avec près de 48 % des voix contre 32 % au candidat de centre gauche Massimo Zedda. Au parlement les listes de la coalition de « centre droit civique et sardiste» ont obtenu 35 sièges et 54 % des voix contre 30 % et 18 sièges à la gauche et 9,5% et 6 sièges au mouvement cinq étoiles. Au sein de la coalition de centre droit la Lega a obtenu 12 % des voix et 9 sièges le Partito Sardo d’Azzione 10% et 8 sièges Forza Italia 6 sièges…

Les autres nationalistes sardes autonomistes ou indépendantistes qui n’étaient pas dans la coalition de centre droit obtiennent 3,3% (Manichedda) à la présidence (2,5 Pilli, 1,5 Murgia) et moins aux élections des conseillers au parlement où ils ne sont plus représentés.

Le Partito Sardo d’Azzione de Solinas obtient plus de voix que la somme de toutes les autres listes nationalistes sardes et voit sa ligne politique validée par les urnes.

Ces élections, de par l’ampleur des scores et des écarts quasiment sans précédent en Sardaigne, marquent un tournant qui a des conséquences en Corse, en Italie et en méditerranée.

Pour la première fois depuis l’apparition du nationalisme moderne, dans les années 20, deux Présidents nationalistes sont au pouvoir en Corse et en Sardaigne offrant des perspectives de collaboration sans précédent et une situation politique inconnue jusqu’alors.

De surcroit le choix au sein du gouvernement italien de coalition Lega-Cinque Stelle, de s’engager vers un Etat fédéral laisse une grande latitude pour les choix de coopération du gouvernement de la Sardaigne avec d’autres régions. Cristiano Solinas est déterminé à poursuivre la politique de partenariat stratégique avec la Corse initiée en février 2016 par les deux exécutifs respectifs mais également une politique européenne autonome à Bruxelles sans passer par Rome.

Mais au-delà des vicissitudes, les élections passeront, les majorités changeront, mais la Corse restera à 12 kms de la Sardaigne, qui n’est ni dans la Baltique ni sur les côtes de l’Atlantique. Elle partagera ce vécu et ces siècles communs, cette culture, la langue commune avec la Gallura. La géopolitique européenne du XXIe siècle avec les mutations de l’Union Européenne, la Catalogne, les rapports conflictuels franco-italiens offrent des possibilités qui n’existaient pas précédemment. C’est une chance unique.

Pascal Paoli avait dit « l’avenir de la Corse est sur mer », aujourd’hui l’avenir de la Corse est en Méditerranée avec la Sardaigne dans l’Arc latin qui va de la Toscane à la Catalogne, de l’Italie à l’Espagne. C’est dans cette perspective que se trouve notre destinée en tant que peuple et en tant que nation si nous voulons en avoir une, cela dans le cadre d’une politique européenne d’ensemble qui doit prioriser nos choix.

 

Denis Luciani.

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